Ice Scream [Frostpunk 2]

En 2018 sortait Frostpunk (11 bits studio, Mergue games, Glass Cannon Unplugged), premier jeu de gestion Steam punk post-apocalyptique de l’histoire. Avec sa nomination aux Game Award du meilleur jeu de stratégie/simulation et ses 95% d’avis favorables, cet OVNI vidéoludique a pas mal marqué les amateurs du genre. Six ans plus tard, la saga fait son grand retour, qui était très attendu. Toujours développé et maintenant édité par 11 bits studio (éditeurs notamment des sympathiques The Thaumaturge et Children of Morta), Frostpunk 2 est-il à la hauteur de son illustre prédécesseur ? La réponse (subjective) dans ce test.

 

forcé de constater que c'est visuellement magnifique !

New-London dans toute sa splendeur…

 

Entre deux échelles Frostpunk 2

Frostpunk 2 commence trente ans après le premier du nom. L’apocalypse glaciaire est toujours en cours et le froid plus mordant que jamais. Dans la cinématique d’introduction, on voit la mort du cap’tain, le personnage que vous incarniez dans le premier opus. Son pragmatisme à toute épreuve à la limite de la folie autocratique a réussi à maintenir une certaine cohésion dans New-London. Et c’est là le premier choix aussi logique qu’intéressant : le changement d’échelle. Si vous commenciez la partie avec une centaine de survivants dans Frostpunk, la nouvelle Londres compte plus de 30’000 citoyens dans la suite. Et c’est parfaitement cohérent. Trois décennies d’accueil de réfugiés ainsi que la procréation des habitants qui n’ont pas beaucoup d’autre loisir ont logiquement fait augmenter considérablement votre population.

 

 

Oui ça rappelle Civilization VI, vous inquiétez pas on en parle après...

Les quartiers ne sont pas qu’une transposition des problématiques des bâtiments, ils les subliment…

 

Et ce changement en entraine un autre par ricochet. Vous ne devrez plus construire des tentes et des dortoirs pour loger des familles, ou envoyer une dizaine de clampins récolter du bois ou du charbon. Dans Frostpunk 2, vous construirez des districts entiers, qu’il s’agisse d’habitat, de nourriture ou d’extraction de ressources. Votre rôle sera beaucoup moins de faire de la micro-gestion, mais d’organiser une société renaissant du néant glacé. Vous enverrez des colons extraire des ressources pour la communauté, vos brise-glaces traçant de nouveaux chemins et vos explorateurs bâtissant des routes pour relier ce qui ressemble fort à un état.

 

D'un autre côté, les britanniques s'y connaissent pas mal en colonisation...

Les ressources en combustible vous pousseront à exploiter des territoires éloignés.

 

Passe-moi la rhubarbe, j’t’envoie la salade

Côté politique, Frostpunk 2 joue également habilement avec le changement d’échelle. Fini l’époque où vous imposiez votre volonté tout en subissant les conséquences des humeurs de vos citoyens. Ici, le peuple s’est constitué en factions politiques dont les intérêts, les aspirations et l’idéologie leur sont propres. En début de partie, vous bâtirez un genre de parlement, où les différentes sensibilités s’exprimeront sans ambages. Chaque proposition de loi devra être approuvée par la majorité du conseil. Vous pourrez évidemment tenter des coups de bluff en misant sur la confiance qui vous est accordée ainsi que sur votre charisme naturel, mais vous pourrez également négocier séparément avec les différents groupes dans le but de faire valoir vos positions.

 

Mais ce que la réalité ne peut motiver, une promesse peut engager...

Vote compliqué, tel un macroniste dans l’embarras…

 

Toutefois, les promesses non tenues auront tendance à détruire la confiance que vous essayez de construire avec les différentes factions. Chaque compromis entrainera votre responsabilité sur les recherches scientifiques en cours ou les votes à venir. Votre épopée vous mènera à faire des choix discutables, dévier de vos convictions ou encore vous mettre dans l’embarras à long terme dans le but de contenter des groupes d’influence surreprésentés.

 

Tout ce paye dans ce genre de jeu, les guillotines en palettes sont déjà en préparation...

