C’est l’histoire d’un Type [R-Type Final 2]

On dit que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes. La marmite R-Type est décidément vieille, mais est-ce que la soupe a encore du goût ?

Comment parler de R-Type Final 2 sans commencer par une leçon d’histoire ? Cette série a construit plusieurs piliers du genre shoot’em up à défilement horizontal, maintes fois copiés à juste titre. La saga commence en 1987 dans les salles d’arcades, où la borne de Irem Software en a fait suer plus d’un. Profitant des dernières avancées technologiques de l’époque, R-Type offre des graphismes colorés et fluides, et surtout un niveau de difficulté brutal. On n’y affronte pas des hordes d’ennemis insurmontables, mais plutôt une succession de tableaux où le jeu de tir effréné se mêle à la réflexion, voire une certaine stratégie.

R-Type

R-Type, l’original. Tous les joueurs ont vu cette scène au moins une fois dans leur vie.

Esquiver et repérer les zones sûres plutôt que de tout exploser. Outre la difficulté, la seconde marque de fabrique de la saga est la présence d’une sphère placée à l’avant du vaisseau R-9, la « Force », qui sert à la fois d’arme et de bouclier. Ce module peut gagner en puissance et tirer différents types de lasers en fonction des bonus ramassés. Le joueur peut aussi détacher la Force du vaisseau pour atteindre des adversaires ou la replacer à l’arrière du vaisseau. Durant ce laps de temps, le R-9 est totalement vulnérable et privé de sa meilleure arme. Par contre, c’est aussi le moment où la Force peut détruire seule une vague d’ennemis plus faibles, tandis que le joueur achève un adversaire coriace avec un tir chargé. Aucune erreur n’est permise : chaque contact est fatal, y compris avec les murs, et la Force ne protège que des tirs les plus faibles.

Le fin du fin

Le génie de R-Type réside dans la conception des niveaux. Chacun d’entre eux offre son lot d’ennemis aux formes et déplacements variés. La progression du joueur dépend de la vitesse à laquelle il saura décoder les schémas et donc anticiper les mouvements pour se mettre à l’abri, avant de pouvoir frapper. Chaque échec pousse le joueur à reprendre au dernier point de contrôle, avec le vaisseau de base et sans Force. Chaque passage est donc faisable avec un R-9 tout nul, pour autant de réussir à décrypter le niveau.

Fort de son succès, Irem ne tarde pas à publier une suite, également sur arcade, deux ans après le premier titre. Avec seulement une poignée de nouveaux lasers pour la Force, R-Type II est la séquelle directe du précédent. Seuls les plus assidus parviendront à vaincre le boss final.

R-Type Final 2

Trente-quatre ans de plus et pas une ride

Les troisième et quatrième titres sortiront des années plus tard, exclusivement chez Nintendo pour R-Type III: The Third Lightning (1993) et chez Sony pour R-Type Delta (1998). Si le gameplay reste identique, R-Type III voit l’ajout de nouvelles Forces, ainsi qu’un hyper beam surpuissant, mais qui affaiblit considérablement le R-9 lors du cooldown. Delta s’essaye à la 3D – celle du début de la PS1 qui pique les yeux – propose de nouveaux vaisseaux et Forces, et ajoute une jauge qui se remplit lorsque le module intercepte des tirs ou des ennemis. Une fois la jauge pleine, le pilote peut déclencher une attaque qui affecte tous les adversaires à l’écran.

Lutte finale

En 2003, Irem publie R-Type Final sur PS2, supposément l’ultime épisode de la saga. Dans un dernier élan de surenchère, Final offre plus de cent vaisseaux jouables pour mettre un point final à la menace Bydo, l’engeance récurrente à la série. Tout en reprenant les mécaniques de jeu précédentes, Final introduit de nouvelles Forces et armes qui permettent de varier les plaisirs. Cinq titres donc pour la série principale, dont les deux premiers ont été ré-ré-réédités sur pratiquement toutes les plateformes possibles.

