Démoniaque nostalgie [Diablo 4]

Nous sommes en l’an 2000 et l’apocalypse n’est toujours pas là « IRL » tandis que Blizzard nous livre le père de tous les ARPG, la cocaïne la plus pure des amateurs de loot, le « point & kill » révolutionnaire : Diablo 2. J’ai alors 17 ans et autant de boutons sur ma figure que sur mon clavier. Je suis dans le salon de mon père ; ou plutôt dans l’enchevêtrement de câbles, de VHS, de trains électriques, de souvenirs de voyages et autres pièces d’ordinateurs détachés, de modems qui font le bruit d’une deux chevaux lorsqu’ils se connectent au monde alors merveilleux d’Internet (avant Twitter et les NFTs). Et c’est dans cette pièce sombre, bercée par la lumière de la TV cathodique de la taille d’un frigo sur laquelle mon père regarde un nanar de l’époque que je clique frénétiquement sur des démons en découvrant Diablo 2. Vous l’aurez compris, Diablo c’est ma madeleine satanique.

Nous voilà donc en 2023 et Diablo en est à la même itération que mes décennies. Dur constat, mais également très difficile de résister à l’idée d’acheter le jeu au jour de sa sortie (ou « Day 1 », comme disent les gens cool). Non j’avoue, c’était même « Day -1 » et Founet m’en veut encore. Si la tentation était forte, j’avoue m’y être plongé avec peu d’attentes. Diablo 3 était à peine moyen lors de son démarrage, et Blizzard de 2023 ne provoque plus du tout la confiance aveugle de l’époque. Bon, et alors, elle a quel goût cette madeleine des enfers ?

 

Diablo IV image 1

Au niveau de la mise en scène, il n’y a pas à dire ça en jette. Dommage que ce type de cadrage ne soit pas plus fréquent.

Une mise en bouche infernale

Soyons brefs, mais efficaces : Diablo 4 est un bon jeu et une expérience très agréable. Techniquement, le jeu est très beau et très bien réalisé, l’ambiance envoi du lourd et Blizzard est revenu d’un Diablo 3 cartoonesque à ses origines bien glauques des premiers opus. Le premier acte en particulier m’a arraché des décrochements de mâchoires face à la noirceur de certaines scènes. Et tant mieux, c’est Diablo, c’est gore, c’est sombre et ça tâche. Ahhhhhh Fresh Meat, comme disais l’autre.

J’ai fait la campagne en solo, dans ce monde semi-ouvert qui ne sait pas trop ce qu’il veut. On croise des joueurs en ville sans vraiment interagir, puis on en recroise au cours de nos déplacements, et plus tard lors des événements globaux sur la carte. Mais le jeu n’incite pas du tout à entrer en contact ou même à rejoindre un groupe. La campagne donc, est prenante, mais traine en longueur vers la moitié et reste d’une qualité narrative assez changeante suivant les actes. Le premier et le dernier sont vraiment très bons, avec des cinématiques et une ambiance du feu de dieu comme à l’âge d’or de Blizzard.

 

Diablo IV image 3

Le monsieur avec le casque en triangle, on s’est déjà croisé quelque part, non ?

Ahhhhhhh Old Meat

On retrouve cinq classes : voleur, druide, barbare, nécromancien et sorcier. Chacune d’elles est très fun, les compétences et les combats procurent un feedback très appréciable. Et le tout semble équilibré, en tout cas dans un premier temps, mais j’y reviendrai dans le prochain chapitre. Quoi qu’il en soit, on prend son pied à taper du monstre, améliorer son personnage et trouver du looooooot. Plein de loot. Comme un vrai Diablo. En tout cas dans un premier temps, mais j’y reviendrai aussi. Il n’y a en fait pas grand-chose à contester de Diablo 4, c’est un bon ARPG, mais qui n’invente rien. En tout cas dans un prem…

Car oui, comme dans pas mal de jeux de ce genre, il y a deux phases dans Diablo 4. Premièrement, l’expérience de jeu « casual » est franchement bonne. Entendez par là : 1) faire la campagne avec un ou deux perso 2) tester un peu le « End Game » (après la campagne), mais sans trop le prendre au sérieux, 3) ne pas aller sur Reddit.

