Ni dieu, ni maire [Kapital : Sparks of Revolution]

Sorti le 28 avril dernier, Kapital : Sparks of Revolution est une simulation stratégique. Développé par les indépendants de Lapovich Team et édité par 1C Entertainment, le jeu prend place dans un contexte politique trouble. Gestion de crise, planification économique, lutte des classes et échanges commerciaux, vos attributions ne souffriront aucune limite. Toutefois, un grand pouvoir implique une grande responsabilité, comme disait Batman. Faites prospérer votre région en prenant en compte les diverses sensibilités de vos concitoyens. Vive la Révolution.

 

De l'origine des conflits

« Personne, par la guerre, ne devient grand » -Yoda

La lutte des clash Kapital : Sparks of Revolution

Dans Kapital : Sparks of Revolution, vous gouvernez une région qui vient de subir une invasion militaire, dans un pays européen fictif au début de l’ère industrielle. À peine les troupes d’occupation parties, vous accédez au pouvoir. Entre la reconstruction des bâtiments, officiels comme stratégiques et le relogement des habitants, vous aurez fort à faire. C’est dans ce contexte de survie que vous serez contacté par les représentants des différentes classes sociales. La noblesse, la bourgeoisie et les prolétaires vous feront régulièrement part des aspirations de leurs groupes sociaux. Vous devrez jongler entre leurs différentes demandes contradictoires, ou faire le choix de décevoir une classe au profit des autres. Si le moral d’une catégorie baisse au-delà du seuil critique, ils se révolteront. Sachant qu’en début de partie, seuls les bourgeois payent des impôts, ils se rendent relativement indispensables au bon fonctionnement de la communauté.

 

Quand les excès des nobles feraient passer les bourgeois pour raisonnables…

« La haine du bourgeois est le commencement de la vertu » – Gustave Flaubert

 

Vous serez amenés à faire des choix stratégiques, ménager la chèvre et le chou, tout en étant efficace. Malheureusement, la patience ne caractérise pas spécialement votre peuple, aux abois et manquant de tout. Les matières premières en flux très tendu, l’innovation à l’arrêt et l’économie peinant à se remettre du chaos, les solutions ont tendance à amener mécaniquement de nouveaux problèmes. De plus, les tensions accumulées dans la population pourraient bien mener à une situation explosive. Enfin, saupoudrez le tout de criminalité et d’épidémies, laissez macérer la mixture quelques jours et vous obtiendrez une société en pleine déliquescence, au bord de l’implosion. Vous aurez donc la dure responsabilité de maintenir un semblant de cohérence et de fraternité dans un système à bout de souffle et cherchant à se réinventer.

 

Vu la situation, j'espère que nos ressources nous permettent d'élaborer un vaccin rapidement…

« Il ne faut pas acheter de masque, ce serait contre-productif » -Sybeth Ndiaye

 

L’éternel retour du concret Kapital : Sparks of Revolution

Concernant le gameplay, Kapital : Sparks of Revolution est un jeu de gestion relativement classique. Les menus, quoiqu’un peu pauvres, sont relativement faciles à prendre en main. Les constructions sont classées par usage : logement, commerce, production, sécurité, soins, etc. En plus d’un accès à la route, chaque bâtiment nécessite une certaine quantité de ressources, généralement du bois et des pièces d’or sonnantes et trébuchantes. Une fois construites, vos infrastructures devront disposer de fonds en liquidités nécessaires à leur bon fonctionnement et de personnel qualifié. Vous devrez donc toujours garder un peu d’argent sous le coude pour lubrifier les marchés, tel un macroniste en roue libre. De plus, la division du travail se fait par classes sociales. En effet, seuls les prolétaires sont capables de faire tourner la production là où les nobles sont indispensables dans les domaines de la recherche et de la médecine.

 

Jusqu'ici tout va bien

« Ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable » – J.F. Kennedy

 

Vous serez amené à faire progresser technologiquement et politiquement votre société. Vous pourrez régulièrement promulguer de nouvelles lois. Un peu à la manière d’un Frostpunk (11 bit studios, Merge Games, 2018), mais en moins impactant. Les nouvelles technologies nécessitent quant à elles de grandes quantités de ressources. Ces avancées vous permettront d’améliorer vos rendements, d’exploiter de nouvelles matières premières ou de construire de nouveaux bâtiments. Enfin, vous devrez effectuer des travaux de maintenance sur certaines infrastructures afin qu’elles restent opérationnelles. Les environnements n’ont, eux non plus, rien de révolutionnaire. Des prairies parsemées de ressources (arbres, pierres,…), un lac, des voies de chemin de fer, et c’est à peu près tout.

 

I am the law !

