Tema la taille du rat ! [ A Plague Tale : Requiem ]

Il est des œuvres qui laissent des souvenirs indélébiles. Dans un monde actuel, plutôt dominé par l’esbroufe, le dispensable ou la rentabilité au plus grand nombre et le court terme, j’ai vécu ma traversée de A Plague Tale : Requiem comme un intermède heureux. Un phare dans la nuit qui m’abandonne avec le réconfort de quelques moments volés, suspendus dans ce temps en dehors du quotidien.

La dilogie A Plague Tale, ça raconte la (sur)vie d’une adolescente de la petite noblesse de Guyenne qui va traverser les périodes les plus sombres de la France du XIVe siècle. Dans le premier épisode, Innocence, Amicia (c’est son petit nom), devait fuir la guerre anglo-française, la peste noire et la destruction de son cocon familial pour protéger son frère Hugo. Ce dernier, tel un vrai gamin, peut autant apporter une aide précieuse qu’être une vraie peine dans le fondement (comme on dit en bon françois du Moyen Âge). Mais surtout, il est frappé d’un mal étrange qui le lie aux rats et donc avec l’épidémie qui commence à ronger le pays.

 

ça semblait pourtant plutôt sympa ce coin au début...

Ça semblait pourtant plutôt sympa ce coin au début…

 

Dans une version assez réaliste du Moyen Âge dans son approche historique des personnages et des événements, le jeu est pourtant recouvert ensuite d’un voile fantastique. Les rats et la maladie en deviennent le Mal. Et qui dit Mal, dit surnaturel et la participation de nos « amis » de la Sainte Inquisition. Un cocktail plutôt bien ficelé à mon goût, car il m’a toujours paru cohérent. Ceci étant sacrément soutenu par des graphismes de très bonne facture pour un double A. L’attention portée aux jeux de lumière et à l’ambiance visuelle et sonore renforçant encore ce sentiment.

Pas à côté de la plague

Le jeu met l’accent sur l’infiltration et la résolution de puzzles. Nos protagonistes doivent utiliser la nuit et les ombres pour se cacher des ennemis, manipuler l’environnement pour créer des distractions, et trouver des solutions créatives pour surmonter les obstacles sur leur chemin. Dans le même temps, les rongeurs maudits peuvent être tenus à distance grâce à la lumière. Corollaire, A Plague Tale propose deux sortes de gameplay, un diurne avec des ennemis en armure et un nocturne peuplé de petites dents acérées et de poils drus. Forcément, en avançant dans le jeu, une troisième phase émerge avec un mélange des deux. Plus angoissant oui, mais aussi plus jouissif quand on parvient à utiliser un adversaire pour éliminer l’autre.

 

Y a même des montagnes tiens.

Y a même des montagnes, tiens.

 

Après, ça reste une promenade dans un couloir. Un beau, long et tortueux couloir, mais un couloir quand même. On parcourt donc cette galerie des horreurs pleine de crasse et de morts dont on cherche à s’extraire en affrontant aussi peu que possible de face nos pires démons. Et parfois, au bout, au point de fuite, il n’est plus question de s’échapper. Là, il faut régler le sort de puissants ennemis et c’est souvent par la ruse qu’on s’en sort. Amicia n’étant pas vraiment encore Gerald de Rivia.

Le Rat-dos de la méduse

Le premier volet, A Plague Tale : Innocence, en plus d’introduire de fort belle manière ce charmant univers, avait surtout pour lui des personnages extrêmement attachants, car vrais. On a pu entendre par ici qu’Amicia prenait parfois des décisions pas très logiques et par là qu’Hugo était régulièrement pénible voir insupportable. Moi j’ai surtout suivi une adolescente en perte de repère et un gamin lambda réagissant comme un gosse dans une situation qui le dépasse. J’ai cru en cette fratrie trimballée par des événements épouvantables, luttant chaque instant pour espérer voir la lumière du matin suivant tout en restant coincé dans les limites de leur condition d’humains en développement.

 

Mais patience et longueur de temps ne font plus que force ni que rat.

Mais patience et longueur de temps ne font plus que force ni que rat.

 

Ainsi, et bien que le gameplay assez bien trouvé pour faire vivre ce genre d’aventure présente au bout d’un moment une forme de redondance (pas désagréable, mais pas révolutionnaire non plus quoi), ce jeu reste un de mes jeux favoris « ever » (comme on dit en Guyenne occupée). En termes d’expérience totale hein. Parce que oui, c’est un jeu couloir parfois répétitif dans certaines phases.

A Plague Tale : le ratour

Forcément, c’est avec joie, mais aussi un peu d’appréhension que j’ai donc pratiqué sa suite: A Plague Tale : Requiem. On retrouve Amicia, son frère et deux autres rescapés de l’épisode précédent en chemin à travers la Provence pour rencontrer un alchimiste. Ce dernier devrait pouvoir guérir définitivement Hugo. Le gamin ne souffrant pour le moment plus des crises qui l’accablaient, mais l’atmosphère reste remplie de la lourde crainte d’un retour du Mal.

 

Parfois, c'est juste beau et reposant. Et ça fait du bien.

Parfois, c’est juste beau et reposant. Et ça fait du bien.

 

Pourtant, la campagne verte et ensoleillée du sud de la France nous laisserais volontiers croire que ça devrait mieux se passer que les tranchées boueuses et putrides de la guerre et du Mal présentées dans le premier opus.

