Dans un futur post-apocalyptique, le monde a été détruit par une méchante corporation qui a déversé ses déchets dans l’océan. Vous incarnez une sorte de ragondin anthropomorphique adepte du « Wung Fu » prêt à sauver le monde ou à le précipiter sa perte. Pitch intéressant, non ? Ah oui, le pitch est sympa. Biomutant par contre, c’est une autre paire de manches. Voyons voir ensemble ce qu’il se passe quand les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions.
Nous avons reçu un accès anticipé pour Biomutant il y a quelques jours (merci Experiment 101). Cela m’a suffi pour finir le jeu en me concentrant sur les quêtes principales. Et je vais être honnête, j’ai visé cet objectif pour deux raisons. Premièrement par acquit de conscience et respect pour les développeurs nous ayant fournis le code. Ensuite parce que j’étais poussé par l’espoir un peu vain que, passé un certain point, le jeu deviendrait mieux.
Biomutant est un action-rpg doté d’un monde ouvert verdoyant et haut en couleur dans lequel vous devrez principalement vous attaquer à trois quêtes :
- S’occuper des quatre Mange-mondes, des grosses bêtes qui menacent de dévorer l’arbre monde et donc de tuer la planète.
- Rallier les clans ou les soumettre.
- Se venger du méchant monstre qui a tué votre maman.
Voilà, vous êtes libre de faire ça dans l’ordre que vous voulez, le tout étant aussi parsemé d’une myriade de quêtes secondaires. C’est plutôt sympa sur l’idée. Rien d’original, mais ça tient la route sur le papier.
Démarrage en côte difficile
L’entrée en matière est plutôt rêche, et je pèse mes mots. Durant la séquence d’introduction vous serez arrêté tous les 2,5 mètres par une cut scene plus ou moins inutile. La première heure de jeu est sérieusement pénible et a failli me faire lâcher l’affaire prématurément. Mais je serre les dents, je veux parcourir le monde et latter des méchants avec mon ragondin mutant moi !
Beau de loin Biomutant
Bon, je vais commencer par le plaisant. Le monde ouvert est franchement joli, la direction artistique est réussie et c’est un plaisir de traverser ce monde luxuriant avec notre musaraigne de combat-90. Les montures que vous trouverez dans Biomutant sont aussi vraiment originales et franchement sympas dans leur conception, on se sent comme dans un Fallout réalisé par Miyazaki. J’ai d’ailleurs l’impression que cet aspect soutient l’ensemble du jeu, tant on a envie que ça marche, tant on veut passer du temps dans ce monde et l’explorer.
Par contre, il ne faut pas trop s’approcher des textures et certaines explosions ne sont vraiment pas belles à voir. Les devs ont d’ailleurs eu quelques problèmes pour faire du 4K sur PS5 apparemment et cela reste de l’upscaling pour l’instant. Je ne vais pas trop m’y attarder, car ce n’est pas l’essentiel à mon avis. Mais pour résumer, le jeu est beau quand vous êtes dans les prairies et franchement très moyen dans les environnements intérieurs ou quand vous y regardez de près. Note que ceci sera peut-être corrigé avec un patch day one d’ailleurs.
Les animations, elles, sont très réussies, que ce soit notre personnage, les ennemis ou les boss (les fameux Mange-mondes). C’est très impressionnant à voir et très fluide, rien à redire, le jeu fait son effet de ce côté. Enfin, à part le Wung-Fu lui-même. Sorte de coup spécial que l’on peut déclencher après certains combos, qui est limite désagréable à voir, tant la caméra ne suit pas vraiment et que c’est brouillon.
Autre aspect plaisant, le système de craft offre beaucoup de libertés. Vous pourrez assembler vos pétoires comme bon vous semble, ainsi que vos épées et autre gourdins. Par contre, l’aspect visuel qui en découle est un peu moins marrant pour les armures. Les ajouts viennent se « poser » dessus sans aucune logique (un bout de métal avec des vis sur du tissu par exemple). Néanmoins, cela reste une bonne idée et participe à l’impression de liberté dans le monde de Biomutant.
Arrête, c’est pas narrant
Premier choc lorsque l’on débute Biomutant, tous les dialogues sont narrés par la même voix. Lorsqu’un personnage nous parle dans une sorte de borborygmes le narrateur omniprésent nous commente par exemple « il dit qu’il vous aime bien » ou encore « il vous demande de l’aide ». Tout le jeu est comme ça. Ce peut être un choix de réalisation bien sûr, mais c’est surtout très agaçant à force et cela marcherait peut-être si les dialogues étaient de bonne qualité. Malheureusement, beaucoup n’ont ni queue ni tête, les réponses n’ayant parfois rien à voir avec la question.
