Après de remakes soignés (pour ne pas dire exemplaires) de Resident Evil 2 et 3, Capcom se devait de s’attaquer au gros morceau que représente Resident Evil 4. Ce retour en Espagne rurale chez les cinglés sectaires est-il à la hauteur du titre original ? Claro que sí !
Hasta la Revolución
Il y a des dates pivots dans l’histoire du jeu vidéo. Des titres qui ont marqué le début d’une nouvelle ère. Des jeux qui ont imposé un « changement de paradigme », comme disent ceux qui aiment galvauder des expressions sur les réseaux ou en société. Parmi ces jeux charnières, figure indiscutablement Resident Evil 4. Non content de marquer un renouveau dans la série des Resident Evil, le titre de Capcom a littéralement redéfini la grammaire des jeux de tir à la troisième personne (TPS pour les intimes). Et qui aurait pensé que c’était du côté de Nintendo que viendrait l’une des plus grandes révolutions du jeu d’action-horreur ? He oui, c’est bel et bien sur GameCube que sort initialement le jeu en 2005.
Jamais deux sans trois
Beaucoup considèrent Resident Evil 4 comme le meilleur épisode de la franchise. Et si Capcom était déjà parvenu à sublimer RE2 (2019) et RE3 dans des remakes de haute volée portés par le RE Engine, c’est tout de même avec une certaine fébrilité qu’était attendu ce remake du magnum opus. Meilleur est le jeu original, plus délicat est son remake, c’est logique. Après avoir capitalisé sur l’aura du jeu avec des portages sur Switch et sur Oculus Quest 2 ces dernières années, cette refonte complète a débarqué en 2023, soit trois ans après le remake de RE3.
Une série B avec des moyens de triple A
Côté scénario, rien n’a changé, ou presque. Si on trouve davantage de carnets à lire qui nous renseignent sur la genèse des évènements, la trame principale du jeu n’a pas bougé. Il s’agit toujours pour Leon Kennedy de secourir la fille du président des États-Unis, détenue dans un village espagnol reculé et habité par la secte des Illuminados. Soyez rassurés, on a toujours affaire à un croisement entre Escape frome New York de John Carpenter et The Wicker Man de Robin Hardy. À la différence près que tout ça se voit aujourd’hui transcendé par un splendide écrin. À la carte, on retrouve donc le même menu savoureux : insultes en espagnol, rituels obscurs, dialogues nanardesques, coups de pied retournés et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, marchand ambulant aussi mythique que mystérieux. Même si les puristes regretteront le changement de voix de ce dernier, on retrouve donc tous les éléments qui ont fait de RE4 un chef-d’œuvre.
Plus d’action, moins de frissons
Si Resident Evil 4 a marqué l’histoire du jeu vidéo (et continue de le faire), ce n’est pas pour son scénario, mais bel et bien pour sa jouabilité. En 2005, le jeu a redéfini le TPS en plaçant la caméra juste au-dessus de l’épaule du personnage. C’est bien simple, sans lui, pas de Gears of War, Dead Space, etc. Comme dans le titre de 2005, nous sommes donc face à un jeu qui mise largement plus sur l’action que sur l’horreur, ce qui était une première pour la série qui démontrait qu’elle était capable d’innover. Le résultat est toujours aussi jouissif et gagne même en dynamisme. Même s’il n’a pas la grâce d’une ballerine, Leon Kennedy s’avère moins lourd à manier et garantit des séquences plus nerveuses. Pour compenser et garantir l’équilibrage, les ennemis sont également plus véloces et plus agressifs. Même en mode de difficulté « normal », cela m’a valu quelques passages bien tendus. L’ADN horrifique de la franchise est tout de même présent. Si l’action a pour effet de diminuer le caractère anxiogène des opus précédents, l’atmosphère poisseuse et le bestiaire n’en sont pas moins horrifiques. En remplaçant les zombies par des sectaires illuminés, Resident Evil 4 opère un changement indéniable dans la série tout en restant fidèle à sa nature.
Le démon dans la peau
L’autre raison pour laquelle RE4 mérite toujours son titre de chef-d’œuvre est sa gestion du rythme. Malgré sa durée (il s’agit de l’épisode le plus long de la franchise, il m’a fallu 16 heures pour en voir le bout), le jeu est extrêmement bien rythmé. Chaque chapitre est parfaitement maîtrisé, limite les allers-retours, renouvelle aussi bien les environnements que l’expérience et empêche la lassitude. Surtout, chaque heure de jeu ou presque est ponctuée par un cliffhanger nous incitant poursuivre. Bien des séries télévisées pourraient en prendre de la graine…
Increvable
C’est une évidence : Resident Evil 4 est indémodable. Grâce à cette version 2023, il parvient à rappeler qu’il est non seulement le géniteur, mais toujours le patron du TPS actuel. Quel plaisir immense que de retrouver ces armes au feeling percutant, parmi lesquelles l’un des fusils à pompes les plus mémorables de tous les temps ! Et si ma préférence va malgré tout au premier Resident Evil (un des jeux les plus importants dans ma vie de joueur), il est talonné de très près par cette virée chez les cinglés hispaniques. A posteriori, on remarque d’ailleurs à quel point le dernier RE en date, VILLAGE, marchait dans les pas de ce 4e épisode en termes d’ambiance. Il était en tout cas le premier à miser sur l’exotisme qui se verra ensuite renouvelé par ses suivants (oui, d’accord, si on fait abstraction du catastrophique RE6).
Les bons et les mauvais remakes
J’ai beau souvent pester contre la vacuité et la flemmardise que représentent certains remakes, il faut admettre que Capcom démontre depuis 4 ans que l’exercice peut largement valoir la peine. Au terme de ce RE4, on se demande donc forcément quel sera le prochain titre de la série à bénéficier de cette cure de jouvence. Je ne veux pas vous gâcher la surprise, mais la cinématique inédite de fin pourrait bien contenir un indice…
Note: 10 Plaga sur 10
Testé sur PC, également disponible sur PlayStation 5 , PlayStation 4 et Xbox Series.