Ô remake, mon beau remake, qui est le plus beau ? [Dead Space]

Savez-vous quelle est la différence entre un bon et un mauvais remake de jeu vidéo ? C’est très simple. Le bon remake de jeu vidéo, m’voyez, il est fidèle à l’œuvre originale, mais il le met au goût du jour. Le mauvais remake, quant à lui, il est fidèle à l’œuvre originale, mais il le met au goût du jour. Voilà une distinction claire, efficace et sans ambiguïté. Reste à savoir si le remake de Dead Space, chef-d’œuvre de l’horreur spatiale sorti en 2008, appartient à la première ou à la deuxième catégorie. La réponse à la fin de ce test. Ou pas.

2023, une année remarkable

L’année 2023 nous a livré plusieurs remakes de jeux marquants : Advance Wars 1 et 2 (dont nous débattions ici), Super Mario RPG, System Shock ou encore Like a Dragon: Ishin!. Nous pourrions même inclure Metroid Prime dans cette liste, modestement présenté comme un remaster mais véritablement sublimé. Trônant au sommet de cette liste, c’est le remake d’un classique horrifique qui s’est distingué : Resident Evil 4, que j’estime indispensable. Fait rare pour un remake, le jeu de Capcom s’est même vu nominé dans plusieurs catégories des Game Awards, dont celle du jeu de l’année. Sorti quelques mois plus tôt, Dead Space a également beaucoup fait parler de lui à sa sortie (surtout parce qu’il éclipsait Callisto Protocol), mais ne semble pas avoir autant marqué les mémoires. J’ai donc décidé de me livrer à un petit exercice de critique comparée.

 

Le remake, une voie de garage ?

Au commencement, était l’horreur

Pour commencer, rembobinons. En 2008, le studio Electronic Arts révolutionnait de manière inattendue le genre du « survival horror »  avec Dead Space. Sorti trois ans après Resident Evil 4, le jeu produit par Glen Schofield retenait le meilleur de son ainé tout en innovant considérablement. Mêlant horreur et action, adoptant une vue à la troisième personne collée à l’épaule du personnage, Dead Space ne se contentait pas d’appliquer un skin science-fictionnel à RE4.

 

Le USG Ishimura, le temple de l’horreur spatiale sublimé.

Angoisse diégétique

D’un point de vue visuel déjà, Dead Space s’affranchissait de toute interface. Exit le « hud » imprimé sur l’écran pour nous indiquer nos munitions, notre niveau de santé, ou une quelconque boussole pour indiquer la direction à suivre. Dans Dead Space, toutes ses informations apparaissaient à l’écran mais en étant intégrées à la diégèse.

L’autre immense originalité du titre résidait dans son stupéfiant travail sonore. Échos de bruits métalliques inquiétants, compression et silence dans les passages sans gravité, bruits de pas monstrueux dans les couloirs du vaisseau : jamais un jeu ne nous avait à ce point marqué les tympans. Grâce à ces aspects, Dead Space repoussait les limites de l’immersion horrifique et s’imposait comme un sommet de claustrophobie et de suffocation anxiogène.

 

Les jeux de lumière sont à tomber.

La beauté intérieure

Tout comme RE4, Dead Space n’avait à proprement parler aucun défaut majeur. Dans un cas comme dans l’autre, on pourrait penser que leur remake n’avait qu’à proposer une mise à jour visuelle pour rendre honneur à ces jalons du « survival horror ». Et pourtant, les choses ne s’avèrent pas si simples.

 

« En apesanteur, pourvu que les secondes soient des heures ! »

 

En « remakant » Resident Evil 4, Capcom a parfaitement compris que le diable se cachait dans les détails. La mise au goût du jour de RE4 n’a effectivement pas consisté en une simple élévation du jeu aux standards graphiques actuels. Personnage plus dynamique, possibilité de tirer en étant vraiment mobile, mécanique des couteaux totalement revue : ces retouches pouvaient paraître minimes, mais c’est elles qui permettaient de véritablement moderniser le jeu de 2005. Le rythme et l’équilibre entre action et horreur se voyaient ainsi repensés pour imposer une seconde fois Resident Evil 4 comme un jeu majeur de son époque, près de 20 ans après sa sortie.

