Warner Bros. (2018)
De : Steven Spielberg
Avec : Tye Sheridan, Olivia Cooke, Ben Mendelsohn, Lena Waithe, T.J. Miller, Simon Pegg, Mark Rylance,…
Age conseillé : 12 ans
Pas d’inquiétude, on ne va pas parler d’un jeu adapté d’un film, mais bien d’un film tiré d’un livre, qui traite de jeu vidéo. Si avec ça on n’a pas un cocktail culturel.
Les salles obscures accueillent en ce moment Ready Player One de Steven Spielberg, inspiré par l’ouvrage éponyme de Ernst Cline, publié en 2011. Son action s’inscrit pleinement dans l’univers des jeux vidéo. Si le livre se veut être une déclaration d’amour enflammée à la culture pop des années 80, le film lui lorgne plutôt du côté des années 2000, histoire de séduire également un public plus jeune. Wade Watts, le héros grassouillet (du moins dans le livre), vit en 2047, dans un monde où les problèmes de surpopulation et de crise énergétique ont conduit les gens à investir « L’OASIS », une réalité virtuelle permettant d’échapper au morne quotidien. À la différence de Matrix, où les individus ignorent être dans une simulation, ici la connexion est volontaire. On y suit à la fois Wade et son avatar PerZival, à la recherche du Graal : trois clés cachées dans l’OASIS par son créateur. Quiconque parviendra à les dénicher deviendra maître incontesté de l’univers virtuel.
Au-delà des qualités très divertissantes du film, ce sont ses niveaux de lecture multiples qui nous intéressent. Le plus évident est, bien sûr, celui d’une plongée ahurissante, à 200 à l’heure dans l’univers des jeux vidéo, du cinéma, des mangas et de la culture geek. Presque même trop vite d’ailleurs, puisque le film ne prend pas vraiment le temps de poser le décor au début, contrairement au livre, dommage. Il y a ensuite le regard du réalisateur. Spielberg s’est fait plaisir et on l’imagine aisément comme un gamin derrière sa caméra. Toute la scène de la deuxième énigme, qu’on ne divulgâchera pas ici, en est un parfait exemple (notamment, car elle est totalement différente de la version écrite). Le film prend ainsi beaucoup de libertés et de raccourcis par rapport au récit de base, mais propose une variation convaincante. Nous avons vu passer quelques commentaires sur Internet évoquant une critique acerbe, voire réactionnaire, du jeu vidéo. Éloignons-nous de ce point de vue très terre à terre. Sans pour autant, passer sous silence les défauts de l’œuvre, celle-ci est en réalité à comprendre comme une observation de notre société. Le récit explore la RAISON pour laquelle tous ces joueurs préfèrent investir l’OASIS, plutôt que leur vie « réelle », de laquelle il ne demeure pas de perspective d’espoir. Le slogan du film, répété plusieurs fois, « Vous êtes venus pour fuir quelque chose, mais vous êtes restés parce que vous avez trouvé quelque chose » est en lui-même un symbole puissant de l’activité de jeu actuelle.
Le message n’est alors pas de pousser les joueurs à couper leur jeu, mais à entrevoir une complémentarité, et surtout de s’opposer à une vision de leurs jeux détournée du but premier : le plaisir. La dynamique de l’industrie aujourd’hui est une expression parfaite d’un fonctionnement dans lequel la passion s’éclipse, bien souvent, en faveur de la rentabilité. Bien entendu, on peut y voir une posture naïve, mais c’est toujours le propre même de la science-fiction que d’exagérer une situation utopique, pour nous faire réfléchir sur la condition présente. Il est en effet peu crédible d’envisager Steven « Indiana Jones-Jurassik Park-E.T.-Transformers » Spielberg se positionner en tant que critique de cette bulle du divertissement.
Il est intéressant d’établir un parallèle avec certaines situations de jeu excessif de nos jours : ces joueurs qui ont du mal à se sentir valorisés dans leur quotidien ont alors tendance à surinvestir le jeu, là où la récompense est immédiate, mais surtout visible et identifiable. Posons-nous la question : pourquoi sommes-nous si sensibles à cette question de la valorisation ? Que dit ce phénomène de notre fonctionnement actuel ? Si Ready Player One n’apporte pas de réponses, il nous permet néanmoins d’aborder le sujet de manière, certes décomplexée, mais optimiste. Et des fois, ça fait du bien un peu de « happy ending » ! Et… le film est jubilatoire, nom d’un pixel !