Troisième et dernier volet des tribulations de notre Cygurd national au Japon. Les couloirs du Tokyo Game Show n’ont maintenant plus de secrets pour lui. Il est alors venu le temps de clore cette trilogie épique.
Les heures passent, la foule est de plus en plus dense, au point que je me retrouve obligé de suivre le courant de la marée humaine du Tokyo Game Show. Je n’ai toujours rien bu ni rien avalé de solide, je n’ose même pas imaginer l’expédition que doit représenter un détour vers la terrasse des restaurants.
Trimballé malgré moi, j’admire la démesure de certains stands, qui n’ont apparemment pas lésiné sur les moyens. Alors qu’un immense logo Fatal Fury trône devant le stand de SNK, des pingouins se dandinent devant les quelques mètres carrés consacrés à Faaast Penguin. Une chose est sûre, en ne profitant pas de mon accréditation pour venir au Tokyo Game Show lors des deux journées réservées aux professionnels, je confirme que je ne suis pas le pingouin qui glisse le plus loin sur la banquise.
Cairn
Quelques minutes de souffrance plus tard, je m’échoue au pied du stand de Devolver, qui accueille deux postes pour tester Cairn, le nouveau jeu des français de The Game Bakers (à qui l’on doit notamment l’excellent Furi).
Comme mes collègues amateurs de Schnitzel et de Curry-Wurst n’ont pas été capables de mettre la main sur le jeu à la Gamescom pour me donner leurs impressions, je saute sur l’occasion pour tester ce jeu d’escalade qui me fait de l’œil depuis un moment.
Et pour cause : un jeu d’escalade en cel-shading, qui se veut contemplatif et réaliste avec, excusez du peu, Mathieu Bablet (l’auteur des excellentes BD Carbon & Silicon et Shangri-La) à la direction artistique.
Le concept de Cairn est simple : face au joueur, des parois rocheuses à escalader librement, à l’aide d’un petit robot qui nous aide et de quelques pitons. Cette démo ne me permettra pas d’en apprendre plus sur le scénario, que j’espère minimaliste. Ce que je veux moi, c’est de la sensation !
Je commence donc face à quelques murs de grimpe à escalader en guise de tuto. La maniabilité est simple. Il me faut toutefois quelques minutes pour m’habituer au fait de ne pas choisir lequel des membres de mon personnage bougera après ma dernière prise. En clair, le jeu choisit lequel de mes quatre membres va s’animer, en fonction de ma posture et de manière pertinente, heureusement.
Après cinq minutes de tuto, la chose est devenue intuitive. Je n’ai donc qu’à réfléchir aux voies que je vais emprunter, à choisir dans quelle direction bouger mes membres, à quelle prise je vais m’agripper et si je vais tenter de planter un piton (ce qui déclenche un mini test de skill) ou me dégourdir. Cela paraît simple, presque simpliste, et pourtant c’est amplement suffisant pour transformer n’importe quel mètre de paroi en défi.
Si les sensations sont bonnes manette en mains, et le jeu séduisant esthétiquement, il faut vraiment que les développeurs travaillent encore l’animation des jambes, pour l’instant pas loin d’être catastrophique. Molles, ne tenant pas compte des collisions et de l’anatomie humaine, celles-ci ressemblent pour l’instant davantage à des boudins qui se tordent et s’emmêlent qu’à de véritables guibolles. À moins que le personnage qu’on incarne soit championne du monde de contorsionnisme, cela représente pour l’heure un sacré frein au sentiment de réalisme que vise le jeu. Ça tombe bien, Cairn n’est pour l’instant que vaguement annoncé en 2025. De quoi se donner le temps de corriger ce gros défaut et proposer un vrai jeu d’escalade (pas comme Jusant quoi).
Avant d’aller tester Metal Gear Solid Delta: Snake Eater, il me reste assez de temps pour faire un saut dans le hall des produits dérivés, situé à l’extérieur des trois immenses halles consacrées aux exposants. Naïf, je me dis que ce sera l’occasion de sortir un peu de la cohue.
Au Tokyo Game Show, aucun studio ne vend quoi que ce soit sur son stand. Pas de jeux, pas de produits dérivés. Pour ça, il y a une halle spéciale, et immense. Le problème, c’est que les Japonais raffolent de produits dérivés inutiles. La dernière grande mode consiste en des silhouettes de personnages de franchises en acrylique, qu’on peut faire tenir debout grâce à un socle. Des babioles aussi esthétiques qu’utiles. Le chemin qui mène aux exposants est donc aussi saturé que les allées qui relient les stands pour tester les jeux.
Arrivé dans la halle des achats compulsifs, j’ai l’impression de rejoindre le 7e cercle des Enfers. Plusieurs stands de fabricants de produits dérivés regroupant quelques studios de développement présentent des files affichant 45 à 60 minutes d’attente. À l’entrée de ces files, on nous distribue un prospectus pour déjà cocher les articles qui nous intéressent. J’en feuillette un et m’enfuis aussitôt de cet asile psychiatrique (et c’est un weeb assez prompt à ouvrir le portefeuille pour des bêtises qui parle, Milambert peut en témoigner).
