Le jeu vidéo à mi-temps [Quantum Break, Xbox One]

On connaissait déjà le jeu adapté d’un film, d’une série ou même d’un livre. On connaissait aussi le principe inverse. Voilà maintenant le mélange des genres, avec Quantum Break sur Xbox One et PC: un jeu ET une série en même temps.

Le concept avait pourtant déjà été suggéré par Defiance, un jeu massivement multijoueur lié à la série homonyme, dont le scénario serait écrit en fonction des grands événements auxquels participaient les joueurs. Malheureusement, le projet n’a jamais réussi à s’imposer, ni parmi les jeux, ni les séries. La faute probablement à un grand écart nécessaire à faire entre deux types de médias. Exercice périlleux que le studio Remedy tente aujourd’hui. D’autant plus acrobatique que leur projet a pour cadre les voyages dans le temps, thème délicat mais bien pratique.

Le concept n’avait encore jamais été suggéré, même si des rumeurs parlent d’un projet Défiance, un jeu massivement multijoueur lié à la série homonyme, dont le scénario serait écrit en fonction des grands événements auxquels participaient les joueurs. Mais celui-ci aurait été annulé avant même d’être présenté officiellement. Quantum Break a ainsi le champ entièrement libre devant lui. … Pratique je vous dis, on change un détail et le futur est tout différent.

88 Max à l’heure

Quantum Break Xbox One cacher tirer

L’IA ne s’en sort pas trop mal en opposant plusieurs types de stratégies.

On incarne Jack Joyce, embarqué dans une expérience de voyage temporel qui tourne mal. A croire que cela ne peut pas bien se passer. Il en ressort affublé de pouvoirs lui permettant de jongler avec le temps et de se débarrasser d’ennemis, lors de combats plutôt dynamiques pour le coup. C’est d’ailleurs la force du jeu. Le fait de pouvoir créer un bouclier temporel, de bloquer les ennemis pour leur plomber les boyaux avec du calibre 12, ou encore de les envoyer valdinguer avec une impulsion améliore grandement l’expérience de ce qui ne pourrait être qu’un TPS-je me cache-je tire de plus. Les effets visuels sont vraiment de bonnes factures et permettent une mise en scène efficace. Jack cherche à réparer la Fracture, une anomalie qui risque de couper définitivement l’écoulement du temps. Plus jamais de problème de train en retard, mais moins drôle quand on reste figé sur place. Pour cette mission, il est aidé par son frère, physicien à l’origine de la machine, dans une course contre la montre (lol) face à son ancien ami, Paul. Celui-ci a remonté le temps pour se créer une mega-entreprise avec armée privée dans le but de préparer la fin des temps, qu’il pense donc inévitable. Deux approches pour un même problème, il va falloir choisir. A la fin de chaque niveau, une décision doit être prise. En fonction de laquelle les événements suivants seront différents. Enfin, cet impact ne se mesurera pas dans le jeu, mais plutôt dans les épisodes de la série qui sert de transition vers le prochain chapitre. Place alors à de vraies images tournées avec des têtes connues, comme Sean « Iceberg dans X-men » Ashmore ou encore Aidan « Little Finger dans Game of Thrones » Gillen, pour ne citer qu’eux. Ces parties filmées proposent de découvrir une trame parallèle, avec notamment le point de vue de Paul. Le studio Remedy, rappelons-le, est à l’origine des premiers Max Payne, ainsi que d’Alan Wake. Les liens de fraternité sont d’ailleurs assez évidents. On retrouve donc vaguement l’idée du bullet time de Max, ainsi qu’une ambiance visuelle proche de celle d’Alan (pénombre, zone côtière, phare au loin, etc). De ce dernier, on retrouve également des traces directes, indiquant que les deux jeux semblent appartenir au même univers, ou simple clins d’oeil? A vous de voir, mais j’aime bien l’idée qu’une certaine continuité se crée de cette manière.

Quantum Break Xbox One coucou Alan Wake 2

Coucou Alan Wake…

Quantum Break Xbox One coucou Alan Wake

Coucou Alan Wake… (ter)

 

Quantum Break Xbox One coucou Alan Wake 3

Coucou Alan Wake … (bis)

 

Code Quantum

Quantum Break énigmes temporelles

Quelques petites énigmes demandent de manipuler le temps pour avancer, en annulant la chute d’une plateforme, par exemple.

