C’est donc à ça que ça ressemble un jeu PS5? Entre les consoles quasiment introuvables et le manque évident de jeu à y faire tourner, l’actualité faisait plutôt pâle figure. Nul doute que l’ensemble des possesseurs de PS5 vont ajouter ce nouveau venu à leur ludothèque. On ne saurait les en blâmer. En revanche, je me demande combien parmi eux y joueront vraiment plus que quelques heures. Car voyez-vous, Returnal est jeu particulièrement exigeant.
Si Returnal s’ouvre sur un logo « Playstation Studios » aguicheur, qui fait penser à celui de Marvel Studios, c’est bien vite un panneau explicatif qui le remplace. Un encart de mise en garde. Non pas contre les fameuses crises d’épilepsie photosensibles, mais qui prévient que mourir à répétition dans ce jeu est normal, voulu, voire même nécessaire. Le genre du rogue-like se fraye un chemin sur le devant de la scène grand public et il semble de bon ton pour Sony de avertir: attention Jean-Callof, ce jeu n’est pas ce à quoi tu t’attends.
Cette clarification en introduction est surprenante. Une crainte que le public ne rejette le jeu par incompréhension? Même si je me réjouis que la pénurie pousse, potentiellement, un public plus large à découvrir ce genre de jeu, je me demande s’il en aurait été pareil dans un contexte plus « traditionnel » de lancement de nouvelle console. Est-ce que Doom (2016) s’était doté d’un panneau expliquant qu’il faudrait foncer au contact d’un ennemi à l’autre et ne pas privilégier les planques coutumières des FPS à la mode? Non, c’est le gameplay qui nous poussait (brillamment) à l’expérimenter. C’est donc un nouvel univers qui s’ouvre aux joueurs; un nouveau monde à explorer. Comme pour Selene, l’héroïne de Returnal.
Seule sur Mars ?
Je vous laisse quelques secondes pour vous remettre de cette transition amenée de manière si subtile et fluide. Pour ensuite enchainer sur le contexte du jeu. On y incarne donc une éclaireuse de l’espace qui s’écrase à la surface d’une planète d’où émanait un mystérieux signal. Selene émerge de son vaisseau, constate qu’il est totalement hors d’usage et se met en quête de la source du signal, t’en qu’à faire. Elle va rapidement tomber sur un cadavre qui porte une combinaison identique à la sienne et récupérer une arme.
En passant d’une découverte à l’autre, l’astronaute ne va pas tarder à mourir… et se réveiller au pied du vaisseau écrasé. Ce qu’elle prend pour un rêve en ensuite se répéter encore et encore. Et là, c’est le moment du test où je cite le film Le jour de la marmotte (ou plus récemment Edge of Tomorrow), comme, je le suppose, tous les gens écrivant un test de Returnal.
Dans ce Third Person Shooter, mourir va donc faire partie intégrante de la quête. À chaque résurrection, la planète aura totalement changé de structure (en réalité les « salles » se réarrangent dans un autre ordre) et toute la progression disparaîtra. On conserve néanmoins certaines compétences (gadgets, connaissances, ressources) qui vont permettre, potentiellement, de s’enfoncer plus loin dans la jungle. L’ambiance est glauque à souhait, gluante et comme tout bon récit de science-fiction, on a l’impression que l’intégralité de l’environnement ne vit que pour nous achever. Le début de Returnal est très sombre, avant de laisser place aux cinq environnements suivants, mais je dois reconnaître que l’effet graphique PS5 fonctionne. Les fameuses particules dont on nous rabâche les oreilles sont bel et bien présentes et nous en mettent plein la vue.
Ce jue n’est pas un jue sur le cyclimse.
La confusion, voilà clairement l’impression qui se dégage de Returnal. Dans les premières minutes, la maniabilité donne d’abord une appréhension « trop fluide », comme si Selene glissait sur le sol quand elle court. Et il est essentiel de lire attentivement les tutoriels de chaque nouvel éléments de ressources que l’on découvre, car leur compréhension n’est pas très intuitive. Mais après sept ou huit cycles, on commence à comprendre les différentes couches d’interface permettant de gérer les vies, les armes, les produits consommables. De la même manière, on s’habitue à cette fluidité de déplacement qui en devient assez organique.