Quand, tout à coup, on promet au peuple de l’énergie bon marché, et qu’on sauve ses fesses pour pas cher…

 

Je trouve ce parti pris particulièrement intéressant. Dans un Civilization VI (Firaxis games, Aspyr, 2016), que j’adore, rien de tout ça. Lorsque votre empire passe d’une monarchie de droit divin à une forme de démocratie quelconque, rien ne vient limiter votre emprise sur la partie. Aucun contre-pouvoir ne limite votre omnipotence sur vos terres. Frostpunk 2 fait le choix de vous mettre face à la réalité des institutions, et franchement ça vend du rêve.

 

On vit dans une saucisse n'est-ce pas ??

Pour cette fois, ça passe…

 

50 nuances de blanc

Les peuples inuits posséderaient des dizaines de termes pour désigner la neige dans toutes ses subtilités. Dans Frostpunk 2, on est plus pragmatique. On parlera volontiers d’enfer blanc. Le froid reste votre ennemi numéro un, et ne vous laissera aucun répit. Tout dans l’environnement vous fera comprendre que le danger rôde, que les conditions climatiques vont aller de mal en pis et que plus rien ne sera plus jamais pareil. Personnellement, je trouve très intéressant d’inverser la problématique actuelle, dans la mesure où les conditions climatiques du jeu sont aussi graves que celles auxquelles l’avenir nous confrontera et probablement plus spectaculaires. Toutefois, le danger qui nous guette est bien réel et les manœuvres d’esquives au moins aussi dégueulasses…

 

Le blanc, ça détend....

WTF que c’est beau !!

 

Mr. White

Concernant le gameplay, on est sur de la gestion/stratégie classique. Le génie du jeu se trouve dans les décisions aussi éthiques que stratégiques, vous poussant à nier vos convictions dans un but d’efficacité. Frostpunk 1 vous obligeait à faire travailler des enfants, Frostpunk 2 vous pousse à trouver des arguments pour convaincre des groupes politiques à soutenir cette proposition. Trouver du carburant, des vivres et de l’espoir, juste pour survivre, tout en prévoyant la suite. Votre rôle est autant celui d’un leader éclairé, d’un gestionnaire aguerri et d’un dirigeant aussi fourbe que bienveillant. Vos choix ont des conséquences, et il faudra faire avec.

 

gloire aux Etendiens !!

La radicalisation des gens est effrayante !! Quand bien même ils auraient raison, ça va trop loin !!

 

El blanco !!

En conclusion, Frostpunk 2 est un banger absolu !! Certes, son gameplay ne parlera pas à tout le monde. Sa complexité laissera probablement un nombre conséquent de gamers sur le carreau. De plus, le jeu n’est pas très accueillant avec les nouveaux venus. Je l’ai trouvé cryptique alors que j’avais poncé le premier opus, et des potes néophytes m’ont confié leur désarroi après leurs premières tentatives. Toutefois, ce jeu est probablement le plus abouti du genre (je vous avais prévenu que c’était subjectif ? Je me rappelle plus…) et malgré son manque de bienveillance envers les nouveaux joueurs, il me semble une valeur sure.

 

Note: 9 stalactites/10

Testé sur PC, disponible également sur Mac, et prochainement sur Xbox Series et PS5

 

Author: Plissken

Élevé dans les hautes terres du Val-de-Travers, au sein d'une secte vénérant l'absinthe, il en fut banni à la suite de ses propos, bientôt qualifiés d'hérétiques. En effet, le visionnage du film «The Big Lebowski» lui fit remettre en question son éducation obscurantiste. Honni de tous, il hante désormais les supérettes vêtu d’un peignoir, sirote des russes blancs et joue sur son PC (c’est chiant comme Drucker, le bowling). Lors de ses moments de lucidité, il se plonge dans les écrits du Necronomicon afin de maudire les développeurs de DLC abusifs et de tailler le bout de gras avec les grands anciens. Virtuellement, Plissken se complaît dans les jeux moralement ambigus, absurdes et difficilement compréhensibles par le commun des mortels. Ses tests sont-ils autant maudits que son livre préféré ? Oserez-vous les lire ?

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