Les contes pour enfants, c’est toujours l’histoire d’un personnage ordinaire à qui il arrive des choses extraordinaires. Et c’est en puisant dans des ressources présentes, mais insoupçonnées qu’il ou elle triomphera des épreuves. Des fois, l’épreuve en question, elle porte un foulard sur le visage et elle tient un canon scié dans une main.
Dévoilé lors de la récente conférence Xbox du Summer Games Fest (ex-E3 avant que l’E3 ne revienne en 2023), As Dusk Falls reprend le concept du film interactifs à choix multiples pour l’insérer dans un contexte moderne. Là où Quantic Dreams s’inscrit dans la SF en se prenant beaucoup trop au sérieux et où Supermassive Games verse sans vergogne dans l’horreur nanardesque assumée, le petit studio indé de INTERIOR/NIGHT se place entre les deux. En choisissant un drame moderne sans fantaisie, mais une emphase mise sur des problèmes relationnels auquel le premier venu peut s’identifier. Parmi les têtes pensantes du studio, on retrouve une partie de l’équipe de Blood & Truth, probablement l’un des jeux PSVR qui m’a le plus marqué, mais ils ont aussi œuvré chez Quantic Dreams.
As Dusk Falls tient même plutôt du roman graphique que du film interactif. En effet, l’interactivité est réduite à son strict minimum puisque l’on se contente de faire des choix de dialogues ou d’actions et d’en découvrir ensuite le résultat dans un style en animation minimaliste, mais au trait de crayon léché. Pas de personnage à déplacer, mais des QTE très permissives. Il faut donc se lever de bonne heure (dans un jeu qui s’appelle À la tombée de la nuit, haha, jeu de mots), pour rater l’enchainement des touches a appuyer dans le bon ordre. Deux boutons uniquement seront sollicités: le stick et la touche A de la manette. Il est également possible d’utiliser un smartphone comme manette en téléchargeant l’application dédiée (Android et iOS). On balaie et tapote alors l’écran, classique.
Maraude trip
On va suivre l’histoire de deux familles dont les destins vont se croiser et s’entrecroiser. Dans un scénario qui aurait fait se rencontrer Terrence Malick et Quentin Tarantino, les retournements seront de mises, tout comme les nuances de gris. Non pas visuellement – les couleurs étant plutôt chatoyantes – mais dans les aspérités définissant les personnages. Même ceux qui apparaissent rapidement comme étant les pires salauds ont une histoire, pas une excuse, mais une explication. Seuls les Siths sont aussi absolus, comme disait Obi-Wan Kenobi et il avait raison.
Le pitch de départ est celui d’une famille lambda quittant la Californie pour démarrer une nouvelle vie dans le Missouri. Mais on ne laisse pas son passé entre quatre murs et il ne tardera pas à resurgir des cartons. Entre les deux états américains se trouve celui de l’Arizona. Ainsi que le Nouveau-Mexique, le Texas et l’Oklahoma, mais ça nous intéresse moins. C’est donc dans le cadre du désert poisseux d’Arizona que leur route va croiser celle des frères Holt, petites frappes du coin en cavale après un braquage qui tourne mal.
La recette de gameplay d’As Dusk Falls est donc assez connue. Nous faisons des choix et ceux-ci influencent l’histoire. À la fin d’un chapitre, nous découvrons un arbre dévoilant les différents embranchements éventuels et il est possible de recommencer le récit depuis un point particulier pour explorer ce qui se serait passé si on avait décidé autrement. Il est bien entendu recommandé de finir une première fois une histoire de A à Z pour une expérience plus complète. Cette narration est bien ficelée, les tensions et les renversements fonctionnent bien puisque j’ai pu m’attacher aux personnages ou aimer les détester. Les situations sont crédibles (dans la limite du raisonnable) contrairement aux autres productions du genre. C’est un choix assumé efficace.
Avis partagés
Il est possible de parcourir As Dusk Falls tout seul ou accompagné jusqu’à huit en local ou ligne. Mais contrairement à House of Ashes, par exemple, qui construisait son gameplay autour des interactions entre les personnages incarnés par les joueurs (et donc les interactions entre joueurs indirectement), ici la seule possibilité est de pouvoir voter pour une option et la majorité l’emporte. Ça n’apporte donc pas grand-chose à l’expérience.
As Dusk Falls intègre également une fonctionnalité reliée aux votes du chat Twitch. Ce qui permet aux viewers d’un stream de participer. Les jeux proposant cette option sont encore assez rares, mais c’est une évolution que je trouve intéressante et emblématique de l’époque actuelle. De plus, l’utilisation du smartphone comme manette ne fonctionne pas totalement. Il est arrivé plusieurs fois qu’un joueur se plaigne d’un résultat non voulu initialement. Je peux, de bonne foi, mettre ceci sur la qualité de mon réseau wifi, éventuellement, mais ce n’est pas très rassurant pour autant.
Les phases d’expositions du récit sont particulièrement lentes entre les moments de choix qui font grimper la tension (souvent minutés). Le style graphique, bien que soigné et original, augmente malheureusement la sensation d’inertie.
Quelques degrés de plus
As Dusk Falls doit se considérer comme un roman de vacances. Il se pratique d’ailleurs comme tel, que ce soit dans les choix visuels ou le type d’interactivité. Mais un roman de vacances d’été alors. Parce que la température actuelle aide à l’immersion dans les événements du motel en plein milieu du désert dans la première partie du jeu. Avant un grand retournement de situation que je n’avais pas envisagé en ne lisant pas trop d’info sur le jeu avant de m’y lancer. Une certaine forme de rejouabilité est, comme toujours dans ce genre de production, assurée par les multiples embranchements et les différentes issues sont suffisamment variées et bien écrites pour qu’on ait envie de les découvrir. Mais, comme d’habitude également, cela implique de se refarcir des scènes de dialogues qu’on ne peut pas avancer et qui sont leeeeeentes, comme déjà évoqué.
Heureusement, As Dusk Falls est compris dans le Game Pass, alors si vous y êtes abonné je vous le recommande volontiers. À faire à deux, mais avec une seule manette et en mettant sur pause au moment des choix pour discuter et débattre du choix. Je suis trop un hacker. Le récit étant suffisamment bien construit pour générer des émotions et des réactions personnelles. Pour ça, l’expérience de ce premier jeu d’INTERIOR/NIGHT vaut le détour (huit heures estimées pour un voyage de bout en bout). Mais compte tenu de certaines lourdeurs, techniques et narratives, serez-vous prêts à prendre la route pour un peu moins de 35 CHF? Votre patience risque d’être mise à rude épreuve sous cette chaleur.
Note: 7 Vie de famille sur 10
Testé sur Xbox Series X et One (Game Pass), (uniquement un changement en termes de temps de chargement). Disponible également sur PC via Steam ou le Microsoft Store.