Pour faire un niveau, qu’est-ce qui faut, qu’est-ce qui faut ? Pour faire un niveau, une console et un stylo. Et puis du papier, il en faut, il en faut. Et puis du papier, pour y mettre ses idées. Oui, mais les idées, où est-ce qu’elles sont, où est-ce qu’elles sont ? Oui, mais les idées sont pas faciles à trouver. Elles sont bien cachées, tout au fond, tout au fond. Elles sont bien cachées dans un endroit compliqué. Elles ne seront pas en DLC de Super Mario Maker 2.
Level designer est un métier, ce n’est pas en empilant trois blocs et deux ennemis qu’on obtient un niveau intéressant. Nintendo nous confie à nouveau sa boîte à outils pour construire soi-même son propre Super Mario. On vous avait déjà parlé du premier volet sur Wii U, puis de son portage sur 3DS. C’est maintenant au tour de la Switch de prendre la relève. Les cours d’architecture recommencent donc.
Mario va de gauche à droite. Il peut sauter. Perd une vie lorsqu’il touche un ennemi ou tombe dans un trou. Il peut gagner une chance supplémentaire en « mangeant » un champignon qui le fera grandir. Il peut se débarrasser des ennemis en leur sautant dessus et la fin du niveau est illustrée par un mât en haut duquel se dressera un drapeau marquant la victoire. Ça, c’est pour les bases, plus ou moins. Après, vous me rajoutez un peu plus de fatras, de bonus, de pouvoirs et d’ennemis et la recette fonctionne depuis bientôt 40 ans.
Super Mario Maker 2 reprend les outils du premier et y ajoute les palettes visuelles et mécaniques issues de Super Mario 3D World. Celui avec les costumes de chat mignons ridicules mais utiles. Les ajouts de bouton-interrupteur et de pinces actionnables ouvrent notamment un champ des possibles en matière d’énigmes. Prendre les codes de Mario ci-dessus et les fracasser pour en extraire des éléments qui seront retournés et réinventer à quelque chose de fascinant. Vertigo et moi avons alors retroussé nos manches et plongé nos mains dans le cambouis de pixels pour tenter de réaliser au moins un niveau.
Shigeru Miyamoto, Takashi Tezuka et Henri Dès avaient raison : rien ne vaut de commencer par une esquisse. Nous avons donc dressé certaines de nos idées sur papier avant de leur donner corps dans le jeu. Et vu la canicule arrivante, on a tenté une approche hivernale, qui nous a forcément conduit sur les terres de Game of Thrones. « Hey, si on refaisait Winterfell dans le jeu ? », semblait donc une super idée. Place à la pratique.
Sur les traces de Jon Snow
Premier constat et pas des moindres, l’ergonomie est une catastrophe. Là où les stylets de la Wii U et de la 3DS servaient allégrement de pinceaux aux créateurs en herbe, ici la gestion à la manette est laborieuse. Un peu comme jouer à Cities Skyline… à la manette [NDZyvon: tout de suite les gros mots… y a des jeunes qui nous lisent faites attention quoi!], en fait. Les touches ne sont pas intuitives et on galère à passer de la fenêtre de création à celle de sélection des objets. Je sais pas s’il faisait déjà suffisamment chaud à ce moment-là, mais on a bien transpiré.
En revanche, grand soulagement, cette fois-ci, tous les éléments de constructions sont disponibles dès le début. Plus besoin de jouer pour les débloquer, contrairement au premier Mario Maker. Il n’est pas impossible que certaines surprises se dévoilent par la suite, mais point de divulgâchage.
À partir de là, c’est un univers de créativité gigantesque qui s’ouvre au joueur. Si vous êtes parents et que vous voyez vos enfants passer des heures sur Mario Maker, dites-vous bien que vous pouvez les féliciter pour leur patience (avant de les envoyer jouer dehors). Réaliser un niveau entier qui vaille la peine, prend beaucoup beaucoup de temps. C’est bien pour ça que les niveaux partagés en ligne sont malheureusement souvent bien maigres. Toujours pour reprendre Henri Dès, faut surtout des idées.
Deuxième ombre au tableau, pour pouvoir publier son niveau et essayer ceux des autres, il faut disposer d’un abonnement Nintendo. Et ça, ça devrait être écrit en énorme sur la boite. Remarquez, je sais pas si c’est le cas, ma version était dématérialisée. Parce que sans ce contenu en ligne, l’attrait de Super Mario Maker 2 devient quand même bien plus faible (sauf peut-être pour ceux qui n’aiment que monter les Lego et pas jouer avec après).
Mais l’existence d’un mode coopération (qui est une très bonne idée, soit dit en passant) ou compétition en ligne, proposant à plusieurs joueurs de parcourir un niveau en même temps (un peu comme dans New Super Mario Bros. U Deluxe… je m’y ferai jamais), tend à me faire dé-grincer des dents quant à la nécessité de payer l’abonnement. Pour autant qu’il soit objectivement acceptable de payer un abonnement pour jouer en ligne, oui, Zyvon, je t’ai entendu, merci, « PC master race », d’accord, merci, on vous rappellera.
Une fois notre niveau terminé, avec une fin bâclée — un cruel rappel de la saison 8 de Game of Thrones — nous l’avons balancé en ligne, à la grâce de Dieu. Vous pourrez le retrouver sous le mignon petit nom de DN9-6T4-L2G. Une chose est sûre, si l’outil de conception est toujours aussi efficace, l’ergonomie aura vite fait d’user notre patience créatrice. Nous sommes définitivement plus des joueurs que des designers. Cette expérience conforte alors tout le respect que j’ai pour ces derniers et la passion qu’ils y développent.
Vertigo conclura en disant que Super Mario Maker 2 est le prolongement du premier, permettant de réassurer la pérennité de la clientèle. La formule est simple et a bien fonctionné sur Wii U, malgré les autres nombreux programmes d’édition déjà disponibles. Vu l’engouement du public, mais le faible nombre de Wii U vendues, c’est un choix logique au prix de l’ergonomie. À recommander donc aux patients ou aux passionnés.
Note: modulable sur 10
Le game design c’est un métier, Madame.
Option très intéressante, le jeu propose des « cours » de game design avec un professeur… pigeon. Ok. Les thématiques abordées sont vraiment passionnantes et celui ou celle oui voudra s’essayer consciencieusement à l’art de la création vidéo ludique aura de quoi en apprendre beaucoup.
En revanche, exactement comme dans Nintendo Labo, ces conseils sont dilués dans une marée de dialogues bidons et inutiles entre le pigeon et son élève. Pour trouver une information précise, il est obligatoire de se farcir le tout sans pouvoir accéder à ce qu’on recherche. Par exemple, lorsque l’utilisation des rails nous a laissée perplexes, nous avons tenté de chercher des indications dans la partie « aide ». Mais nous nous sommes retrouvés à devoir lire des tas de choses inutiles sans savoir si le document choisi contenait l’information nécessaire avant d’en voir la fin. Pas très malin ça, sachant que les enfants, eux, ont tendance à chercher une réponse par l’expérimentation. Alors, pourquoi habiller les textes dans un modèle infantile ?
Bref, si vos marmots à vous s’intéressent au game design, nous ne saurons que trop vous recommander de les inscrire à des ateliers qui en expliquent les fondements. Notamment, la Swiss Game Academy, dont l’édition 2019 ouvre ses portes au mois de juillet.