De manière récurrente, les personnages nous répondent par des phrases sorties d’un recueil de philo de comptoir :
– Que dois-je faire maintenant ?
– Avez-vous déjà contemplé l’idée de choix ?
Il arrive aussi que les dialogues deviennent incohérents avec les actions que vous venez de faire dans le monde, suite à un événement important par exemple. Ou qu’un personnage qui vient de vous dire de faire quelque chose ne vous dise rien quand vous revenez après avoir accompli cette tâche. J’aurais presque préféré qu’il n’y ait que les borborygmes.
Et je ne parle même pas de l’histoire elle-même qui tiendrait sur la nanoparticule 5G de votre vaccin anti-Covid. Pourtant, on perçoit des lignes de quelque chose de plus complexe et de plus intéressant. On sent qu’il y avait un concept, dans les choix faits par notre personnage qui vont influencer son affiliation bonne ou mauvaise. Ou le choix qui nous est laissé de sauver ou non certains personnages. On peut même choisir de ne pas sauver l’arbre-monde afin de faire redémarrer tout cet univers à zéro. Malheureusement, toutes ces idées sont à peine égratignées en surface et c’est tellement mal narré ou mis en scène que l’on ne ressent aucun impact ni enjeu dans nos actions.
Des combats pas très Fu Fu
Un des gros arguments de Biomutant serait ses combats et ce fameux Wung-Fu, qui associe des flingues et des armes de corps à corps. Combiné à la possibilité de déclencher des super attaques à main nue tel Neo au temps jadis. Le combat est fun et fluide, c’est vrai. Mais quelque chose manque gravement. C’est difficile à dire au début, mais il y a une impression de brouillon général. Nos actions n’affectent pas vraiment celles des ennemis et vice-versa, il est difficile de savoir où les ennemis vont attaquer et donc de les éviter sans simplement spammer les esquives. Le tout est de manière générale très imprécis. On se retrouve avec quelque chose qui a l’air sympa, mais qui dans la pratique ne consiste qu’à un spam d’esquive qu’on enchaine d’une ou deux attaques spéciales.
Sur ce point, je vais probablement être trop dur avec Biomutant, mais après l’avoir fini je suis resté avec l’impression que le système de combat n’est qu’une façade tellement il est peu développé. Il n’y a aucune finesse, quasiment aucune courbe d’apprentissage. On tape, les ennemis tapent, on esquive, et voilà. De plus, l’intégralité des combats peut être quasiment rendue caduque si l’on utilise des flingues. J’ai fait tout le jeu principalement au corps à corps. Mais dès qu’un ennemi est un peu dur, tu recules et tu esquives en tirant et c’est fini, il n’a aucun moyen de te buter. Là aussi, l’idée de base est très bonne, mais le résultat est relativement pauvre et inintéressant.
Je me suis retrouvé avec le sentiment grandissant que beaucoup de choses dans le jeu étaient anecdotiques. Il y a certes eu un travail sur les apparences, mais cela ne change rien au jeu finalement.
Ajoutez à cela que toutes les armes ont en fait les mêmes attaques et les mêmes combos :
- Une attaque simple.
- Une attaque après une esquive
- La même chose après un saut.
- Cinq attaques à la suite.
- Deux attaques puis une attaque spéciale (qui diffère un tout petit peu selon l’arme).
- Un lancé de l’arme de mêlée après avoir tiré deux fois à distance.
Voilà, copiez-collez pour toutes les armes de mêlée et vous avez une idée du gameplay au corps à corps. C’est tristissime.
Loot moi si tu peux
Certains le savent, je suis assez fan de « jeu de loot« , comprenez où il y a plein d’équipements différents vous permettant d’améliorer votre personnage. Biomutant en propose des tonnes et vous permet de créer votre équipement personnalisé via le système de craft. Génial alors ? Eh bien non, en fait le loot est également globalement inconséquent. À part une capacité sur une arme qui permet de se soigner et rend tous les combats triviaux, le reste n’a quasi aucun impact et donc aucun intérêt. La courte et malheureuse malédiction de Biomutant se répète : les idées sont bonnes, mais l’application est quasi-inexistante. Ainsi on trouvera des protections au look ridicule (dans le bon sens du terme, c’est drôle), tel un casque parodique de Sonic, mais au final ces cuirasses ne servent à rien. Même une armure légendaire ne fait rien de spécial.