« La loi, c’est tout ce que j’écris sur un bout de papier »
-Saddam Hussein

 

L’art-évolution

La direction artistique est sobre et élégante. J’avoue apprécier les menus et les visuels lors des événements. Les bâtiments sont très jolis et voir les lumières s’allumer au crépuscule donne du baume au cœur dans ce monde de brutes. Même les incendies sont apaisants ! Les personnages sont très stylisés et ne laissent aucun doute sur leur origine sociale. Pour plus de lisibilité, les bourgeois portent des uniformes bleus, les nobles des vêtements rouges et les prolos des haillons. Si vous faites se dérouler le temps en accéléré, les animations restent lisibles et fluides. L’ambiance musicale, sans être exceptionnelle, fait son office et est cohérente avec le contexte. Enfin, le sound design est propre, bien que sans fioriture. Du bien bel ouvrage !

 

Y a pas le feu au lac...

« La société n’existe pas. Il y a seulement des hommes, des femmes, des familles. » -Margareth Tatcher

 

De la rigidité des institutions

Au vu du contexte du jeu, j’ai trouvé la campagne trop dirigiste. On est sans cesse martelé de tâches à accomplir. Certes, une société a des besoins et il parait évident que certains soient prioritaires. J’aurais néanmoins apprécié une plus grande marge de manœuvre. Votre to do list se remplit d’objectifs à atteindre, souvent sans que vous ayez les ressources nécessaires. Outre la recherche, les seuls vrais choix se trouvent selon moi dans les événements. Ceux-ci sont variés et intéressants. Ce sentiment de retard constant est sans doute un parti pris, mais il a entaché ma capacité à m’investir dans le jeu. Inversement, certaines mécaniques, comme l’économie ou le moral des différentes classes sont à peine survolées. Le mode « bac à sable » est un peu plus libre, mais n’échappe pas aux autres menus problèmes.

 

Faudra pas s étonner si les gens commencent à construire des guillotines avec des palettes…

« Faudra pas s’étonner que les gens aient envie de bricoler des guillotines avec des palettes… » -Usul

 

De plus, quelques petits défauts viennent parasiter l’expérience. Certains bugs visuels m’ont obligé à quitter ma partie en cours. Les sauvegardes automatiques évitent néanmoins le drame. Rien de bien grave, j’en conviens, mais rien de très agréable.

 

Le bon sens populaire…

« Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » – K. Marx & F. Engels

 

Je ne dirais pas que c’est un échec, ça n’a pas marché…

Certaines déconvenues tiennent probablement plus du flou général qu’à des problèmes de conception. J’ai été, par exemple, pris fort au dépourvu lors de ma première révolte de nobles. Alors qu’une horde de privilégiés congénitaux lançaient joyeusement des cocktails molotov sur des bâtiments officiels, un groupe radicalisé prenait en otage des prolétaires dans un pub. Seuls deux choix s’offraient alors à moi : payer aux nobles factieux une rançon de mille pièces d’or ou envoyer la police. Ne disposant pas de la somme voulue et fatigué de l’attitude de la noblesse, j’étais décidé à employer la force. À ma grande déception, seuls les nobles sont habilités à faire respecter l’ordre. Les otages furent exécutés et les coupables prirent la fuite à la faveur de la nuit. Pardon aux familles, tout ça…

 

Les nobles sont-ils compatibles avec la république ?

« Vous en avez assez de cette bande de nobles privilégiés ? Eh bien on va vous en débarrasser ! » -Presque Nicolas Sarkozy

 

Mad Marx

Ce jeu est frustrant. Il contient de très bons concepts et une direction artistique efficace, mais ne semble pas abouti. C’est dommage, car des idées, il en a sous le capot. Mais entre les bugs et les incompréhensions, je n’ai jamais réussi à m’impliquer sérieusement. Je pense qu’il aurait mérité quelques semaines de développement supplémentaire. J’en attendais sans doute trop. En effet, le mot révolution m’avait mis l’eau à la bouche, et le jeu consiste à tout faire pour l’éviter. Néanmoins, avec un postulat pareil, Kapital : Sparks of Revolution avait tout pour être, sinon une révolution, au moins une bouffée d’air frais. Notons toutefois que le jeu vient de sortir et qu’il est mis à jour régulièrement, ce qui pourrait le rendre bien plus attrayant. Mais, malgré son prix (CHF 25.-), je ne peux décemment pas vous le recommander en l’état.

Notes : 5 luttes finales/10

Testé sur PC, également disponible sur Linux, MacOS

 

http://https://www.youtube.com/watch?v=zJO9dIOcUZw

Author: Plissken

Élevé dans les hautes terres du Val-de-Travers, au sein d'une secte vénérant l'absinthe, il en fut banni à la suite de ses propos, bientôt qualifiés d'hérétiques. En effet, le visionnage du film «The Big Lebowski» lui fit remettre en question son éducation obscurantiste. Honni de tous, il hante désormais les supérettes vêtu d’un peignoir, sirote des russes blancs et joue sur son PC (c’est chiant comme Drucker, le bowling). Lors de ses moments de lucidité, il se plonge dans les écrits du Necronomicon afin de maudire les développeurs de DLC abusifs et de tailler le bout de gras avec les grands anciens. Virtuellement, Plissken se complaît dans les jeux moralement ambigus, absurdes et difficilement compréhensibles par le commun des mortels. Ses tests sont-ils autant maudits que son livre préféré ? Oserez-vous les lire ?

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