Spiritfarer, décrit par ses développeurs comme « un jeu cozy sur la mort », est un jeu dont je n’ai pas spécialement envie d’écrire le test. J’ai surtout envie de vous dire : jouez-y, c’est une expérience nécessaire. Ce jeu est beau. Touchant. Sensible. Une perle. Enfin bref : il y a peu à dire et tant à vivre/jouer.
Spiritfarer nous propose de jouer Stella, jeune femme s’improvisant passeuse et remplaçant ce brave Charon qui est enfin arrivé à l’âge de la retraite. Compte tenu de leurs propos, le parallèle avec le plus récent Kena semble évident et tentant, mais les jeux sont très différents. Kena aborde la thématique du deuil et de la mort plutôt en surface, nous mettant face au deuil d’autres personnages que nous rencontrons. De son côté, Spiritfarer nous engage à établir un lien profond et personnel avec chacune des âmes que Stella accompagne. Ici, le deuil n’est pas seulement observé, mais vécu par le biais du personnage que nous incarnons. Si Kena est un très bon jeu, son argument de vente tient surtout, pour moi, à sa forme. De son côté, Spiritfarer mise bien plus sur son contenu.
Soirée Death & Chill
Au niveau du gameplay, Spiritfarer est un jeu de gestion en vue 2D. Effectivement très chill et cozy comme l’ont annoncé les développeurs : au fil de l’aventure on agrandit notre bateau de croisière pour âmes en peine. On cherche des ressources, on explore et enfin on développe nos relations avec les différents défunts que l’on accompagne jusqu’à l’ultime étape. Le jeu est tranquillou, peu difficile, mais engageant ; des fois un poil maladroit, mais toujours chaleureux. Si vous cherchez de l’action, ce n’est pas la bonne porte à laquelle frapper. Ici, on chill, on plante des légumes et on mène des gens à la mort.
Dessine-moi une faucheuse
La réalisation est très agréable, bien animée et ses airs gentillets de bande dessinée pour enfant proposent un contraste puissant avec la thématique abordée. Cette disparité permet probablement aussi d’adoucir le vécu du trépas des différents personnages rencontrés, sans pour autant enlever de l’intensité à ces rencontres. Ne nous leurrons pas, le jeu reste simple et les différentes phases de gameplay sont parfois plus un prétexte à la narration qu’autre chose. Néanmoins, celles-ci s’intègrent très bien dans l’histoire et le monde sans jamais alourdir la progression. Le jeu permet également à un-e deuxième joueur-se de prendre une manette et de prendre le contrôle de Daffodil, le chat de Stella, pour l’aider dans ses tâches (je ne l’ai pas testé, mais les retours semblent bons).
Regarder la mort en face
Si j’ai dit en introduction qu’expérimenter ce jeu me paraît « nécessaire », c’est car Spiritfarer vient nous chercher dans notre zone de confort, dans le nid douillet du divertissement, pour nous amener avec douceur vers ce que nous craignons, et évitons, le plus. La mort. Et le jeu le fait avec brio. Alors que notre société moderne maîtrise plus que tout l’art de nous divertir et détourner notre attention de notre bonne vieille, et inévitable, faucheuse, la démarche de Spiritfarer m’en paraît d’autant plus admirable qu’elle utilise un médium habituellement associé à cette diversion. Thunder Lotus Games passe donc par le virtuel pour nous permettre de mieux approcher, et intégrer, cette fameuse réalité que nous aimons tant fuir.
En ces temps troublés de pandémie – durant laquelle la notion de mort se confond peu à peu avec un chiffre à la TV qui indique si on a le droit d’aller au restau ou non – ce jeu me paraît d’autant plus adéquat et pertinent qu’il parle réellement de deuil et de mortalité. Pour moi, Spiritfarer est une oeuvre géniale, qui prouve bien que le jeu vidéo peut être bien plus qu’un simple divertissement. L’un de mes coups de coeur de ces dernières années assurément !
10 insoutenables légèretés du jeu vidéo sur 10.
Testé sur PS5, disponible PS4, Switch, Xbox One, Xbox Series X|S (inclus dans le Game Pass), PC et OSX.