Dans notre dernier podcast, nous avons évoqué les jeux auxquels nous avons joué en 2024, qu’ils nous aient plu ou non. Je n’ai pas pensé à parler du remaster de Until Dawn. J’aurais dû.
Pris par l’émotion et l’euphorie de cet enregistrement de Noël, je n’ai pas saisi l’occasion de déballer ma critique lors de cet épisode rétrospectif. Remettons alors un peu de contexte par écrit. À la Gamescom 2015, j’avais assisté à une présentation tout en légèreté et bonne humeur chez le tout jeune studio anglais Supermassive Games. Sa délégation nous présentait un concept à sortir sur la PS4. Un jeu original proposant d’incarner plusieurs adolescents faisant face à un tueur psychopathe, dans la plus pure tradition du slasher. Sorte de film interactif dans lequel nos actions auraient un impact sur l’issue du jeu, de son scénario, et notamment du nombre de survivant et survivantes. Until Dawn était né.
Son succès allait attacher fermement Supermassive à ce concept qui sera ensuite décliné jusqu’à aujourd’hui avec des titres comme The Quarry ou The Dark Pictures Anthology. Peut-être un peu essoufflé par cette succession, le studio a récemment pris le relai de Tarsier pour bosser sur Little Nightmares 3 et je suis très curieux de voir comment ils vont traiter cette série avec leur patte. Mais nous nous éloignons de notre sujet.

Si les dernières production du genre (Dark Pictures, The Quarry) proposent de jouer à plusieurs, ici c’est bien tout seul qu’on explore les environnements lugubre, comme cette grotte.
Souviens-toi l’été d’il y a dix ans
Voilà qu’a débarqué sur nos PS5 et PC une édition remaster de Until Dawn. Supermassive étant occupé ailleurs, cette tâche de portage a été confiée a Ballistic Moon, tout aussi anglais, mais dont il s’agit du premier jeu. Enfin, pas vraiment, vu que c’est surtout une remise à neuf du jeu d’origine. Le principe reste le même: des jeunes tous plus clichés les uns que les autres font une fête de sales jeunes (celles avec de la musique trop forte, de l’alcool pas cher et du drama amoureux) dans le chalet familial de l’entre d’entre eux. Suite à une mauvaise blague, deux d’entre elles vont mourir dans un accident dans la montagne.

GRABOUGRABLL !!! Certains éléments de contexte changeront selon ce que vous aurez indiqué comme vos propres peurs.
Accident ? Vraiment ? Qui était ce mystérieux personnage qui les suivait ? Et ce cri dans la forêt ? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses une année plus tard, lorsque les mêmes jeunes reprennent le chemin des sommets pour exorciser ces événements tragiques. « Life must go on », comme disent les bucherons canadiens.
Massacre à la photocopieuse
J’aime toujours bien la proposition de Until Dawn. Tous les personnages sont potentiellement des personnages insupportables qu’on aurait envie de faire mourir en premier. J’avais d’ailleurs essayé de répondre chaque fois la pire phrase pour que chacun d’entre eux soit un vrai con. Mais je n’ai pas tenu sur la longueur parce qu’ils devenaient difficiles à supporter. Rien à voir avec ma propension à vouloir voir le bon en tout le monde et à viser une fin heureuse, évidemment, comme vous y allez. La recette fonctionne toujours et je trouve l’histoire très cool à suivre jusqu’à son dénouement. Les jeunes vont se retrouver séparés (évidemment) et devoir lutter contre un tueur en série fraichement échappé de prison. Plusieurs retournements vont amener leurs lots de surprises bienvenues.
Je n’avais pas fini le jeu sur PS4 à l’époque et je ne me souviens plus pourquoi. Je l’ai donc repris avec intérêt. Ce remaster next gen sort la grosse artillerie avec son polissage visuel et des nouvelles séquences à la mise en scène améliorée. Jetez un oeil à la vidéo en fin d’article pour le constater. Si la version d’origine impliquait des acteurs connus comme Hayden Panettiere, Rami Malek, Peter Stormare ou encore Brett Dalton, celle de 2024 ne dispose pas des mêmes moyens pour les faire revenir en studio. Ces scènes ajoutées sont donc assez anecdotiques.
