Le messie boiteux [Outriders]

Il est de bon aloi de comparer ce jeu à Destiny, Division, Diablo ou tout autre looter, ou shooter, comme je l’avais fait dans le test de la démo, ici. Malheureusement, il faut aussi le comparer à Anthem ou Cyberpunk 2077. Car si j’adore le gameplay et le contenu d’Outriders, il s’agit aussi d’un énième jeu à prix fort qui sort dans un état de finition lamentable  (nous en parlons d’ailleurs dans notre dernier podcast). Voilà, le test est fini. C’est un de mes jeux préférés de ces derniers mois, mais je ne peux le recommander en l’état. Voici tout de même un aperçu de ce jeu qui mérite à la fois un gros coup de coeur et un immense coup de gueule.

Dans Outriders, vous êtes donc un Outrider (dingue), sorte de grade militaire dont on ne sait finalement pas grand-chose, et vous êtes réveillé de votre sommeil cryogénique afin d’aider à l’effort de colonisation de la planète Enoch. Dernier espoir d’une l’humanité privée de Terre habitable. Petit prologue, et puis BAM! Jamais une cryogénisation sans deux, vous vous réveillez encore 30 ans plus tard sur Enoch toujours. Alors que vous espériez aller boire votre Gatorade à la fontaine après un bon petit passage au Starbucks bien mérité…

Eh bien non, la guerre bat son plein, c’est le bordel partout. Vous ne captez rien et vous avez soudain des superpouvoirs après avoir pris un éclair dans la tronche. À partir de là, vous rejoignez l’effort de survie du reste de l’humanité et les autres Outriders face à cette planète hostile qui semble résister à la colonisation à coup d’orages magnétiques (enfin un truc magique tout bleu).

 

Outriders c'est joli

Même si les graphismes sont parfois d’une qualité inégale, certains décors sont magnifiques.

 

Outriders : un bon nanard de derrière les fagots

Si le scénario est des plus convenus et la mise en scène parfois atroce (j’y reviendrai), l’histoire est étonnamment plaisante à suivre. J’avoue avoir été surpris en bien par l’évolution du scénario et la découverte d’Enoch. Si le début est calamiteux, l’intrigue et les paysages se développent d’une manière inattendue à partir du tiers du jeu. L’aventure principale consiste donc en une exploration de la planète Enoch à la recherche d’un étrange signal radio. En fin de compte, j’ai trouvé l’histoire du jeu, voguant entre The Expendables, Avatar et Starship Troopers, très satisfaisante pour ce qu’elle propose.

Les dialogues sont souvent assez nuls, mais je leur ai trouvé un certain charme nostalgique en mettant la traduction française. On se croirait dans Commando, Predator ou n’importe quel autre film d’action hollywoodien des années 80. C’est mauvais, mais ça colle cette l’ambiance de série b de l’espace. À noter aussi que, de manière très appréciable, les développeurs n’ont pas eu peur de tuer des personnages de manière abrupte. Et de donner des réactions brutes de décoffrage au protagoniste.

 

Il y a-t-il un metteur en scène dans l’Outriders ?

La mise en scène, elle, est vraiment l’une des pires qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu vidéo. Les cinématiques sont en majeures parties « filmées » comme si un type sous cocaïne essayait de tenir en équilibre la caméra sur sa tête, pendant qu’il esquivait des tirs. Ça donne littéralement envie de vomir. On se demande quand même dans quel monde cela paraissait une bonne idée lors du processus de création d’Outriders. D’ailleurs les développeurs ont ajouté une option qui permet de réduire cet aspect des mouvements de caméra.

Dans la même veine, des microcinématiques (moins de 15-20 secondes) totalement inutiles parsèment le jeu et viennent couper l’action entre deux sous-niveaux. Tout cela pousse à se demander si quelqu’un a testé le jeu en interne avant de le sortir. Voici en bonus, ci-dessous, le pire exemple de ces cinématiques inutiles et horriblement conçues.

 

Le bon

Là où Outriders tire vraiment son épingle du jeu face à la concurrence, c’est par un système de loot très bien ficelé, très généreux (au début) et accessible dans sa customisation. Il a ainsi le mérite de nous amener très vite à la construction de builds intéressants de manière intuitive et gratifiante. Tout le contraire de Nioh 2 sur ce plan, en gros. Le jeu est effectivement très libéral avec le système de crafting, nous permettant de changer les différentes modifications d’armes ou d’armures à notre guise pour un coût quasiment inexistant.

Même chose pour l’arbre de compétences que l’on peut remettre à zéro quand on veut sans aucun coût. Tout est fait pour permettre d’expérimenter et s’amuser. À l’heure où la majorité des jeux du genre sont sclérosés par la volonté d’être soit un monde ouvert, soit un jeu en tant que service, il est très agréable de voir un jeu qui se « contente » d’être un bon looter-shooter et qui le fait très bien. À noter que la générosité du loot en fin de jeu se péjore malheureusement si l’on tient à tout avoir.

Outriders, c'est fort en loot

Le système de loot est un gros point fort du jeu. C’est un vrai plaisir d’améliorer son personnage au fur et à mesure du jeu.

Le mauvais

Si les graphismes sont très agréables, la réalisation est, sur de nombreux plans simplement catastrophiques. Outriders est encore truffé de bugs ou simplement de petits détails qui donnent l’impression d’avoir été méchamment bâclé. Par exemple, tous les ennemis humanoïdes, qui vous tirent dessus, ne ratent jamais. Si vous apparaissez dans leur ligne de tir, vous perdez de la vie immédiatement. Je n’ai jamais eu autant l’impression que l’ordinateur trichait. Si vous vous téléportez derrière un ennemi, celui-ci sera déjà retourné en train de vous mettre une mandale quand vous arriverez. Cela donne un aspect vraiment cheap au gameplay et créé des situations horriblement frustrantes.

