Il était 13h25 lorsque votre serviteur, testeur amateur de son état, encore sous l’effet de Cloudpunk, sentit venir l’urgence d’accomplir son devoir. Les bonnes nouvelles étaient si rares en ces temps de méfiance et de masques. Il était de sa responsabilité de répandre un peu de lumière, d’essayer malgré tout de redonner un sourire invisible à ces inconnus. Les annonces réjouissantes manquaient-elles vraiment dans le monde du divertissement, se demanda-t-il ? Non, le domaine vidéo ludique était plutôt en plein essor et les jeux exceptionnels avaient tendance à sortir plus vite que l’on arrivait à les finir. Mais l’urgence du besoin de parler concernait un petit jeu indie à l’ambiance incroyable et à l’écriture captivante. Une plongée dans un univers digne de Blade Runner, une virée à Nivalis en attendant Night City.
Les doigts fébriles lors de la rédaction de ces mots, il n’osait l’avouer, mais il avait passé le dimanche entier, ainsi qu’une partie du vendredi soir, à découvrir la sombre Nivalis. Ténébreuse, brumeuse, pluvieuse, pestiférée par le vice, la consommation, l’inégalité systémique, soulignée par ses enluminures de néons et autres panneaux publicitaires anti-grav’ promettant de meilleurs mensonges. Une quinzaine d’heures à déambuler dans les rues inhospitalières et les cieux embouteillés de cette cité qui ne veut simplement pas votre bien. À côtoyer ses citoyens, prisonniers de l’illusion de grandeur que Nivalis suggère à chacun pour mieux les consommer, les digérer et en recracher les restes dans ses bas-fonds. Mais qui n’a pas rêvé de se hisser dans la pointe ? Au sommet, là où la caste dominante des CEO ne daigne même pas nous regarder de haut.
Au cours de cette quinzaine d’heures,
il découvrit avec plaisir la conduite de son Hova, fidèle destrier sous la forme d’un taxi anti-grav’, digne de Bruce « Korben Dallas » Willis (oui, ce testeur était vieux et ses références dataient d’un âge révolu). L’évaluateur eut donc le plaisir d’incarner Rania, jeune immigrée héroïne de Cloudpunk, avec qui il découvrit Nivalis de son regard d’étrangère, originaire des lointaines contrées du Sud. Il fit connaissance de Camus, l’IA de Rania, et son meilleur ami. Le vieil évaluateur vidéoludique se lia également d’amitié avec le mystérieux Control, cet homme croulant à la voix usée qui lui donnait ses missions de livraison. Il rencontra les Anderson(s), Huxley le détective au langage étrange, des dealers, des pauvres âmes errantes de qui la ville se repaissait, et même des CEO sans vergogne qui n’auront jamais appris à douter du bien-fondé de leur pouvoir.
L’aventure de Cloudpunk fut captivante,
enivrante et lui laissa l’impression d’avoir vraiment découvert Nivalis, d’y avoir séjourné et il en fut triste de quitter ses personnages à la descente du rideau. Et cela malgré les souffrances endurées par sa console de salon qui ne réussissait pas toujours à garder le rythme de ce qu’il fallait afficher à l’écran. Celle-ci n’avait pu s’empêcher à chaque changement de quartier de Nivalis de s’arrêter un moment sur l’image pour respirer. Elle pouvait bien se le permettre la pauvre, mais cela faillit bien gâcher l’expérience, s’avoua-t-il tout de même. Lors d’un événement quasi traumatique, le testeur perdit deux heures de sauvegarde. Nivalis était sans pitié. Et le portage console d’une qualité douteuse.
La rage au ventre, révolté face à ces inconstances, il se surprit à refaire ces deux heures sans trop devoir se forcer. Nivalis l’avait déjà enivré et il se devait de guider Rania dans ses pérégrinations de larmes et de néons. Ou était-ce la dame qui le guidait lui ?
L’évaluateur avait acquis au terme de son périple une certitude claire au sujet de Cloudpunk,
se formant par-delà les brumes voxelisées de Nivalis : le jeu était une réussite, malgré les écueils du portage PS4. Il avait parfaitement rempli sa mission, en permettant de patienter jusqu’à un voyage ultérieur vers l’autre ville de néons, Night City. Cloudpunk avait même largement dépassé cet objectif, en créant son univers propre, dans les teintes de Blade Runner et du 5e élément. Le testeur savait également qu’en attendant de prochaines mises à jour pour les versions consoles, jouer sur PC serait une expérience plus fluide, moins vérolée, que sur ses consœurs de salon. Bref, l’évaluateur avait désormais la certitude qu’il recommanderait à qui voudrait bien l’entendre, d’enfiler son manteau de pluie, son fédora et de décoller pour Nivalis au plus vite.
Note : 8 licornes en papier sur 10.
Testé sur PS4 Pro, aussi disponible sur Steam, Xbox One et Switch.