R-Type Final 2 est issu d’un financement participatif et n’a pas été développé par Irem comme tous les précédents, mais par Granzella. Granzella qui a été fondée par des anciens d’Irem et a développé plusieurs jeux pour le marché japonais.

N’espérez pas avoir autant de classe du premier coup

Petite faim

Bon alors, qu’est-ce qu’il raconte ce dernier des derniers ? Est-ce que la nostalgie aura raison de mon esprit critique ? Non, pas du tout. J’ai trouvé ce Final 2 très inégal. Ce qui fait un bon R-Type c’est ce mélange de quête désespérée contre un envahisseur organique un peu grotesque, de level design « puzzlesque » et de coups d’éclat épiques. Les trois premiers niveaux et le cinquième sont juste passables. Les trois premiers boss ressemblent plus à des mini-boss que des gardiens de fin de niveau… Le troisième stage, qui s’apparente à la fameuse attaque du vaisseau mère caractéristique des R-Type, contient quelques bons passages, mais aussi plusieurs lenteurs et un visuel très pauvre.

La première grosse claque arrive au niveau quatre, à tel point qu’on dirait que c’est une autre équipe qui s’en est occupée. Pour franchir ce pic de difficulté, il est nécessaire de maîtriser la séparation de la Force et d’être en mesure de lire tout l’écran. Après un boss vite oublié, un ennemi du cinquième monde propose quatre power-ups qui vont déterminer quels seront les deux derniers niveaux du parcours. À nouveau, c’est un peu la loterie. Selon le choix, on pourra tomber sur un sixième niveau excellent, mais vraiment ardu, suivi par un niveau final interminable et par moments illisible. Ou alors, profiter des deux meilleurs niveaux que le jeu peut offrir. C’est comme si l’équipe de développement s’était améliorée au fil des niveaux, mais sans revenir en arrière pour passer la seconde couche sur les premiers mondes.

Comme à l’entraînement Jimmy!

Final 2 peine un peu à me convaincre en tant que jeu R-Type. Le vaisseau est assez dodu à l’écran et plutôt pataud, malgré le contrôle de la vitesse. Si les jeux de lumière sont du plus bel effet quand on fait tout péter, ils nuisent parfois à la lisibilité. Combien de fois ai-je eu l’envie de balancer ma manette parce que je n’ai pas pu voir le projectile qui a eu raison de moi ? C’est clair qu’il faut être bon pour apprécier un R-Type – et la rampe d’apprentissage n’est pas douce – mais mes propres faiblesses sont déjà un assez grand défi.

Sprint final

Final 2 demande énormément de persévérance. Les premières parties vont se résumer à recommencer chaque checkpoint jusqu’à maîtriser la séquence et la passer avec le vaisseau de base.  C’est la formule R-Type, mais Final 2 force un peu sur les attaques complètement imprévisibles, qui obligent à se planter un certain nombre de fois au début.

R-Type Final 2

Attendez-vous à voir cet écran plus d’une fois

En plus du mode Classique qui enchaîne les sept missions, le mode Score permet de rejouer n’importe quel niveau avec un R-9 et son armement maximal. Contrairement au mode Classique qui offre une infinité de tentatives, un niveau en mode Score doit se faire en trois vies. J’ai bien apprécié ce mode, qui permet de se concentrer sur un niveau particulier. Le jeu propose trois vaisseaux de base. Chaque niveau terminé va ramener des ressources qui permettent de débloquer de nouvelles navettes, qu’on rangera… au musée. C’est comme ça qu’on appelle un hangar en 2165. Tous les vaisseaux ne sont pas achetables dès le début ; il faut les débloquer en terminant un niveau ou en achetant un autre modèle avant, ou en attendant une mise à jour du jeu. De nombreux R-9 sont simplement une amélioration du précédent. Dans ce cas, on peut effectivement mettre l’ancien au musée.

Jamais deux sans trois

C’est une fois qu’on aura pu débloquer une quinzaine de nouveautés que Final 2 prend lentement un autre tournant. Certaines Forces sont beaucoup plus puissantes que celle de base ou offrent une meilleure protection. Cela facilite certains passages, qui pourront alors être envisagés avec un niveau de difficulté supérieure. C’est à ce moment qu’on peut enfin jouer au jeu, et pas l’inverse.