N’ayant pas effectué la plupart des quêtes secondaires, il reste la possibilité que je n’aie pas vu toutes les armures. Pourtant en ayant terminé Biomutant je n’ai rien vu qui proposait autre chose que les statistiques de bases. Et j’ai fait tout le jeu en utilisant plein de loot différents sans sentir vraiment de différence dans les combats. Si on excepte l’épée pétée que j’ai crafté vers le milieu du jeu et qui m’a porté jusqu’à la fin. Même chose pour les armures permettant d’aller dans les zones dangereuses, comprenez radioactives ou en feu. Il suffit de mettre des points de mutation dans la résistance appropriée. Encore une fois, cela rend le concept anecdotique et inintéressant malheureusement.
Les puzzles de la honte
Ahhhhh les « puzzles ». Cela fait mal de les appeler comme cela. On devrait plutôt les appeler des ralentisseurs, ou les séquences ennuyeuses. Car ils nous demandent, 95% du temps, d’aligner trois ou quatre bidules pour que les bonnes couleurs se touchent. Et il n’y a que deux couleurs à faire correspondre, à chaque fois. Le tout est d’une pauvreté affligeante et ne se complexifie jamais au cours du jeu (!).
Tout comme les quelques QTE qui n’ont aucun sens. Par exemple presser une succession de touches (triangle, rond, etc) au bon moment pour ouvrir un réservoir alors que notre personnage est en train de tirer de manière uniforme sur le couvercle en usant de sa force. Quel rapport entre l’action demandée et l’action du personnage ?
Là encore, l’idée derrière les puzzles, de retrouver des artefacts de l’ancienne civilisation (nous, les humains non-ragondins, tels que des machines à laver, des téléphones, des télévisions, etc) est très sympa et on se réjouit de découvrir du lore sur l’ancien monde. Mais non, à chaque fois on aligne trois bidules en cinq secondes et on reçoit une ou deux pièces de loot sans rien de plus. Encore une fois, anecdotique.
Rallier les clans
L’une des quêtes principales nous propose de rallier ou soumettre les clans. C’est ce que j’ai fait en premier dans Biomutant lorsque j’ai réalisé que les quêtes pouvaient être faites en très peu de temps parce que la difficulté était affreusement basse, probablement pas calibrée du tout. Et j’avais aussi l’espoir vain que cela débloque de nouveaux éléments de gameplay.
Pour rallier un clan, il faut aller attaquer leurs fortins, il y en a trois avant la forteresse finale. Et ces attaques de forts sont parmi les expériences de jeu les plus déplorables qu’il m’ait été donné de voir. Je ne sais pas quoi dire d’autre tellement cela m’a laissé sur le derrière. À chaque fois, la séquence est la même et elle paraît sortie d’un autre âge tellement elle est pauvre. Quelques fois, il y a des petites variantes, mais qui ne sont pas plus intéressantes.
Pour clore ces attaques de fortins, on peut convaincre le chef de guerre ennemi de se rendre pour éviter le dernier combat de boss. Je l’ai fait à chaque fois en ayant mis zéro point en charisme et cela a marché à tous les coups. Soit c’est bugué, soit le système de charisme n’existe pas, en fait. À noter aussi, lorsque l’on tente de persuader quelqu’un, on nous propose une option avec risque de malus, mais qui a plus de chances de réussir. Si l’on rate, il est possible, par exemple, de perdre un point d’intelligence. Vous m’expliquerez la logique.
Le pire là-dedans, c’est lorsque vous réussissez à soumettre ou rallier un clan, vous avez droit à une séquence tout droit sortie d’un Game Boy Advance (voir les screenshots ci-dessous) dans lequel le chef ennemi vous balance un truc bateau sur un fond bleu infâme. Cette séquence est EXACTEMENT LA MÊME à chaque fois, avec CHAQUE chef, pour CHAQUE clan. C’est affligeant. Cela me fait mal rien que de l’écrire.
Mangeux de monde
Les affrontements contre les quatre Mange-mondes semblent impressionnants et très bien réalisés. Jusqu’au moment où l’on remarque que chacun des boss a exactement la même structure de combat et les mêmes quêtes qui mènent à lui. Oui, pour chacun des boss vous irez chercher une nouvelle monture, puis des munitions, puis des petites bêtes à lui lancer dessus pour le distraire. Et oui, chaque combat a exactement la même structure générale. Il vous attaque, vous évitez, puis lorsqu’il fait une attaque spéciale dans la deuxième phase vous pouvez le distraire avec les petites bêtes. Ah, il y aussi un petit QTE où il faut presser carré (pour chaque boss). Au final, il suffit d’esquiver et de tirer dessus sans arrêt. J’ai battu les quatre boss du premier coup sans aucune tactique autre que cela. Bonne idée, mauvaise réalisation. Je me répète autant que le jeu, pardon.
