La mission à Paulo [Mars Horizon]

Le point commun entre un dictateur-technocrate et un directeur d’agence spatiale ? Tous deux adorent presser des boutons et ont le pouvoir de vie et de mort sur l’élite de la nation. Pas de despote dans Mars Horizon, ce sera donc la course aux étoiles. Enfilez les chaussures d’Elon, de Jim ou de Tory et à vous les milliards et la gloire.

Mars Horizon combine à lui seul mes passions pour le Japon et les engins spatiaux. C’est tout naturellement que j’ai choisi d’endosser le rôle du directeur de la JAXA, parmi les cinq agences proposées, pour la guider jusqu’au firmament. Ou Mars en tout cas. Poser un pied humain sur le sol martien étant le but ultime de ce jeu de gestion développé par Auroch Digital, en partenariat avec l’ESA.

La partie commence dans les années 50, avec l’ingénierie qui va avec. Cela implique qu’il faudra un peu de progrès pour atteindre la quatrième planète. Les ressources à disposition sont la science, qui permet de développer des technologies, le soutien, pour augmenter sa réputation et ses revenus. Et bien sûr le pognon, qu’on ne présente plus. Un tour de jeu correspond à un mois. Sachant que les durées des missions sont tout à fait réalistes, les expéditions au-delà de Mars durent des années, soit plusieurs dizaines de tours de jeu !

Mars Horizon

C’est parti mon kiki! Faites pas attention à la déco, on vient d’emménager.

La plupart des missions rapportent de la science et du soutien à chaque phase accomplie. L’arbre des technologies permet ensuite de choisir où investir la science récupérée. Par exemple, le développement de missions permet de débloquer de nouvelles destinations ou activités autour de la Terre, ou plus loin dans le système solaire. Autant d’étapes nécessaires pour se préparer à un vol habité vers la planète rouge. Mais pour ces nouvelles missions plus exigeantes, il faudra aussi développer de nouveaux modèles de lanceurs et agrandir le centre spatial. Tout ça grâce au pouvoir fabuleux de la science.

Augmentez la poussée, par Jupiter !

Une mission typique commence par la fabrication de la charge utile… Mais c’est cher ces trucs-là ! Peut-être que je pourrais me contenter d’un prototype peu onéreux, mais moins fiable ? Ou alors la version avec une antenne plus performante pour faciliter l’accomplissement des objectifs ? Six mois plus tard, soit six tours de jeu, la sonde est prête et les ingénieurs m’informent qu’ils ont pu la rendre plus fiable, mais que son intégration au lanceur sera plus coûteuse… Qu’à cela ne tienne, je demande à fabriquer un modèle de lanceur éprouvé à nos sous-traitants, qui travaillent moins vite, mais moins cher que les autres. Malgré le délai, la fusée devrait être prête à temps pour devancer les Soviétiques.

Mars Horizon

Toutes les fusées sont composées de deux étages. Pas besoin de chercher plus loin.

La dernière étape avant le lancement consiste à choisir une date, en tenant compte des fenêtres de lancement possibles, en particulier pour les missions interplanétaires. Une date de lancement sous-optimale augmente les risques d’échec ou d’événement négatif. Les Russes ont prévu leur lancement dans quatre mois. Je prends le pari de lancer un mois avant. Ça en laisse trois à l’équipe au sol pour s’assurer du succès du lancement. Au jour J, la météo n’est pas très favorable, mais un report n’est pas envisageable à mes yeux. Il en va de mon honneur. Je presse le bouton rouge et regarde le lanceur percer les nuages sombres…

T-5 minutes

La planification est au centre de Mars Horizon. Chaque étape nécessite de faire des choix pour que la phase suivante se déroule au mieux. Le temps en soi n’est pas un ennemi, mais à trop traîner, on verra les agences concurrentes accomplir les missions-clés avant nous, profitant des avantages à être sur le podium.

Mars Horizon

Les missions historiques ont droit à leur petite scène cinématique. Vous reconnaissez l’atterrisseur Viking ?

Les missions ne s’arrêtent pas une fois que la fusée a décollé. Une fois la thermosphère atteinte, il faut envoyer des séries d’instructions à la sonde, habitée ou pas, pour remplir les objectifs. Cette séquence se présente comme une sorte d’énigme, avec une forte composante de planification (eh oui). La sonde commence avec une certaine quantité d’énergie qui dépend de son design et qu’il faudra transformer en unités de données, de communication ou de navigation. Le joueur dispose alors d’un nombre de tours donnés, durant lesquels il peut envoyer une série d’instructions à la sonde.

Ces instructions consistent à convertir des ressources en d’autres, ou simplement à récupérer de l’énergie. Le but étant de regrouper la quantité nécessaire de ressources d’ici la fin du dernier tour. D’autres types de ressources apparaissent dans certaines phases de mission, comme la poussée ou la chaleur. Par exemple, de la poussée doit être générée pour les missions interplanétaires, mais qui ne s’obtient qu’avec la bonne combinaison d’entrée. Au contraire, la chaleur s’accumule à chaque tour et doit être évacuée pour éviter une surchauffe lors des rentrées atmosphériques à haute vitesse.

Terre

Toutes les planètes sont plates, naturellement. Quand on les regarde sur un écran.

C’est également durant ces phases que la résultante de tous les choix précédents se fait ressentir… Un lanceur peu fiable peut pénaliser le premier tour d’actions en orbite ou au contraire fournir un bonus si tout se passe mieux que prévu. La sonde elle-même possède une certaine fiabilité. Bien sûr, celle-ci est affectée par toutes les décisions précédentes, qui détermine la probabilité que les instructions ont d’échouer ou de réussir…

Vers l’infini et au-delà !