Pour nous remettre dans le bain, le premier chapitre va crescendo nous (ré)apprendre le gameplay de la série et nous plonger dans la réalité aigre-douce (enfin surtout aigre en fait) de cette période âpre où la mort est quotidienne et la méfiance la norme.

On a souvent besoin d’un plus petit que soi

On retrouve donc clairement la même recette que dans le premier. Tant du point de vue de l’ambiance que de la façon de jouer. Cette dernière est pourtant plus variée. Amicia a grandi à travers les épreuves. Elle est donc plus aguerrie physiquement et mentalement. Alors qu’elle passait logiquement son temps à éviter le danger dans le premier opus, on va cette fois avoir droit à de la confrontation directe avec plusieurs antagonistes.

 

Tout va bien. Forcément.

Tout va bien. Forcément.

 

Ici aussi, c’est, à mon avis, très bien intégré tant à l’histoire qu’au personnage. Car dans les moments de répit qui succèdent à ces phases de tension, on va la voir tantôt s’effondrer moralement en constatant ce qu’elle est devenue et d’autres fois la découvrir prête à éliminer la terre entière pour protéger les siens. Et chaque fois, on ressent bien que ça cloche. Qu’aucune de ses réactions ne devrait habiter si longtemps cette pauvre âme en peine qui semble presque toujours à la limite de rompre.

Rat devil et rat méchant

Les développeurs bordelais d’Asobo possèdent néanmoins des qualités d’empathies tant envers leurs personnages qu’avec le joueur. Encore plus que dans le premier opus, un grand nombre de temps calmes permettent de développer l’histoire et le monde de manière presque apaisée. On a ainsi la possibilité à quelques reprises de flâner dans cet univers détaillé. J’ai ressenti alors un sentiment de cohérence général, de soucis du détail. Alors oui, il y a peut-être une ou deux fois des passages un peu « jeuvidéesques ». Par exemple des transitions parfois un peu abruptes entre deux « situations » ou des phases de courses poursuites « too much » dont l’idée est vraisemblablement de nous faire ressentir la « puissance » de la malédiction et de ces hordes de rats démoniaques. Mais ça n’a pas suffi à me sortir de l’ambiance incroyable dans laquelle le jeu nous plonge.

 

Les petits rats de l'apéro.

Les petits rats de l’apéro.

 

Une des critiques que j’ai entendue  à propos d’Innocence provenait de l’obligation de se trainer son « boulet » de frère durant toute la phase du jeu. Même si, personnellement, ça ne m’avait pas posé problème, je peux comprendre le souci. Et apparemment, je ne suis pas le seul, car les devs ont pris en compte cette remarque. Ainsi, si on passe quand même un sixième du jeu environ en binôme avec Hugo, on va avoir droit à des phases solo ou encore des passages avec de nouveaux side-kicks dotés de capacités permettant des changements de gameplay intéressants. Sans reparler de la palette d’objets offensifs qui s’est étoffée et permet là aussi de varier les plaisirs dans les approches.

Qui veut la peste prépare la guerre

Entendons nous bien, si la « jouabilité » (comme le disait déjà Voltaire) est plus que correcte, ce n’est pas pour cela qu’il faut pratiquer A Plague Tale : Requiem. Comme évoqué plus tôt, c’est l’atmosphère, les personnages autant émotionnellement crédibles qu’attachants et la véracité de son ancrage historique qui vont vous emporter dans le jeu.

Si vous n’adhérez pas à ce jeu sous cet angle, non seulement vous n’avez pas la chance de posséder une âme, mais surtout vous risquez de vous ennuyer au bout d’un moment. Car Requiem est un peu plus long que son préopinant. Il ne s’agit pourtant pas d’un défaut si vous êtes un être de bon goût. Oui, vous lisez, comme de raison, un test purement objectif une fois de plus.

Deux dernières remarques avant de vous laisser. Premièrement, si je vous ai convaincu de vous plonger dans ce tourbillon d’émotions, alors commencez par A Plague Tale : Innocence. S’il vous plait. Déjà, il s’agit d’un bon jeu, mais surtout, il symbolise le yin du yang qu’est Requiem, son introduction et son complément naturel et nécessaire. Et deuxièmement, la fin de A Plague Tale : Requiem. Mon Dieu la fin. On a beau la voir venir avec ses gros sabots, elle n’en reste pas moins l’une des plus grosses claques que ce medium m’ait envoyée…

Note: Coup de cœur deux, le retour / 10

Testé sur PC. Disponible également sur Xbox Series X|S (inclus dans le Game Pass), Playstation 5 et  Switch.

 

Author: Zyvon

Élevé à la dure par des parents aux penchants amish, hermétiques à la technologie, l’accès aux jeux vidéo n’a pas été facile pour Zyvon. C’est en utilisant l’argent de sa bar-mitzvah, reçu lors de sa première communion, qu’il s’acheta lui-même un ticket pour les mondes diaboliques de la perversion sous la forme d’une Megadrive. #TeamSonic. Malheureusement, il vécu la crucifixion du hérisson bleu comme une trahison et renonça à jamais aux consoles, pour rejoindre les rangs bénis et accueillant de la glorieuse “PC Master Race”, en jurant qu’on ne l’y reprendrait plus. Son éducation sévère mais néanmoins rustique, lui a donné le gout des choses bien faites et faites jusqu’au bout. Zyvon est dur mais juste mais dur.

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