Le retour d’une DS de l’Antiquité [ Another Code: Recollection ]

Les ressorties de jeux sur Switch, on commence à connaître. Entre les trois quarts de la ludothèque WiiU, et les différentes compilations venant d’éditeurs tiers, il y a de quoi se mettre sous la dent en termes de portages, remasters et autres remakes. Mais parmi les séries sur lesquelles on n’aurait pas forcément parié, il y a Another Code, dont les deux opus ont été retravaillés et compilés pour la console hybride de Nintendo.

Activision Blizzard Cing

Les deux jeux d’origine sont le produit de Cing, un studio de développement japonais actif entre 1999 et 2010, année durant laquelle il a malheureusement fermé ses portes pour cause de faillite. Lors de sa décennie d’activité, Cing a réalisé huit jeux, principalement du genre aventure à haute composante textuelle, et majoritairement sur les consoles Nintendo de l’époque ; les titres les plus connus (ou peut-être devrait-on dire les moins méconnus) étant Hotel Dusk: Room 215 et sa suite sur DS, et Little King’s Story, un très sympathique jeu de stratégie/simulation sur Wii. Another Code: Recollection

C’est donc Another Code et sa suite qui ont aujourd’hui l’honneur de revenir sur le devant de la scène ; et s’il sera évidemment question ici de la bien-nommée Recollection, développée par Arc System Works (oui oui, ceux-là mêmes qui développent habituellement des jeux de baston ultra énervés) et disponible sur Switch, il est important de s’attarder un moment sur les originaux, pour comprendre en quoi ils pouvaient être considérés comme importants et intéressants à l’époque de leur sortie.

Je vous parle d’un temps…

Le premier, sous-titré Mémoires Doubles, est sorti en 2005 sur Nintendo DS, quelques mois après l’arrivée de la console de Nintendo sur notre territoire. Il s’agit d’un jeu que l’on pourrait littéralement qualifier de point-and-click, puisque l’écran tactile de la DS nous permettait alors de diriger notre personnage et d’interagir avec l’environnement à l’aide du stylet. Another Code faisait partie de ces jeux du début de vie de la DS, qui tentaient d’exploiter au maximum les spécificités de la console : le double écran, l’écran tactile et le microphone étaient mis à contribution. Outre les nouveautés que tout cela apportait à l’époque en termes de jouabilité, c’était aussi l’occasion pour les joueurs console de découvrir un genre alors principalement réservé au PC, celui des point-and-click ; le stylet et l’écran tactile formant une alternative convenable à la souris d’un ordinateur.

Le deuxième épisode, Another Code R: Les Portes de la Mémoire, sortit quelques années plus tard, cette fois sur Wii. Outre des graphismes évidemment plus aboutis, console de salon oblige, le jeu utilisait le principal gimmick de la console, à savoir la (très médiocre) reconnaissance de mouvements de la Wiimote, pour résoudre certaines énigmes. Il proposait également une aventure plus longue, ce qui est là aussi en adéquation avec le support, les jeux sur console portable étant généralement plus courts.

 

Another Code Wii DS

Voilà à quoi ressemblaient les jeux originaux sur DS (à gauche) et sur Wii (à droite).

Il est où mon stylet ?

Retour en 2024 : les deux Another Code sortent sur Switch, avec leur lot de changements et d’améliorations. Ce que l’on remarquera en premier, c’est évidemment les graphismes, remis au goût du jour, et surtout identiques entre les deux épisodes. Cette harmonisation s’observe aussi dans la structure du jeu : au lancement, il n’est pas possible de sélectionner le jeu auquel on souhaite jouer. Les deux aventures ont en effet été regroupées, et bien que distinctes d’un point de vue scénaristique (deux années s’écoulent entre les deux), il faudra bel et bien faire les choses de manière chronologique.

Si justement l’histoire reste la même, le gameplay a lui changé depuis l’époque DS/Wii. Ce qui se traduit par un contrôle « classique » de notre personnage, avec le stick gauche, mais aussi par des puzzles bien différents de ceux présents dans les originaux. Cela s’explique facilement : bien que la Switch dispose d’un écran tactile (ce que la plupart des développeurs semblent complètement ignorer), impossible de rendre son utilisation obligatoire, puisqu’il doit être possible d’y jouer « docké ». Cette Recollection se joue donc de manière beaucoup plus classique qu’auparavant, même si on retrouvera quelques puzzles nécessitant d’utiliser les fonctions gyroscopiques de la console – ce ne sont d’ailleurs pas les plus réussis.