Si vous comptez vous arrêter là, alors je trouve que Diablo 4 est un bon jeu, peut-être à 50 ou 60 francs. Si, en revanche, s’il y a en vous le sang noir du ponceur, la rage du hardcore gamer et du looteur compulsif, alors l’équation change passablement. Suite au, vous l’avez deviné, prochain chapitre et à la deuxième phase.

 

Diablo IV image 5

Que dire, Diablo c’est comme un point & click avec plus de violence, et de loot. Et moins de réflexion.

Il ne faut pas pousser pépé dans le End Game

Voilà, vous avez fini la campagne et vous vous lancez dans le bien nommé End Game. Pour les « vrais », c’est là que le jeu commence. Faire évoluer son personnage du niveau 50 au niveau 100, refaire indéfiniment les mêmes donjons pour gagner chaque fois quelques points sur son équipement, chasser les objets uniques super rares, augmenter la difficulté générale du jeu jusqu’au maximum et looter une armure toute brillante pour votre cheval (eh oui, il y a un cheval dans Diablo maintenant). Toutes ces joyeusetés sont censées constituer le vrai jeu pour les aficionados, mais malheureusement c’est aussi là que la madeleine commence à sentir un peu le McDo.

Ce n’est pas que le jeu est mauvais en soit, mais plutôt terriblement mal calibré passé un certain seuil, victime d’une myriade de mauvaises décisions. Car en fait le End Game est surtout bien vide et terriblement répétitif, revenant complètement en arrière sur les très bonnes décisions qui avaient redressé la route pour le précédent opus (exit les donjons aléatoires et les Greater Rifts).

Et là où le bât blesse, c’est que tous les petits problèmes de Diablo 4 semblent aller dans la même direction : ralentir la progression du joueur… Que ce soit dans ses mouvements, le mouvement du cheval, sa progression en niveau ou en loot. Et il est difficile de ne pas penser que cela vise à ralentir l’arrivée au moment fatidique où le joueur va se rendre compte qu’il n’y a quasi pas de contenu End Game et que la variété et l’intérêt du loot sont en fait très limité. Difficile constat, même si j’ai personnellement tenu un moment, car le gameplay reste très fun et captivant.

 

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Que serait Diablo sans des donjons obscurs et dramatiques ?

 

Game as a Curse

Vous connaissez probablement la nouvelle mode des « Game as a service« , c’est à dire que vous n’achetez plus simplement un jeu vidéo ma bonne dame, c’est maintenant un engagement à long terme. Diablo 4 viendra chez vous faire la vaisselle et vous mijoter des petits plats ! Enfin non, pas vraiment. Cela veut surtout dire que le développeur du jeu prévoit 1) que le jeu continue à se développer avec une régularité mensuelle après sa sortie – et donc que Blizzard peut se permettre de vendre un produit pas fini avec l’excuse que ça viendra ensuite dans le battle pass – 2) de vous vendre régulièrement du bordel in-game afin de faire plaisir aux actionnaires. Vous le sentez mon amour pour la perversion capitaliste ?

Je ne vais pas m’amuser ici à détailler tous les problèmes que le jeu rencontre dans son End Game, Reddit est là pour ça. Mais il semble évident que le jeu « pourrait » être très très bon. Avec les calibrages adéquats, cela pourrait être un des meilleurs Diablo de la série. Reste donc à voir ce que l’on pense du fait que le jeu soit sorti avec un End Game dans cet état et ne sera probablement bon que d’ici une année ou deux après de nombreuses mises à jour.

 

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Le druide est très réussi et très fun à jouer avec un gameplay proche du chaman de World of Warcraft : des éclairs, des loups, des marteaux.

