Parler de traversée du désert dans le cadre d’un article à propos d’un jeu qui se passe en Orient. Ce serait en faire trop niveau mise en abîme ? Parce qu’Ubisoft a bien besoin d’une oasis en ce moment. Un jeu qui ne soit pas un mirage ou une illusion, mais quelque chose de solide, qui redonne courage aux employés, confiance aux consommateurs et sourire aux actionnaires. Si je ne suis pas sûr pour le dernier, quelque chose me dit que pour les deux premiers, c’est bien parti.
En ce moment, j’ai l’impression que je pourrais commencer tous mes articles par une accroche du genre « je me souviens que quand j’étais petit… ». Sérieux, Prince of Persia ?! Qui attendait un retour du prince ? Un reboot de la série des Sables du Temps avait été évoqué, puis confirmé, puis annulé. Et enfin, voilà que se présente ce The Lost Crown. Un peu comme pour les fans de Metroid Prime qui attendent désespérément le 4, mais à qui on sert un « vieux modèle », sous la forme de Metroid Dread. Paf, la transition incroyable (je suis trop fort), puisqu’on est exactement dans la même catégorie de jeu. C’est quand même bien fait Internet.
Mésopotamie de longue date
Il faut donc insérer l’anecdote de rigueur. Je vais de ce pas évoquer mon souvenir des sons du tout premier Prince of Persia, les fameux « chhhtrrrt » émis par la carte son 8 bits du PC pré-Pentium 486 quand on tombait sur les piques. Je peux alors effectivement cocher les cases de rigueur lors de tout retour de vieilles licences. C’est très courant en ce moment. Assassin’s Creed Mirage a récemment déjà opéré dans la catégorie retour aux sources, avec un succès plutôt mitigé, mais qui n’a pas diminué pour autant mon envie d’y jouer un jour. C’est probablement le seul point de similitude entre les deux jeux, tant The Lost Crown semble avoir déjà conquis son public.
Mais ça faisait deux fois chacals
Il faut dire que les voix d’Internet ont toutes été sollicitées et que cette stratégie de communication a l’air efficace puisque tout ce qui se fait de médias, journalistes et influenceurs semble avoir pu y jouer deux semaines avant sa sortie (nous y compris). Et c’est une bonne chose. Qu’un jeu soit bon ou mauvais, avoir le temps d’y jouer correctement avant sa sortie ne devrait pas être un luxe. Cela devrait surtout éviter que trop de gens ne se ruent dessus sans avoir eu l’occasion d’en lire plusieurs avis. Nous on passe notre temps à le dire: jouer à un jeu même trois ans après sa sortie ne péjore pas l’expérience, au contraire. Une voix me dit que notre test de Cities Skylines 2 à venir prochainement en sera un parfait exemple.
En résumé, un éditeur qui donne accès à son jeu aux journalistes bien à l’avance est plutôt signe de confiance en le produit, en ces qualités et surtout concernant son état terminé ! À l’inverse lorsque c’est le jour avant la sortie officielle, avec un embargo serré, c’est qu’il y a crainte que la presse n’étale les défauts du jeu. Le délai d’accès est ainsi devenu un signal marketing, et à défaut de pouvoir compter sur la patience du public, cela devrait être un moyen de fournir un avis critique à temps. Mais revenons à notre prince.
Françoise Sargon
Comme je le mentionnais en guise d’introduction, Ubisoft fait la grimace depuis environ deux ans. Les résultats financiers ne sont pas encourageants, les derniers jeux peinent à convaincre ou sont reportés à de multiples reprises, des bourdes se succèdent en lien avec des cryptomonnaies ou des publicités invasives, le tout dans un contexte de ressources humaines défaillantes pesant. Si seulement ils pouvaient remonter le temps et corriger les problèmes, ce serait pratique non ?
Oh lala, encore une transition toute trouvée, quel enchainement. Sargon, le nouveau « Prince », va justement se servir de pouvoir temporels, que ce soit dans les combats ou la résolution d’énigmes. Après la saga des Sables du Temps, retour à la 2D, dans des décors très soignés, pour un concept qui a déjà fait ses preuves. Le fameux « metroidvania », équilibre entre explorations de labyrinthe, acrobaties demandant de la précision et panel de combos pour vaincre les ennemis. Lorsqu’on est bloqué, c’est qu’il nous manque un outil ou un pouvoir et il faudra revenir plus tard. Une recette tout ce qu’il y a de plus classique, mais toujours efficace.