Halloween: l’ennui démasque
Si j’ai eu du plaisir à refaire Until Dawn, un remaster n’était absolument pas nécessaire. Son concept n’implique pas vraiment qu’on y joue pour la beauté de ses graphismes. Certes, c’est flatteur à la rétine, mais le plaisir de jouer reste le même avec la version de 2015. Qui plus est, il y a des partis pris qui font un peu grincer des dents aujourd’hui. Peut-être qu’on laissait passer à l’époque parce que c’était novateur, mais en termes de gameplay il y a des choses qui me chiffonnent.
Premièrement, un aspect que nous avions déjà évoqué avec Teiki quand nous avions joué à House of Ashes, les « prémonitions » qui sont supposées aider à faire des choix par la suite sont trop cryptique et ne permettent jamais de savoir si on fait un « bon » choix. Mais ce qui me fait vraiment grimacer c’est qu’Until Dawn ne nous apprend pas à jouer à Until Dawn. Ainsi, une même action dans deux situations différentes ne conduira pas au même résultat. Je m’explique.
Normalement, quand on joue à un jeu vidéo, on prend des « décisions de jeux vidéo », qui ne sont rationnelles que dans le contexte donné de ce jeu. La décision est donc prise en connaissance de cause après avoir appris comment fonctionnent le cadre et les règles du jeu. La réponse à cette décision devrait, en principe, être toujours la même. Par exemple, si j’apprends que le bouton A fait sauter Mario, je vais m’attendre que cette règle reste permanente tout au long du jeu. Ou alors, il faut qu’on me retire ces règles pour créer la surprise. Quand c’est bien fait, c’est généralement génial et amène du renouveau. Ici, ce n’est clairement pas le cas. Voyons pourquoi.
Contredit 13
Dans Until Dawn, la plupart des actions se résolvent soit en faisant des choix de dialogues, soit par des QTE (appuyer sur les bonnes touches dans le bon timing). Malheureusement, il n’y a pas de continuité dans ce qui constitue une réussite ou un échec. J’ai deux exemples en tête qui permettront de rendre ça plus explicite.
À un moment, un personnage croise un loup menaçant. On nous montre un moyen d’éviter que ce dernier n’attaque. Se montrer agressif avec le loup permet de se sauver, c’est donc une réussite. Plus tard, dans le jeu, un autre loup devient lui également menaçant. Logique de jeux vidéo: je connais cette situation, je l’ai déjà vécue, j’ai appris, je répète donc la même action. Sauf que cette fois, le loup aurait pu devenir un allié si je m’étais montré amical. Aucun moyen de le prévoir.
Deuxième exemple, un personnage est poursuivi et effectuer un QTE permet de renverser des objets dans sa course pour encombrer le chemin de son poursuivant (un grand classique). Juste après, réussir une action du même genre fait qu’on utilise une fusée de détresse pour enflammer un tonneau d’essence, ce qui semble également être une réussite. Que nenni, puisque plus tard on apprendra que si on avait gardé la fusée éclairante elle aurait été bien plus utile ailleurs. Il aurait donc fallu rater le QTE pour la conserver. Cette inconsistance dans le cadre de règles, rapproche donc ces décisions de celles que nous prenons dans la « vraie vie ». Puisque celles-ci reposent sur de l’inconnu et de l’imprévisible. C’est ce qui fait la richesse de notre existence (si si), mais c’est contradictoire avec le principe de jeu vidéo, qui se veut justement différent.
Apocryphes de la nuit
Sur ces paroles philosophiques, je ne vous recommande ce remaster d’Until Dawn que si vous n’avez pas la possibilité de jouer à la version PS4 (ce qui m’étonnerait). Until Dawn c’est cool à jouer si vous aimez le genre slasher au cinéma. Son côté film interactif est vraiment sympa. Mais ce remaster ne valait pas la peine et ne vaut pas non plus les 70 CHF (sic) qu’il vous en coutera. Comble de la boucle, un long métrage inspiré du jeu vient juste d’être annoncé par Sony. Coïncidence ?
Note: 5 derrière toi c’est affreux sur 10 (si vous avez déjà joué à la version de base)
Testé sur PS5, également disponible sur PC et sur PS4 pour l’original.