Fabrication de ragondin en chaîne
Idem ici, vous me voyez venir. La création de perso, bien que très sympathique, ne change quasi rien au jeu par la suite. Bref. C’est sympa de créer votre ragondin. Vous pourrez le changer dans le jeu par la suite. Répéter la même chose m’épuise à force, mais de nouveau l’idée était là, mais cela n’affecte pas réellement le jeu. Anecdotique, le mot du jour.
Copier-Coller, un art, une passion
S’il fallait résumer ce qui me choque le plus dans ce jeu, c’est à quel point le vide est rempli par des copier-coller. Je vais faire une liste dans l’espoir que cela vous choque autant que moi :
- Les quatre Mangemondes ont exactement la même structure de quête.
- Ces quatre world boss ont exactement le même pattern de combat.
- Chaque cut scene, lorsqu’un personnage donneur de quête vous parle d’un boss, est exactement la même, sous le même angle, avec le même décor derrière.
- Tous les forts à prendre pour rallier ou soumettre les villages répondent exactement aux mêmes séquences de gameplay.
- Tous les dialogues lorsque de la prise desdits fortins sont les mêmes.
- Beaucoup d’options de dialogues se répètent avec tous les personnages rencontrés et n’ont souvent aucun sens.
- Toutes les armes ont en essence les mêmes combos et attaques spéciales.
- Tous les puzzles sont les mêmes et sont tellement simples que c’en est insultant.
Le copier-Coller, c’est pas vraiment la panacée
En voyant ces répétitions, j’ai souvent eu le sentiment que l’on se foutait de moi en jouant à ce jeu. Un peu comme si je relisais des copies d’étudiant-es qui avait fait du copier-coller sur Wikipédia en pensant que je ne savais pas utiliser Google.
Le RMI du gameplay Biomutant
Alors oui, Biomutant a été réalisé par un tout petit studio. Expériment 101 compte effectivement une vingtaine de personnes à son actif comme le précisent les développeurs dans ce tweet. C’est important, car tout au long du jeu, j’ai eu un peu mal pour ce studio qui a tenté de faire quelque chose d’énorme, de beaucoup trop ambitieux compte tenu de leurs moyens. On se retrouve au final avec un jeu qui fait plein de choses et qui les fait toutes très mal. Ou plutôt qui fait simplement semblant de les faire.
Les deux seuls points sur lesquels Biomutant s’en sort bien sont la direction artistique de l’open world qui est très plaisant à parcourir. Et les animations qui sont franchement très réussies.
Pour être transparent, pas que l’on m’accuse de « hate » basique: j’aurais désespérément voulu que le jeu soit bien. J’ai espéré à chaque nouvelle quête que cela débloque tout un pan de complexité des combats ou des puzzles ou de je ne sais quoi. J’ai passé mon temps à secouer la tête en me disant « non, quand même, c’est pas possible » ou en me disant « je dois avoir loupé quelque chose, c’est pas possible ». La phrase clef étant clairement « c’est pas possible ». Et bien si apparemment.
Pour vous résumer l’impression que m’a laissé le jeu : c’est comme si l’on avait laissé des placeholders pour les trois quarts du contenu du jeu (placeholder : éléments que l’on met dans la construction d’une création en attendant les éléments finaux; comme quand par exemple vous écrivez « Bla bla bla » dans le chapitre conclusion de votre mémoire en attendant de venir l’écrire un jour prochain).
Au final, à moins d’un patch day-one de 150gb qui change entièrement le jeu, je ne peux absolument pas le recommander à ce prix. Car même à 60 CHF c’est beaucoup trop cher pour une pareille coquille vide. Il est possible que le système de combat ou de loot soit plaisant pour des joueur-ses moins exigeant-es sur ces points que moi, mais le reste est tout de même d’une qualité bien trop basse pour que ce soit acceptable. Je donne un point de présence, un point pour l’open world et les animations, et un point pour les montures sympatoches.
Note : 3 labels pas bio sur 10.
Testé sur PS5, dispo aussi sur PS4, Xbox à partir de la One, Windows.