Sandmania
Sargon n’est pas un prince à proprement parler, d’ailleurs. Il s’agit plutôt d’un guerrier, d’un groupe d’élite appelé « Les Immortels », dont le design rappelle un peu Immortals : Fenyx Rising, coïncidence? Leur mission est plutôt de retrouver le vrai prince qui a été enlevé par une ancienne alliée, dans des circonstances mystérieuses. La piste les conduit dans un palais abandonné. Curieusement, les soldats arrivés quelques heures avant eux ne sont plus que des squelettes desséchés depuis des centaines d’années. On fait alors le raccord avec les pouvoirs temporels, puisque les couloirs du temps n’ont pas été refermés après qu’Eusæbius a omis les oeufs de caille. Tel notre héros en proie à des hallucinations temporelles, je me mélange un peu les pinceaux. C’est une intrigue assez classique avec son lot de trahisons, de renaissance et de paradoxes temporels, mais à l’image du reste c’est très plaisant.
Mamelouk, coco
Le dossier de presse estimait une vingtaine d’heures nécessaire pour voir le bout de The Last Crown. J’atteins gentiment ce total, et je n’ai parcouru que la moitié du jeu. C’est qu’il n’est pas facile le coquin ! Même en mode normal, on galère pas mal ! Se farcir un retour au dernier checkpoint et devoir reparcourir toute une partie du niveau a de quoi mettre les nefs à rude épreuve. Mais je trouve l’expérience très satisfaisante. Je lui reconnais toutefois une certaine lourdeur dans ses animations. La course de Sargon est un peu rigide à regarder, mais cela reste de l’ordre de l’esthétisme.
En revanche, c’est un peu plus embêtant en ce qui concerne les timings de saut et de frappe. On s’en sort, mais les délais pour les parades ne pardonnent aucun retard et les enchainements, notamment dans les airs, sont souvent difficiles à rythmer correctement. Comprenez qu’on ne parvient pas bien à lire l’action pour ressentir le moment où il faudrait appuyer sur le prochain bouton pour ne pas briser une séquence.
The sand of silence
The Last Crown sait s’inspirer des meilleurs. Des mouvements comme Ori, des ennemis invincibles qu’il faut éviter comme dans Metroid Dread, et décors fastueux qui mélangent étrangement technologie vertigineuse et mythologie comme le château de Dracula dans un Castelvania. Mais il sait également apporter sa touche personnelle en améliorant certains aspects. Par exemple, la carte est très lisible et on s’y perd nettement moins que chez certains confrères. L’approche choisie pour les combats est également plus développée, offrant ainsi des options dynamiques cassant la routine et une difficulté ardue sur laquelle j’apprécie me casser les dents. (C’est une métaphore, je ne joue pas vraiment avec la bouche).
Sultan et si bien
Ubisoft sait créer des mondes intrigants, que l’on a envie d’explorer. Malheureusement, trop souvent c’est un peu une sensation de vide qui domine ; bel univers, mais pour y faire quoi ? Dans The Lost Crown, les deux jauges sont remplies de manière égale. Le royaume qui nous est proposé est énigmatique et suffisamment varié pour donner envie d’en parcourir tous les recoins. Les moyens qui sont mis à notre disposition pour le faire sont efficaces et plaisants. À croire que Ubisoft exploite mieux la pleine amplitude de son potentiel en faisant des jeux plus modestes. Est-ce que cela suffira à satisfaire les actionnaires aux dents longues ? Je ne sais pas, mais ils feraient probablement mieux de jouer un peu à des jeux vidéo plutôt que d’essayer de les vendre.
Note: 8 ziggourats sur 10
Testé sur Xbox Serie X, Également disponible sur Xbox One & Serie S, sur PC, Switch, PS4 & PS5.
Sortie officielle le 18.01, mais une démo est déjà disponible et on aime les démos.