Le temps de retourner dans les salles principales en faisant un détour par l’épicerie la plus proche pour m’enfiler un onigiri et une canette d’un litre d’energy drink (après avoir fait 20 minutes de queue, tout se mérite ici), je fonce au stand de Sony pour tester ce fameux retour de Snake !
Metal Gear Solid Delta: Snake Eater
Voilà mon dernier jeu testé du salon. Autant le dire tout de suite, je n’ai pas joué au titre original et ne suis pas un fin connaisseur des MGS. Ne m’en voulez pas, dans la vie il faut faire des choix, et je vous promets que j’ai acheté la compilation sur Switch pour combler cette lacune. Je ne suis donc pas le plus à même d’évaluer ce remake à l’aune de la qualité du titre original.
Quoi qu’il en soit, je me réjouis. Le jeu me donne envie. Ne serait-ce parce que j’ai un capital sympathie pour cette relecture du personnage de Snake Plisken de John Carpenter, et que je ne fais pas partie des gens qui détestent Kojima (oui, je sais, il n’a pas du tout été consulté pour ce remake).
Alors que je m’installe confortablement sur ma chaise et que je glisse le casque PULSE 3D de la PlayStation 5 (Sony ne manquerait pas une occasion pour faire un peu de promo) sur les oreilles, un membre du staff m’explique comment fonctionne la démo. « Au début de la séquence, tu vas avoir 10 minutes de dialogue, tu peux les skipper ». Même si je n’ai pas joué à MGS 3, je me dis que si c’est bavard, ça doit indiquer un bon degré de fidélité à un jeu signé Kojima.
Je m’exécute donc et zappe le briefing, qui me semble être dans le plus pur esprit des séries B des années 1980, un gage de qualité.
S’ensuit une session d’infiltration dans la jungle. D’après ce que j’ai compris, les MGS font office de référence en matière d’infiltration. Si ces quelques minutes de jeu m’ont permis d’élaborer plusieurs plans pour contourner ou venir à bout des soldats et autres crocodiles qui se trouvaient sur mon chemin (affoler les abeilles d’une ruche placée, ô quelle surprise, pile sur la tête d’un soldat, un K.O. ni vu ni connu effectué par derrière, etc.) j’ai toutefois été surpris par la piètre qualité de l’IA. Une bonne intelligence artificielle est pour moi un élément essentiel à un bon jeu d’infiltration. Or ici, les soldats soviétiques me paraissaient au mieux idiots, au pire aveugles. On peut pourtant être communiste et intelligent, non ?
Sachant qu’il reste au maximum deux mois avant la sortie du jeu (sauf report de dernière minute), cela me semble pratiquement impossible de résoudre ce problème dans les temps. Certes, le jeu est beau, mais tout ça me paraît bien archaïque en termes de jouabilité. Snake semble peser des tonnes, les environnements ont des allures de couloirs à peine déguisés, et mes ennemis ne me voient pas alors que je suis planté en face d’eux, à moins de deux mètres.
Seul indice de modernité : lorsque je tire sur les crocodiles, ceux-ci ne meurent pas, mais s’endorment (c’est du moins ce que les « ZzZzZzZz » qui volent au-dessus d’eux laissent entendre). À moins que le briefing que j’ai zappé m’expliquait que mes munitions étaient létales pour les êtres humains, mais pas pour les reptiles, je peine à comprendre ce tour de passe-passe.
Je fais part de mes impressions à un joueur à côté de moi, qui m’explique que le titre est plus un remaster qu’un remake, car il correspond presque exactement à l’expérience du titre sorti en 2004. D’accord d’accord. La question se pose alors : à qui s’adresse vraiment ce jeu ? Certainement plus aux nostalgiques de l’original sorti il y a vingt ans qu’aux nouvelles générations, qui peineront sans doute à goûter à cette madeleine de Proust.
Ces vingt minutes ne m’ont personnellement pas dégoûté, et je reste curieux de voir le résultat final. Surtout qu’un laps de temps si court, c’est fort peu pour se faire une idée de la qualité d’un jeu d’infiltration, un genre qui nécessite souvent quelques heures pour prendre ses marques et son rythme.
Voilà, l’heure de fermeture du salon approche, même si la foule toujours aussi dense ne le laisse pas du tout deviner.
Je me dirige ainsi vers la sortie la plus proche. J’accélère même la cadence, pressé de respirer un peu d’air pur, quand je passe devant le stand de Konami, qui présente un concert des interprétations d’OST de ses jeux par le Falcom jdk BAND sur sa scène. J’oublie alors les maux de dos, les jambes lourdes et même la faim. Je me rapproche de la scène, et me voilà qui souris comme un benêt parce que j’entends des morceaux de The Legend of Heroes. Ça tient à peu de choses, le bonheur.
Sayonara Tokyo Game Show, à une prochaine, j’espère.