En parlant de trucs vivants, j’ai trouvé un petit côté Prometheus, dans l’esthétique de Returnal, mais également au travers de avec cet effet « je suis une scientifique, je découvre une entité cheloue, tiens si je mettais ma main dedans ». Mais cela permet aussi un aspect Metroid Prime, dans la manière dont l’héroïne se sert de la technologie locale pour progresser. Ces améliorations permettent souvent d’accéder à de nouveaux endroits et se conservent d’un cycle à l’autre.
Même joueur joue encore
Il y a quelque chose de particulier dans le concept et mise en scène. Comme si des mondes se rencontraient pour donner un mélange hétéroclite. Déjà la rencontre entre le style TPS et le genre du rogue-like est particulier. On a également l’impression d’une mise en abime de mise en abime. Le principe de base d’un jeu vidéo repose sur le fait de perdre et recommencer. Le style du rogue-like a poussé cette mécanique à son summum. L’intégrer dans Returnal comme quelque chose de diégétique (faisant partie de l’histoire) est intéressant. Mais ce qui est particulier c’est alors cette manière d’en faire quelque chose de « crédible » et de faire coexister ceci avec des éléments qui hurlent à qui veut l’entendre qu’ils appartiennent au monde du jeu vidéo.
Une utilisation bien pensée des gachettes haptiques: l’enfoncer jusqu’au deuxième cran permet d’enclencher un tir secondaire.
Si j’explique cela autrement, là où les décors du jeu et son ambiance sont très ternes, glauques, et photo-réalistes (comme on pourrait l’imagine dans un film de SF), les monstres sont, eux, ultra flashy, presque fluo. Ils ne tirent pas de manière naturelle, mais avec des schémas que l’on retrouverait dans un shoot’em up (p.ex. une salve de boules bleues qui avancent vers nous en ligne, à vitesse constante).
Ce sont d’ailleurs ces bestioles, de par le danger qu’elles représentent, qui permettent d’initier la mécanique de gameplay de la boucle. Les précipices aussi sont source de mort, mais une chute se solde d’abord par un retour sur la terre ferme (avec juste quelques points de vie en moins). Là où encaisser plusieurs tirs avant de mourir est cohérent, une chute devrait s’avérer mortelle. Ce n’est pas dérangeant, mais ce sentiment de deux univers qui se rencontrent ajoute à la confusion d’esprit dans laquelle nous entraine Returnal.
Ce côté dérangeant renforce alors l’immersion et le sentiment d’identification à Selene qui lutte pour ne pas perdre la raison. Le fait que la planète se « réorganise » à chaque début de cycle crée une sensation étrange, d’être déjà passé par ici, mais en même temps non, car la salle d’avant n’était pas la même. Rien n’a de sens, tout se contredit, les règles de la physique n’ont plus cours; les règles du jeu que l’on pensait découvrir non plus. C’est un exercice périlleux auquel s’est livré le studio Housemarque. Il n’est pas parfait, mais on peut en saluer l’effort.
La boucle est bouclée
Returnal représente dignement la PS5, que ce soit de par les performances graphiques ou l’utilisation intelligente des gâchettes haptiques. C’est un jeu exigeant, presque élitiste dans sa manière de s’afficher et il risque d’être long. Le communiqué de presse expliquait bien (encore une fois, une explicitation curieuse) que le générique ne représente pas la fin du jeu (comme dans tout rogue-like). On dirait peut-être pas trop à la lecture de ce qui précède, mais après une dizaine d’heures, je peux dire que j’ai été captivé par l’exploration de cette planète qui vous retourne le cerveau. Et je n’ai pas encore battu le premier boss. J’explore. Ce jeu, porte-étendard malgré lui de cette nouvelle génération de console, a de quoi intriguer. Mais j’attire encore une fois l’attention sur le fait qu’il ne plaira certainement pas à tout le monde. Je prends les paris.
Note: 7 Sisyphe sur 10.