 

Recollection énigmes

Il faudra parfois passer par des sortes de mini-jeux pour résoudre certaines énigmes.

Ashley, cœur à vif

Another Code: Recollection nous met dans la peau d’Ashley Mizuki Robins, une adolescente de 14 ans (puis 16 dans la seconde partie de l’aventure) dont la mère a été assassinée dans de mystérieuses circonstances durant son enfance. Son père était présumé disparu, jusqu’à ce qu’elle reçoive une lettre de sa part lui demandant de le retrouver sur l’île de Blood Edward. Cette île abrite le manoir d’une famille dont les membres sont tous morts des années auparavant, et Ashley va vite faire la rencontre du fantôme d’un jeune garçon, appelé « D », qui ne possède aucun souvenir de sa vie ni de son trépas.

Dans cette première partie de l’aventure, Ashley va devoir naviguer dans ce manoir à la recherche de son père, tout en faisant progressivement la lumière sur le drame qui entoure ses parents, mais aussi celui en lien avec la famille Edward. Bien que les dialogues manquent de panache, le scénario est suffisamment intriguant pour qu’on se laisse prendre au jeu. L’ambiance du manoir abandonné et les découvertes que l’on fait au sujet de ses défunts résidents donnent envie d’en voir le bout – ce qui arrive somme toute assez tôt, puisque ce premier jeu se boucle en environ cinq heures.

 

Another code manoir

Le manoir Edward, complètement à l’abandon, offre un cadre intéressant pour la première partie de l’aventure.

 

Le second jeu se passe deux ans après les événements du premier, et l’on retrouve Ashley dans un tout autre cadre, celui d’un camping lacustre, où elle est censée retrouver son père pour des vacances. Mais la rencontre avec certains personnages va venir perturber ces plans, et Ashley va de nouveau se retrouver dans une quête de souvenirs et de vérité. Cette reprise du volet Wii constitue en réalité bien plus que la seconde moitié du jeu, puisque l’aventure est ici plus longue ; il faudra tabler sur une douzaine d’heures pour en voir le dénouement.

 

Another code Lake Juliet

Le camping de Lake Juliet, un décor beaucoup plus coloré.

Another causette

Après toute cette exposition, il est temps de parler du gameplay. Comme il est coutume dans ce genre de jeux, notre temps sera réparti entre dialogues avec les différents PNJ, déplacements dans les zones de jeu (souvent à la recherche d’un quelconque objet, ou du prochain endroit vers lequel se rendre), et résolution d’énigmes. Mais autant être franc : cette dernière composante est bien minoritaire par rapport aux deux autres. On passe en effet le plus clair de notre temps à se balader dans les environnements (avec de nombreux allers-retours à prévoir), à dialoguer avec les personnages, et à suivre les flashbacks que le scénario va distiller tout au long de l’aventure.

Il y a bien quelques énigmes ici et là, mais contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre (et à mes vagues souvenirs de 2005 sur ma DS), c’est plutôt la recherche d’objets dans les environnements qui a une place prépondérante dans le déroulement du jeu. Et il convient également de mentionner que ces trop rares énigmes ne sont jamais bien difficiles, leur solution étant souvent explicite pour peu que l’on fouille tous les éléments du décor.

 

REcollection enigme

Plusieurs énigmes nécessitent de trouver une combinaison de symboles, que l’on pourra trouver en inspectant tous les recoins du décor.

 

Codéine

On est donc bien plus face à un visual novel qu’à un point-and-click tel qu’on peut les connaître sur PC, ce qui n’est pas nécessairement un défaut en soi ; Another Code: Recollection mise simplement plus sur ses dialogues et son scénario que sur la réflexion. Le problème, c’est que le jeu est loin d’être parfait sur le plan narratif. L’histoire est globalement intéressante, avec une emphase sur le thème de la mémoire et des souvenirs, et les révélations sur le passé des personnages sont suffisamment bien distillées pour que l’on veuille savoir la suite ; bien que les ficelles scénaristiques se voient venir assez vite. Mais passé cela, force est de constater que le jeu affiche une certaine mollesse. Les dialogues sont rarement palpitants, et les nombreux allers-retours pour chercher l’endroit où le prochain script se lancera rendent l’expérience quelque peu soporifique.