 

Le chemin de l’enfer est pavé de mauvais management

Quelques mois après sa sortie, il est dur de se faire une idée sur l’avenir du jeu, car Blizzard semble faire n’importe quoi, n’importe comment, mais des fois cela tombe juste (les lois de la probabilité, probablement). En effet, le premier patch du jeu fut un fiasco comme j’en ai rarement vu, et croyez-moi après des années de Destiny 2, j’en ai vu des patchs pourraves. Bref, alors que les joueurs avaient amené, plus ou moins adéquatement, un bon nombre de remarques très pertinentes quant au calibrage du jeu, Blizzard a plus ou moins fait tout le contraire. Comme nerfer (réduire la puissance de) avec ardeur la classe qui était déjà, de loin, la moins bonne. Ralentir le timer de téléportation pour sortir des donjons. Parce que ? Parce que fuck you, voilà pourquoi. Et j’en passe.

Réaction à la réaction, Blizzard revient sur un certain nombre de décisions dans une vidéo de développeurs dépités et corrigent certains tirs. Mais force est de constater que les décisions prises pour le jeu semblent plus qu’hasardeuses, surtout venant de la part d’un studio avec autant d’expérience que Blizzard. Et en parallèle, le shop à argent réel pour des objets cosmétiques se remplit tranquillou. Toutefois, ces objets sont tellement chers et moches que finalement personne ne va les acheter, donc c’est pas si mal.

En bref, la gestion du jeu actuelle est plutôt alarmante même si pas dénuée de bonnes intentions. Avec un bonus pour la dernière vidéo de Blizzard montrant des développeurs qui, littéralement, découvrent leur jeu. Avec quelqu’un qui n’avait manifestement jamais joué à Diablo 4 ou à un ARPG. Au-delà de la pauvre employée qui a été envoyée à une mort certaine, le fait que cette vidéo ait passé le contrôle qualité, ou encore le marketing / PR de Blizzard est ahurissant. Peut-être que tout le monde a été mobilisé pour les funérailles d’Overwatch ?

 

Diablo IV image 4

Les « World Boss » sont une très bonne idée, mais ils n’apparaissent que quelques fois par jour, ne droppent rien d’intéressant et meurent en quelques secondes une fois qu’on est un peu haut niveau et que l’on tape à dix dessus. Dommage, mais l’idée est clairement à exploiter.

 

Ciel mon démon

Malgré cette diatribe endiablée : j’ai adoré jouer à Diablo 4, je suis très content de mon achat et je reviendrai voir de temps à autre où en est le jeu. Le goût de la madeleine était diablement proche de l’original et j’y ai retrouvé du plaisir de ma jeunesse (sans les boutons ni le clavier). Mais ce goût reste simplement bien moins longtemps en bouche. À vous de voir si vous cherchez un ponçage sans fin, auquel cas je vous conseillerais d’attendre une bonne année le temps que Blizzard remplume un peu le End Game (ou finisse de l’achever). Si par contre vous voulez simplement vous payer une quarantaine d’heures de hack & slash très bien foutu et une campagne bien sympathoche, alors le diable en vaudra la chandelle aux prochains soldes.

 

Note en mode casual : 7 madeleines démoniaques sur 10

Note en mode ponçage hardcore : 5 pains aux raisins tout secs sur 10

Testé sur PS5 et PS4 pro, disponible sur également sur Xbox One & Xbox Series et PC.

 

Author: Teiki

Recrue la plus prolifique du mercato du marché suisse romand du jeu de mots à 5 syllabes, Teiki (El Matador pour les intimes) est LE nouveau ancien rédacteur de Semper Ludo. Il gravit vite les échelons et grâce à quelques coups de langue bien placé, le voilà déjà en train de remplacer Founet à l’animation de Podcast. Son talent de marchandage s’est créé tôt dans sa jeunesse où il devint un pilier de l’échange d’objet inutile dans Everquest. C’est certainement cet événement qui l’oblige inlassablement à jouer à des jeux avec du loot vert, bleu, violet et orange. Ancien champion de pétanque sans cochonnet, lors d’un accident de roulade, il dû se reconvertir à la randonnée avec les pieds. Son corps est un temple où seules les personnes qui ont enlevé leurs chaussures peuvent entrer.

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