Il y a des présentations nulles pour des jeux nuls. Il y a des présentations nulles pour des jeux bien. Il y a des présentations en allemand. Et il y a des présentations méga bien pour des jeux encore plein d’incertitudes, mais en même temps assez prometteurs. C’est dans ce dernier cas que je me suis retrouvé pour voir Until Dawn.
Ouh comme il passe bien le petit canapé de la salle de presse de Sony. Fin de journée, des kilomètres dans les jambes et la tête en pastèque, je m’écroule avec soulagement. Il semblerait que les types de Supermassive Games en face soient dans le même état proche de l’Ohio. Entre le gars qui s’est fait des bretelles avec des lanières Sony parce qu’il a oublié sa ceinture et celui arborant une stache-mou qui pourrait lui valoir un high-five de la part de Salvatore Dahli, y a du niveau. J’étais un peu sceptique quant à la pertinence de cette présentation (où on ne jouerait pas), puisque nous avions déjà pu essayer le jeu lors de la Swiss Toy de Berne, l’année dernière. Cela confortait mon idée, déjà évoquée avec Uncharted 4, que Sony venait à la Gamescom en mode « oui, oui, on est là. Va leur montrer un truc, moi je recompte les billets ». L’avenir très très proche vous montrera que je n’avais pas complètement raison.
Until Dawn est un jeu horrifique qui devait sortir sur PS3 avec le PS Move, mais la communauté s’étant insurgé contre cet outil passablement ridicule, les développeurs britanniques avaient alors remballé le matos pour en préparer une version jouable également avec le pad, repoussant la sortie sur la PS4. C’est en substance ce que nous a glissé Will « moustache » Byles, directeur exécutif, en guise d’introduction. Nous assistons à une séquence jouée en live par monsieur « bretelles Sony » et nous sommes témoins des possibilités de choix qui s’offrent aux joueurs. L’idée de départ est celle que nous avons tous vécu en regardant un « slasher », explique Will. Ce moment où le personnage monte au grenier pour voir d’où provient ce bruit étrange de tronçonneuse au milieu de la nuit, et l’on aimerait lui hurler de ne pas monter, de ne pas faire un truc si stupide et de ne pas aller rallumer le disjoncteur! C’est donc ce qu’on pourra faire dans Until Dawn, assister à une sortie en montagne d’un groupe d’ados, qui seront poursuivis par un tueur psychopathe et choisir pour eux s’il vaut mieux réparer la radio ou partir en courant dans la forêt. Je caricature à peine, mais ces choix auront un impact réel. Until Dawn doit se vivre comme une expérience unique, poursuit Will. Il ne sera pas possible de charger sa partie pour prendre une autre décision. Aucun retour en arrière n’est possible tant que le jeu n’aura pas été terminé une première fois. C’est une vraie décision prise dans la direction artistique et ça me plait bien! Bien sûr, on peut discuter de la définition de « jeu », puisque les éléments de gameplay ont l’air assez minces, mais l’animation étant particulièrement soignée, il est vite fait de s’attacher aux personnages… ou de les détester! Dans la séquence que nous avons vue, une jeune fille était en phase de panique et j’avais clairement envie de lui mettre des tartes. J’ai demandé à Will et son comparse si certains personnages avaient été explicitement écrits pour qu’on ait envie de les voir mourir. Les rires que j’ai eu en face étaient déjà suffisamment explicites. Mais effectivement, les personnages ont tous été créés selon des modèles très stéréotypés (le nerd, le quaterback, la pouffe, etc) mais personne n’y est tout blanc ou tout noir, et chacun d’eux peut mourir à tout instant de manière terriblement gore. Il est donc possible de terminer le jeu avec tous les ados en vie, une partie, voire aucun.
C’est le moment où j’ai complètement oublié le temps qui passait. Will s’emballe dans ses réponses, on sent qu’il se détache petit à petit du discours marketing habituel et il nous parle de sa passion pour les films d’horreur, des multiples sources d’inspiration qui vont de Buffy contre les vampires à Conjuring. On rigole, on parle de gameplay se mélangeant à l’histoire et il nous explique qu’ils n’essayent pas d’être un Call of Duty ou un FIFA (sous entendu, grosse production), mais qu’ils ont fait une histoire effrayante que l’on peut modifier. Et j’ai l’impression qu’ils la font bien. Il n’y est pas question de choix moraux imposés par l’équipe, mais plutôt de se confronter à ses propres dilemmes et à leurs conséquences. On apprend encore qu’en jouant avec la caméra branchée à la console, celle-ci enregistrera spontanément les réactions des joueurs. Certains beta-testeurs auraient même organisé des soirées pop-corn où les décisions se prennent selon les votes de la majorité.
Voilà comment une séance de fin de journée est devenue l’une des plus passionnante de cette Gamescom. On a pu parler du jeu, mais aussi de ce qu’il y a autour, en toute décontraction et je pense que si les attachés de presse n’avaient pas signalé que le temps imparti était dépassé depuis longtemps, Will serait encore en train de nous parler des ses films d’horreur préférés. Cela n’a été évoqué qu’à demi-mot, mais puisque ce sont des anglais, il y a fort à parier qu’il y ait beaucoup de second degré dans Until Dawn et que les codes de ce genre de production soient tournés en dérision. Malheureusement, le marketing sera sûrement confié à des américains qui se borneront à le vendre comme un « jeu qui fiche les ouille-ouille-ouille-j’ai-la-trouille ».