Ajoutez à cela pêle-mêle: des myriades de petits bugs graphiques, du volume sonore mal dosé (le son des munitions spéciales peut faire passer le bruit de la Harley de votre voisin pour une berceuse), un système de couvert bancal, un boss qui a tout à coup quinze fois plus de vie que les autres sans raison apparente, les fameuses cinématiques toutes moisies, ou encore des attaques télégraphées – dont la zone d’attaque est affichée en surimpression afin de nous permettre de l’éviter –  que l’on peut pas éviter… Ce n’est pas très reluisant et donne l’impression qu’il aurait fallu encore une petite année de développement pour peaufiner tout cela. Malgré tout, ce ne sont pas des problèmes qui touchent le fond du gameplay. Ils devraient être corrigeables une fois Outriders sorti de la phase d’Early Access. Ah mince, c’est déjà le cas. Alors en fait non. Bon bref, vous voyez l’idée.

Outriders, ça castagne sec

Eh, mais c’est quoi ce point rouge sur ma tempe ?

 

L’affreux

Nous arrivons maintenant dans ce qui fait que non, je ne peux pas vous conseiller d’acheter ce jeu maintenant, tout fun et addictif qu’il est. Un certain nombre de bugs et un aspect général pas fini, c’est embêtant mais ça passe encore. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié Outriders malgré les points égrainés au chapitre précédent. Mais voilà, il y a encore d’autres gros bugs beaucoup plus ennuyeux qui viennent enrober tout ce beau bordel.

Le plus léger d’abord : un sérieux problème de login qui me demande environ entre 4 et 10 essais avant de pouvoir entrer dans le jeu. Cela ne semble pas s’être amélioré depuis la sortie du jeu le 1er avril (…) et c’est franchement rageant lorsqu’on ajoute la petite cinématique d’intro que l’on ne peut pas couper à chaque essai.

But wait, there is more !

Et ensuite, il y a eu LE bug. Le boss final que People Can Fly (les devs) n’ont réussi à battre que récemment. Vous pouviez perdre tout votre stuff en vous connectant simplement dans le jeu. Car le jeu a beau ne pas se présenter comme un « game as service », il vous oblige tout de même à être online et les sauvegardes ne se font pas en local. Donc de temps à autre le jeu n’arrivait pas à charger votre matos. Votre personnage apparaissait à poil et le serveur faisait une sauvegarde automatique. Et BAM, fini pour le loot à bibi. Des milliers de joueurs ont perdu des centaines d’heures sous forme de matos. Dans un jeu où le seul but et d’accumuler du matos… Chaud.

Alors maintenant ce bug est réglé, donc tout va bien me direz-vous ? Eh bien, qu’à cela ne tienne! Que nenni! Tu veux du bug, en revoilà ! Nouvelle couche dans l’un des derniers patch : la moitié des compétences de défense ne fonctionnent plus et on se fait buter en un coup par la moitié des ennemis. Et des gens rapportent maintenant perdre des pièces d’équipements de manière aléatoire. Bref.

Outriders, ça fume comme un pompier

Un peu comme Darmanin, le scénario ne s’embarrasse pas trop à trouver des raisons pertinentes pour nous envoyer castagner.

Oui, mais non.

Tant que People Can Fly ne trouve pas un moyen de mieux gérer sa stabilité, qu’importe la qualité initiale du jeu et la bonne volonté des devs, Outriders n’est définitivement pas un achat recommandable.

Nous sommes bien d’accord que ces bugs pourront éventuellement être corrigés. Malheureusement en attendant, on a encore une fois un jeu qui n’a pas été bien testé. Ni finalisé. Ni entretenu. Et qui est pourtant sorti au prix d’un triple A, comme un grand. On en a gros!

Quand on compare la qualité de finition par rapport à d’un Returnal, ça fait mal au sac. Si on prend un peu de recul pour analyser l’ensemble des dernières productions de l’éditeur, Square Enix (Avengers, Final Fantasy VII remake et First Soldier, pour ne pas les nommer), nous sommes en droit de mettre sérieusement en doute leur stratégie pour l’avenir.

Sans ces bugs, j’aurais volontiers donné une note de 9 sur 10 à Outriders tant le gameplay m’avait plu et le système de loot est réussi. Mais en attendant je me contenterai d’un :

4 Early Access sur 10.

Testé sur PS5, disponible également sur PS4, PC, Xbox petite et grande, Stadia. 

 

Author: Teiki

Recrue la plus prolifique du mercato du marché suisse romand du jeu de mots à 5 syllabes, Teiki (El Matador pour les intimes) est LE nouveau ancien rédacteur de Semper Ludo. Il gravit vite les échelons et grâce à quelques coups de langue bien placé, le voilà déjà en train de remplacer Founet à l’animation de Podcast. Son talent de marchandage s’est créé tôt dans sa jeunesse où il devint un pilier de l’échange d’objet inutile dans Everquest. C’est certainement cet événement qui l’oblige inlassablement à jouer à des jeux avec du loot vert, bleu, violet et orange. Ancien champion de pétanque sans cochonnet, lors d’un accident de roulade, il dû se reconvertir à la randonnée avec les pieds. Son corps est un temple où seules les personnes qui ont enlevé leurs chaussures peuvent entrer.

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