On observe d’ailleurs une certaine inégalité entre les deux morceaux de l’aventure. Le premier est globalement plus maitrisé : l’ambiance du manoir est pesante et mystérieuse, le personnage de D qui nous accompagne offre une seconde facette à l’histoire (d’où le sous-titre Mémoires Doubles), et l’aventure ne s’étire pas plus que nécessaire. Ces qualités sont malheureusement perdues dans Another Code R, qui se révèle moins intense ; le cadre y est beaucoup plus coloré et détendu, et les enjeux scénaristiques ont moins d’impact, si bien que le jeu donne parfois des airs de teenage drama insipide.

 

Another code dialogues

Les dialogues sont présentés de façon très élégante ; leur contenu, lui, l’est beaucoup moins.

« On a tous dans le cœur une petite fille oubliée… »

Au rang des nouveautés, cette Recollection offre deux options (que l’on peut choisir d’activer ou non) pour faciliter sa progression – pas que le jeu en ait vraiment besoin, cela dit. La première est la possibilité d’appuyer sur une touche pour obtenir un indice sur l’énigme en cours. Comme on l’a dit, la difficulté des puzzles est telle que le recours à cette option ne devrait pas être systématique pour la plupart des joueurs ; mais elle a le mérite d’être là, et au moins de ne pas être très intrusive, puisque ponctuelle.

La seconde est beaucoup plus drastique, puisqu’il s’agit d’un système de guidage, qui nous montre systématiquement notre prochaine destination, y compris l’emplacement des objets nécessaires à la progression. Si l’envie d’activer cette option peut parfois se faire ressentir pour s’éviter des déplacements laborieux, elle transforme alors l’aventure en une succession de dialogues téléguidés, et trivialise le peu d’exploration qui s’offre à nous ; à utiliser en connaissance de cause, et seulement si l’on souhaite suivre l’histoire sans se prendre la tête.

 

Another code guide

Le système de guidage trivialise complètement l’exploration et la recherche d’objets ; heureusement, on peut le désactiver (ou le réactiver) à tout moment.

 

T’as le look, Cocode

Côté technique, Another Code: Recollection se montre au même niveau que le reste : un peu tiède. Les graphismes ne vont certainement pas vous exploser les mirettes, mais la direction artistique est suffisamment agréable et colorée pour qu’on s’en contente. De même, les musiques qui accompagnent nos pérégrinations font leur office : elles ne sont pas intrusives et jamais bien violentes, mais rien n’est très mémorable à ce niveau-là. Au moins, le jeu est fluide, et l’ergonomie des menus est plutôt bien pensée, ce qui n’est pas un mal, puisque les passages dans l’inventaire sont relativement nombreux.

 

Recollection menu

Un menu permet notamment de revoir les dialogues précédents, pratique si on bourrine un peu trop le bouton A et qu’on en saute par inadvertance.

 

Souvenirs, souvenirs…

En résumé, Another Code: Recollection est un visual novel pas désagréable à suivre, pour peu que l’on sache dans quoi on s’embarque, surtout si l’on découvre ces titres pour la première fois. Pour les nostalgiques des originaux, cette compilation possède un attrait supplémentaire, car on y retrouve des jeux singuliers, modernisés de belle façon ; même si l’on perd l’originalité et la nouveauté des contrôles si particuliers de la DS et de la Wii.

La simple existence de ce remaster est cependant une bonne surprise, preuve que même certains titres méconnus peuvent avoir droit à une seconde chance ; à voir si le succès sera au rendez-vous. Le cas échéant, on pourrait espérer voir revenir d’autres jeux du défunt Cing comme Hotel Dusk, ce qui ne serait certainement pas pour me déplaire !

Note : 6 souvenirs / 10

Disponible exclusivement sur Switch. Une démo est disponible sur le Nintendo Eshop.

 

Author: Milambert

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