Les jeux que je viens de citer portent le nom de leurs personnages principaux et offraient des expériences dans lesquelles le vécu du héros et sa personnalité occupaient des places centrales. Donc en suivant cette logique, en proposant un jeu dont le titre n’est pas un nom, on peut s’attendre à quelque chose de plus générique cette fois-ci. Malheureusement, c’est bien le cas. Jake Joyce est une coquille vide. On ne sait absolument rien de lui, d’où il vient, ce qu’il fait, ni s’il vote démocrate ou républicain. Vu son habileté au maniement des armes, j’ai quand même ma petite idée là dessus. Son frère aussi semble surpris de le voir s’emparer d’un flingue et de trucider le premier garde. Et comment remplit-on les blancs narratifs dans l’intrigue d’un jeu vidéo en 2016? Des notes à lire, exactement! Donc on trouve une myriade de mails à lire dans le jeu, qui font parfois plusieurs pages (sans déconner) et sont sensés étoffer le tout. Sauf que la plupart sont inintéressant et c’est incroyablement chiant de lire ces petits caractères sur son écran (je suis si vieux…). Le fait que les personnages ne soient pas plus attachants diminue l’impact de la notion de choix, contrairement à un Life is Strange ou même un Until Dawn. Le jeu souffre de quelques défauts technique, comme par exemple ce maudit effet de flou autour des personnages quand ils bougent et on peut s’enflammer sur le fait que « Non Môsieur, le jeu vidéo c’est pas du cinéma donc c’est absurde de coller une vidéo de 30 minutes entre deux niveaux », mais ce qui me dérange plutôt c’est cette sensation d’à peu-près. Comme si l’idée trans-média était plus importante que tout le reste qui aurait donc été ajouté autour. Idem pour les épisodes de la série: ils n’apportent vraiment pas grand chose à l’histoire et sont très mous. Il ne s’y passe que très peu d’action, alors qu’on est habitué à une explosion de moyens pour les séries TV actuelles. Pourtant, le scénario de Quantum Break est plutôt bien fichu, étayé par d’authentiques théories du voyage dans le temps. Le duel constant entre Paul et Jack illustre très bien un débat puissant dans le monde de la physique (et dans celui de la culture geek par extension) sur le principe de voyage dans le temps, à savoir: peut-on changer le cours de choses (école Retour vers le futur) ou si les événements passés doivent nécessairement se produire (école L’effet papillon)? On trouve ainsi, par exemple, plusieurs références à ce principe, appelé « cohérence de Novikov », au concept de Schrödinger ou aux prédictions autoréalisatrices (« effet Pygmalion »). Donc on voit qu’il y a une intention, que les gars de Remedy ont bossé leur sujet, mais cela débouche malencontreusement sur un décalage désagréable avec tout le reste qui ne bénéficie pas d’un soin aussi poussé.

Quantum Break bibliothèque

Parmi les pouvoirs, on hérite aussi d’une irritante « vue temporelle », empruntée à Assassin’s Creed ou Tomb Raider. Les objectifs ainsi en surbrillance donnent un côté beaucoup trop dirigiste, surtout que l’on est obligé de l’utiliser pour trouver certains bonus.

Une question de rythme

Quantum Break bateau

Fuir un chalutier qui nous tombe dessus c’est flippant. Une fois figé dans le temps ben c’est moins inquiétant.

Moi aussi je vous propose un voyage dans le passé, en 2014, à la Gamescom où je disais m’inquiéter concernant le rythme du jeu. Malheureusement je ne m’étais pas trompé et les séquences où le temps se fige ont beau bénéficier d’une mise en scène et d’une esthétique impressionnantes, une fois le côté wouhouw passé, on perd clairement en intensité et en épique, puisque plus rien ne bouge autour de Jack. Ce problème de rythme se retrouve aussi forcément entre les moments où l’on joue et ceux où l’on regarde, mais cette idée de mélange n’est pas si mal au final. Elle a, au minimum, le mérite de questionner (ou d’affirmer) la place du jeu vidéo, en le posant à égalité avec un autre objet culturel reconnu, ainsi que d’explorer de nouvelles façons de définir le média. Le hic vient plutôt de l’aspect bancal. Le jeu est plutôt correct mais souffre d’un manque de rythme en proposant trop de phases « inactives » et à l’inverse, la série manque cruellement de pêche. Quantum Break joue aux chaises musicales. Il s’époumone qu’il est une révolution et qu’il veut sa place à côté de ceux déjà bien installés, mais personne ne l’écoute vraiment. Donc pour être sûr de ne pas perdre, il essaye de s’asseoir sur deux chaises en même temps, sans se rendre compte qu’il joue un peu tout seul. Effet physique bien connu du « cul entre deux chaises ».

Quantum Break acteurs

Les choix offerts pour les parties « série » ne donnent que rarement l’impression de changer réellement le cours des choses.

Pourtant un certain capital sympathie demeure. Je craignais d’être en présence du « The Order 1886 » de la Xbox One (donc un média visuel « déguisé » en jeu vidéo), mais on est quand même au-dessus de cela. Une durée de vie assez courte (dizaine d’heure dont un minimum d’une heure trente de vidéo) me pousse plutôt à vous conseiller de le guetter dans d’éventuels prochaines soldes. Et en regroupant toutes les différentes parties constituant cette curiosité qu’est Quantum Break, on aurait probablement eu un bon film… ou très certainement un excellent livre.*

 

 

Quantum Break et autres xbox one

Un intrus s’est glissé dans cette frise d’originalité. Sauras-tu le retrouver?

Note: 6,21 gigawatts  sur 10

Jeu également disponible sur Windows 10 (il est d’ailleurs possible de lier les deux et de poursuivre sur PC une partie commencée sur Xbox One et inversément).

*Ben tiens, je viens de découvrir le livre officiel inspiré du jeu sur les rayons d’une boutique de jeux lors d’un récent voyage en Écosse.

La touche Remedy.

Les développeurs ne sont pas dénués d’humour et je vous conseille fortement de prendre le temps de lire les deux mails intitulés « Mon scénario », que vous pourrez trouver dans les actes 2 et 3. Un employé du nom de Bruce Livingstone y écrit le long scénario du « Couteau à voyager dans le temps », pastichant les films d’action des années 90. Tordant. Vous pouvez d’ailleurs en trouver une lecture par l’équipe du jeu sur Youtube. Et puisqu’on est dans les bonnes nouvelles, sachez que Alan Wake et ses DLC sont offerts à l’achat de Quantum Break.

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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