R-Type Final 2

On fait moins les malins maintenant, hein?

Je ne les ai pas testés, mais les trois DLC disponibles offrent deux ou trois niveaux supplémentaires, pour la plupart des remakes venant des précédents R-Type. Extrêmement bien réalisés, ils portent le nombre de niveaux à dix-huit pour Final 2, dont finalement les deux tiers méritent d’être joués. On sent que l’équipe a pris de la bouteille à mesure du développement et que les ajouts récents semblent un cran au-dessus des autres. Si une partie Classique peut se terminer en une demi-heure (sans perdre de vie évidemment), Final 2 bénéficie d’une grande rejouabilité, compte tenu des combinaisons possibles de vaisseaux, stage et niveaux de difficulté une fois toutes les extensions acquises.

R-Type Final 2 est donc plus un hommage à toute la franchise qu’un jeu à part. Mention spéciale tout de même au niveau de personnalisation disponible : outre les stickers et coloris pour le vaisseau, on peut aussi obtenir des accessoires et des poses pour le pilote, et même changer le titre du jeu. Quitte à aller jusqu’au bout, pourquoi ne pas avoir inclus un mode multijoueur local ou un mode infini, comme dans Dimensions ?

Notes de version

Je me suis laissé tenter par la version Switch de R-Type Final 2, voulant profiter de sa portabilité pour exploser de l’alien n’importe où. Grave erreur. Que les textures soient moins détaillées que dans les autres versions passe encore. Les temps de chargement interminables sont par contre une vraie purge. On arrive à vingt secondes pour l’écran de sélection en début de campagne et parfois plus de dix secondes d’écran noir avant de pouvoir recommencer après avoir explosé. Cette lenteur combinée au nombreux temps morts entre les séquences rend l’expérience extrêmement frustrante. La frustration est normale dans R-Type, vu le niveau de difficulté et la maîtrise nécessaire. Mais quand l’attente entre deux tentatives est plus longue que le temps qu’il faut à atteindre l’obstacle à franchir, ça devient un calvaire.

Granzella a récemment annoncé une série de mises à jour qui propulseront le jeu au rang de Final 3. Une version certainement plus proche de l’idéal des développeurs que Final 2 à sa sortie. Pour profiter au mieux de Final 2, visez donc la version PC avec les extensions, qui vaut tout de même 65.-, et prévoyez quelques heures de transpiration malgré tout.

Note : 7 épilogues sur 10 (6 pour la version Switch)

Testé malheureusement sur Switch, disponible sur PC, PS4, Xbox One et Series X/S

 

Author: Vertigo

Un jour de départ à la Gamescom, une gastro foudroyante avait terrassé pratiquement l’ensemble de la rédaction de Semper Ludo. C’est donc sur un quai de gare que fût recruté Vertigo, à titre de stagiaire porte-gobelet. Il aurait pu s’appeler Augustin, mais non. Le pérégrin sillonnait la région, à pied nus, bien dans ses baskets, en quête d’une pauvre âme à soulager d’un fardeau, d’un prochain à aider ou d’une veuve à dés-éplorer. Sa 3DS ne quitte jamais sa poche et il est doté d’une connaissance de la culture japonaise éclairée et d’une sagesse mystique lorsqu’il s’agit de refuser les petits fours d’un éditeur véreux (ceux aux anchois). Il boxe dans la catégorie Nintendo depuis la NES, mais ne rechigne pas à tâter du PC et sait lire dans les étoiles les mouvements de ses adversaires sur Towerfall. Vertigo a ainsi embrassé (avec la langue) la cause semperludienne et a su prouver sa valeur en gagnant ses galons de chroniqueur. Certaines rumeurs et Paris Match affirment qu’il est capable de parler aux yoshis les soirs de pleines lunes et qu’il les rejoindra lorsque le moment sera venu. En attendant, on lui demande juste de rendre ses textes.

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