Et encore, jusqu’ici je n’ai mentionné que les sondes robotisées, mais bien évidemment qu’après quelques développements, on va pouvoir recruter des astronautes qui feront la fierté de la nation. Grâce à leur salaire exorbitant, ils peuvent effectuer des commandes durant les missions pour générer des ressources et atteindre l’objectif. Hélas, ils sont eux aussi limités par la fiabilité des machines. Les perdre dans l’espace ne ferait que diminuer l’opinion mondiale, et surtout un gros trou dans le budget. D’ailleurs, il m’a fallu un bon whisky pour me remettre de l’explosion de ma Saturn V.

Mars Horizon

Une explosion nominale !

Avec son style tour par tour et ses choix à répercussions, Mars Horizon me rappelle les jeux de plateau de gestion. Il faut essayer de penser à tout pour parvenir à ses fins, profitant des diverses actions combinables qu’on aura pu obtenir auparavant. Le plaisir est d’atteindre un objectif avant les autres, ramassant des points de victoire. Ou, dans le cas présent, de la notoriété et de la science.

Planétarium

L’esthétique est mise en avant, mais l’interface contient quand même une bonne partie des informations pertinentes.

Le visuel en cell shading rend les lanceurs et les sondes tout à fait crédibles, même avec une palette de couleurs un peu cartoon. J’apprécie le souci du détail, car chaque élément à construire a réellement existé, ou a été tout au moins planifié. Si les coûts et durées de construction des sondes et lanceur sont sous-estimés d’un facteur mille, les fenêtres de lancement et les durées des missions sont tout à fait plausibles. Malgré le grand nombre de simplifications nécessaires à la fluidité du jeu, on retrouve une certaine logique dans les performances des fusées et des charges utiles et leurs capacités dans la vie réelle.

Un petit pas pour le gaming

C’est sûr, si Mars Horizon m’a emballé, c’est parce que je suis froid, calculateur et que j’adore optimiser. Finalement, le cœur du jeu et de jouer avec les probabilités, soit en cherchant à assurer un succès, soit en tentant le coup de poker. Je connais l’histoire de l’exploration spatiale et je prends plaisir à émuler les missions historiques qui font rêver. Aucune connaissance n’est nécessaire pour apprécier le jeu, qui, au contraire, pourra nous apprendre un peu d’Histoire. Plus on en sait sur le sujet, plus on peut apprécier les efforts sur le contenu. La version française mériterait quelques finitions à gauche à droite. Et la bande-son, bien qu’épique, pourrait être un peu plus variée.

Mars Horizon

Ch’est une belle chtation cha madame

Évidemment, on est tous tentés, moi le premier, de faire la comparaison avec Kerbal Space Program. LA référence des simulateurs de fusée tout public. Justement, KSP est un simulateur physique où tout est possible du moment qu’on a l’ergol, et où le manque d’aérodynamisme se paie au prix fort. Mars Horizon est un simulateur d’agence spatiale. Tout est dans la gestion de choix stratégiques et de leurs impacts, avec une bonne couche de probabilités. Quand quelques chose foire dans KSP, c’est uniquement parce que le joueur a oublié un parachute. Ou qu’il a allumé le deuxième étage avant le premier, car tous les composants marchent parfaitement. Mars Horizon ne demande aucune connaissance en astronautique ou en mécanique orbitale, mais fait survenir des évènements avec lesquels il faut jongler. Tout ce qu’on peut faire, c’est mettre toutes les chances de son côté pour être 99% sûr que ça marche.

L’ultime frontière

À côté de l’aspect aléatoire des résolutions de missions, le jeu est plutôt généreux avec le joueur. Le niveau de difficulté normal permet de remporter toutes les missions avec les bonus rien qu’en réfléchissant un minimum. Les très nombreuses missions annexes ramènent elles aussi des ressources supplémentaires, particulièrement quand elles sont inspirées de faits historiques. Il y a une certaine routine dans les missions, car elles sont toutes basées sur le même modèle de puzzle, avec des modificateurs. L’option de résolution automatique est donc la bienvenue passée la moitié du jeu, lorsque les missions simultanées s’enchaînent.

Je ne saurais que recommander Mars Horizon, que je vois comme une machine complexe à assembler. Tout à fait satisfaisante quand elle fonctionne comme prévu.

9 petits hommes verts sur 10

Testé su PC, également disponible sur Xbox One, PS4 et Switch

Author: Vertigo

Un jour de départ à la Gamescom, une gastro foudroyante avait terrassé pratiquement l’ensemble de la rédaction de Semper Ludo. C’est donc sur un quai de gare que fût recruté Vertigo, à titre de stagiaire porte-gobelet. Il aurait pu s’appeler Augustin, mais non. Le pérégrin sillonnait la région, à pied nus, bien dans ses baskets, en quête d’une pauvre âme à soulager d’un fardeau, d’un prochain à aider ou d’une veuve à dés-éplorer. Sa 3DS ne quitte jamais sa poche et il est doté d’une connaissance de la culture japonaise éclairée et d’une sagesse mystique lorsqu’il s’agit de refuser les petits fours d’un éditeur véreux (ceux aux anchois). Il boxe dans la catégorie Nintendo depuis la NES, mais ne rechigne pas à tâter du PC et sait lire dans les étoiles les mouvements de ses adversaires sur Towerfall. Vertigo a ainsi embrassé (avec la langue) la cause semperludienne et a su prouver sa valeur en gagnant ses galons de chroniqueur. Certaines rumeurs et Paris Match affirment qu’il est capable de parler aux yoshis les soirs de pleines lunes et qu’il les rejoindra lorsque le moment sera venu. En attendant, on lui demande juste de rendre ses textes.

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