Dans l’espace, personne n’entendra les FPS chuter

On ne peut pas vraiment en dire autant de Dead Space. La mise au goût du jour du jeu par Motive Studios (développeur des sinistres Star Wars Battlefront II et Squadrons) repose presque exclusivement sur un travail visuel. Certes, le jeu est splendide. Les environnements et les ambiances sont transcendés par une image au grain très cinématographique et des éclairages à vous décrocher la mâchoire. Cela pourrait presque suffire à nous combler, si les performances du jeu n’étaient pas aussi instables. Lors de nombreuses transitions animées, les images par seconde ont la fâcheuse tendance à dégringoler jusqu’à rendre le jeu injouable. Les mises à jour ont un peu diminué le problème depuis la sortie du jeu (c’est l’avantage de rendre ses tests en retard, note pour le chef), mais ce n’est toujours pas la panacée.

 

La simple animation lorsqu’on trouve une nouvelle arme suffit à rendre le jeu injouable.

À force de réinventer la roue, on risque de la rendre carrée

Contrairement au titre de Capcom, le remake de Dead Space ne bénéficie pas d’ajustements aussi fins dans sa jouabilité. Cela signifie-t-il que le jeu original était déjà excessivement moderne ? C’est très probable car, en l’état, Dead Space est toujours un excellent jeu. J’aurais toutefois apprécié que ce remake ne modifie pas le système de déblocage des armes qui possèdent désormais toutes un arbre d’améliorations à débloquer, soit ce qui se fait de pire en termes de modernité.

 

Il y a des douches dans ce vaisseau ?

 

Motive Studios semble également avoir à cœur de se mettre à un certain goût du jour, éditorialement ou politiquement parlant. Le casting de PNJ a effectivement été partiellement modifié pour inclure davantage de personnages féminins (dont certains sont désormais ouvertement homosexuels). De la même manière, les affiches qui tapissent les murs du Ishimura se veulent inclusives. Des changements qui auraient pu se justifier s’ils étaient accompagnés de modifications scénaristiques. Or ici, et contrairement à RE4 qui voyait sa trame modifiée, c’est une fois encore que cosmétique. Ces variations n’apportent strictement rien à l’histoire ou à la qualité du titre, et finissent ainsi par paraître tristement opportunistes.

Le jeu vidéo de patrimoine, ça existe ?

La démarche de Motive Studios pose une question de fond : une mise à jour presque exclusivement visuelle justifie-t-elle l’existence d’un remake (payé au prix fort, évidemment) ? Un jeu auquel les joueurs d’aujourd’hui joueraient « dans son jus » ne peut-il pas avoir une valeur de patrimoine ? Si tel n’est pas le cas, alors le jeu vidéo serait vraiment un art à part. Cinéma, musique, littérature, arts scéniques et art pictural ont tous su conserver et valoriser leurs grandes œuvres dans leur état d’origine. La composante technologique au cœur du médium vidéoludique pourrait être perçue comme faisant obstacle à cette culture de conservation.

 

Les jeux vidéo sont-ils condamnés à toujours être ringardisés par la technique ?

 

Pour sûr, le remake de Dead Space met le titre de 2008 au goût du jour. Je ne suis toutefois pas certain qu’il le fasse de la meilleure des manières. Et la question que nous nous posons désormais tous : qu’en sera-t-il du remake de Silent Hill 2 prévu pour cette année ? Les paris sont ouverts !

 

Note : 5 coupés sur 10 décalés

Testé sur PC, également disponible sur PS5 et Xbox Series

 

Author: Cygurd

Un jour, quelqu’un l’a appelé « Cygy ». Depuis, Cygurd boit son café matinal, aromatisé d’une lichette de whisky, dans le crâne de cet imprudent. Pourtant, il a un bon fond, à la base. Il aime la nature et vit dans un paisible hameau. En faisant jouer ses relations et son talent pour la filouterie, il s’est arrogé l’accès principal au réseau électrique du village. Ce ne sont pas quelques diminutions de l’éclairage public qui allait l’empêcher d’explorer des titres qui l’ont marqué à vie, comme Planescape Torment, Duke Nukem 3D, F-Zero GX, Monster Hunter World, Zelda A Link to The Past, ni de se découvrir une passion pour les jeux de From Software. Mais soucieux de son prochain, Cygurd organise régulièrement des sessions pour les enfants de son village et transmettre sa passion. Il sait que c’est ainsi qu’il préparera une fière et robuste relève. Il nous fait parvenir ses écrits et sa bonne parole par busards voyageurs, et ça, c’est la classe.

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