CoDumentary, un bofumentaire sur la saga Call of Duty

Cette semaine est sorti un reportage intitulé CoDumentary, une réalisation britannique, non approuvée, ni validée par Activision, qui a pour sujet l’une des sagas les plus lucratives de l’histoire du jeu vidéo: Call of Duty. Quand un produit culturel génère autant de battage médiatique chaque année et brasse de si grandes masses d’argent, on est en droit d’attendre du lourd, de l’interpellant ou même du croustillant. On a attendu.

Pourtant il y a de quoi dire sur les événements qui entourent la sortie de ces jeux depuis plus de dix ans. Qu’on les aime ou non, il est impossible de passer à côté, ni de nier l’impact qu’ils ont sur notre loisir préféré dans sa globalité. J’avais d’ailleurs réussi à convaincre ma copine de se joindre à moi pour le visionnage du film, avec la fausse bonne excuse de « oui, mais c’est un documentaire ». Je souhaitais avoir un regard plus neutre/grand public. Elle a tenu les quarante-cinq premières minutes avant de me dire qu’elle avait l’impression de regarder un « making of ». Moi qui lui avais fait miroiter du complot et de la trahison, me voilà bien emprunté.

On a constamment l’impression de ne faire que survoler la plupart des sujets qui mériteraient d’être approfondis. Le réalisateur, Jonathan Beales qu’il s’appelle, est un « eSports organiser and commentator », d’après The Guardian, ce qui donne probablement cet arrière gout de produit formaté par un fan boy. Les bisbilles entre Activision, Infinity Ward, Treyarch et EA ne sont ainsi abordées qu’en quelques phrases, du genre « les directeurs d’Infinity Ward se sont rendu à leur réunion matinale et ne sont plus revenus ». Point. Rien sur la manière dont Call of Duty a influencé l’industrie du jeu vidéo de façon majeure en définissant – pour le meilleur et pour le pire – ce que peut être un jeu « AAA » ou « blockbuster », ou comment le concept de « licence » s’est imposé pour s’orienter vers des jeux plus cinématographiques (créant ainsi la tendance actuelle générale). La quasi totalité des personnes interviewées sont « d’anciens » employés et se contentent de dire que leur jeu était vraiment bien, « you know, amazing writters, awesome scripts », tout ça tout ça. Une courte séquence abordant la violence reprochée par les autorités britanniques à la fameuse mission « No russian » de Modern Warfare 2 (dans laquelle il était demandé d’exécuter des civils dans un aéroport, en tant qu’agent infiltré chez les terrorises), qui semble plutôt être là pour donner une caution au reportage, alors qu’il y aurait eu beaucoup à dire sur le rôle de cette séquence dans le jeu, sur son impact médiatique et sur les messages que véhiculent obligatoirement les œuvres vidéo ludiques. Chose que l’industrie peine à faire de manière générale. Nada sur les résultats financiers en demi-teinte d’ Infinite Warfare. Que pouic sur l’influence qu’a eu le développement des mécaniques multijoueurs de Modern Warfare sur l’accroissement de la scène esport. Par contre on s’attarde soudainement sur l’esport lui-même, comme un cheveu sur la soupe en recherche de reconnaissance. La place des femmes dans la compétition est abordée! Bonne idée! Mais trop vite traitée également.

codumentary esport

Le cheminement du documentaire ressemble plus à une justification pour aborder l’esport et s’y attarder.

Si vous connaissez bien le monde du jeu vidéo et que vous suivez un peu ce qui se passe dans cette stratosphère, vous ne pourrez être que déçu par cette amuse-bouche qui vous laissera sur votre faim. A l’inverse, si vous êtes néophyte, le survol ne vous permettra pas de crocher au sujet, car rien n’est amené de manière poussée, à commencer par la chronologie des jeux ou le rôle de chacun des acteurs du développement.  Si partir des plages (réelles) de Normandie pour aboutir aux salles de LAN était une idée de mise en scène originale, on se serait, en revanche, bien passé du petit message militariste de fin, en l’honneur des vrais soldats qui se sont battues pour que le jeu puisse voir le jour. Je caricature, mais le raccourci n’est pas loin de celui-ci.

netsabes call of DutyBref, économisez-vous 7 CHF et investissez les plutôt dans l’excellent bouquin Call of Duty: les coulisses d’une usine à succès. Débauchage, espionnage et traîtrise de Sébastien Delahaye (Canard PC) qui explore de manière très précise, documentée et vulgarisée les dessous de cette saga. Passionnant, lui.

 

 

 

 

 

 

CODumentary: Durée d’une heure et demi, produit par Fizz Productions et distribué par Devolver.

Disponible sur Amazon, Steam, Google Play, YouTube Movies, DVD et Blu-Ray.

 

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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