« Mais pourquoi t’infliges-tu ça ? », me demande Mush à chaque fois que je lui parle de Resident Evil. C’est vrai que je me questionne aussi régulièrement sur les raisons qui me poussent à retourner affronter la terreur dans les jeux de cette saga. Quelque chose qui prend par surprise, ça fait peur non? BOUH!
Resident Evil, c’est pour moi d’abord une image au verso d’un vieux magazine Playstation : un artwork dégueulasse d’un soldat dans une salle pleine d’araignées géantes. Cette photo datant de la sortie du tout premier épisode de la série m’avait déjà intrigué. C’était à la fin des années 90 et aujourd’hui Resident Evil Village (RE8) en est le huitième à valeur « canonique ». Que de chemin parcouru.
Il était un foie…
Avant de vous lancer dans cet opus, je vous recommande fortement de jouer d’abord à Resident Evil 7: Biohazard, puisque Village en est la suite directe. Même si le jeu propose un résumé des événements précédents, le septième volet mérite toute votre attention. Ne serait-ce que pour son ambiance nouvelle et sa réinterprétation des codes du genre. Dans l’introduction du nouveau venu, on apprend que notre personnage principal, Ethan a suivi un entrainement militaire depuis la fin de son aventure précédente, en Louisiane. Ce qui explique son meilleur maniement des armes dans cet opus. Mais ce n’est de loin pas ce qu’il a de plus déconcertant.
Avec RE8, on ne parle même plus de virage à 180°, mais d’un grand huit avec loopings. Adieu le décor poisseux du bayou ; bonjour les montagnes rigoureuses de l’Europe de l’Est. Au revoir ambiance pesante inspirée des slasher dégénérés du cinéma ; bienvenue aux bons vieux mythes de l’horreur d’antan. Les zombies mutants laissent alors leur place aux loups-garous, vampires et autres poupées maléfiques.
Je dois reconnaître que j’ai mis un moment à me faire à cette approche. Pendant les premières heures, j’avais plutôt l’impression d’incarner Simon Belmont dans une énième traque au comte Dracula. Ou Ash, se retrouvant catapulté au Moyen-Âge dans Evil Dead 3. Mais l’ambiance si prenante a suffi à me faire accepter ces changements. Et à en redemander! Resident Evil Village s’éloigne bel et bien des codes du survival horror, pour devenir ce qu’on pourrait appeler un action-horror. Les puristes pourraient en être déstabilisés, mais pour moi cette transition fonctionne.
Village, village
Plus loin que la nuit et le jour
Historiquement, j’ai joué à Resident Evil premier du nom, à Code Veronica, à l’épisode 0, au 4 et au 5. Ce dernier m’avait complètement dégouté de la série, avec ses situations atteignant un niveau d’improbabilité maximum. Je m’étais alors laissé tenter par le revirement opéré par RE7: Biohazard et je ne l’ai pas regretté. Village se veut plus proche du quatrième, notamment avec le retour d’un marchand auprès duquel on doit se fournir en arme, soins et munition. Même si ces dernières ne viennent pas vraiment à manquer, il convient tout de même de garder un œil sur son stock. On est donc loin de l’angoisse du chargeur vide des premiers jeux.
Divisée en plusieurs zones distinctes et une sorte de hub central (le village), l’aire de jeu s’explore dans l’ordre prévu par le scénario. Mais chaque secteur renouvelle l’expérience et fait appel à des mécaniques de jeux différentes. On a alors presque l’impression de plusieurs jeux regroupés en un seul. Mais sans non plus balancer la cohérence aux oubliettes. À l’exception du chapitre se terminant dans une usine, rendu pénible par une approche trop shooter et un level design à la ramasse, j’ai adoré plonger dans chacune de ces ambiances.
Je l’ai pas encore précisé, mais ça va de soi: Resident Evil Village est un jeu pour adulte. Il contient de nombreuses scènes de sévices corporels, de mutilation, de morts violentes et de monstres qui font vraiment peur. On tient là un bon exemple de comment le fait de mettre des mots sur ce que nous vivons face à un écran permet d’atténuer les ressentis émotionnels. J’ai ainsi remarqué à quel point on se sentait mieux après avoir pu échanger par messages interposés lorsque l’on traverse une scène volontairement déplaisante. Toute grotesque soit-elle.
C’est de cette manière, qu’après y avoir joué tous les deux, Teiki et moi sommes persuadés que les développeurs de Capcom ont un problème a régler avec leurs mamans et la natalité… [NDTeiki: on va organiser une thérapie de groupe avec les dévs de Little Nightmare] [NDZyvon: Et vous c’est quoi votre problème pour jouer aux résultats de leurs psychoses, hein?]
La frousse aux trousses
Ah alors ça, vous ne vous l’attendiez pas hein?! Une comparaison entre Resident Evil et Spirou & Fantasio! Je vous mets au défi de trouver n’importe quel test de Resident Evil 8 ailleurs qui aborde les choses sous cet angle. Ah, ça vous la coupe, hein! Oui, un peu comme les membres d’Ethan dans le jeu. Tout comme la fameuse série de bandes dessinées franco-belge, celle des Resident Evil semble traverser les âges et opère des changements radicaux selon qui en est aux commandes.
Si on compare les albums originaux du groom rouquin avec les derniers, on constate qu’il n’y a parfois plus grand-chose à commun. Y compris les personnages principaux eux-mêmes. Les auteurs se sont ainsi succédé au fil des ans, apportant à chaque fois leurs visions. Et dans le cas de Resident Evil, laissant des traces dans la culture vidéoludique, même là où on ne l’imaginerait pas.
Resident Evil suit un cheminement semblable, au gré des directeurs et producteurs. Si Village semble déphasé avec ce dont on avait l’habitude, c’est aussi parce que Capcom s’autorise un contre-pied bienvenu. L’accointance avec le cinéma est toujours présente, mais en s’éloignant de certains styles propres aux premiers opus. L’inspiration se fait alors selon les tendances actuelles. Le choix de la première personne dans RE7 est ici conservé et accentue le sentiment d’immersion psychologique. Ne pas rester figé dans son carcan et s’ouvrir à de nouvelles perspectives, voilà qui devrait parler à tant de franchises. T’entends ça, Battlefield? (qui prend ici pour tous les autres).
Ceci écrit, Il ne faut pas rêver non plus, RE demeure une licence « absurde « . On est sur une couche de rationnel aussi épaisse que le « Code de déontologie des influenceurs Instagram ». C’est du gros n’importe quoi. Au cinéma, on serait immédiatement dans le registre du nanar de compét’. Haha, vous imaginez si quelqu’un voulait adapter Resident Evil en film ? Ça marcherait jamais.
La petite émotion dans la prairie
Resident Evil Village a confirmé la sortie de la franchise de sa zone de confort – qui sentait le renfermé jusqu’à l’épisode 6 – d’un coup sec et m’a également extirpé hors de la mienne. C’est le genre de sensation de surprise que j’aime trouver en jouant à un jeu vidéo. Ce huitième épisode canon déboule sur le devant de la scène à une période où il n’y a pas grand-chose à lui opposer en termes de concurrence [NDTeiki: je réfute, la concurrence est bien là, mais cachée]. Ceci explique probablement une partie de l’engouement dont il a été l’objet sur les réseaux et streams. Mais ça n’enlève rien à ses qualités intrinsèques, y compris les aspects graphiques exploitant superbement bien les performances de la next-gen.
Le semblant de salon E3 se déroulant en ce moment, a d’ailleurs été l’occasion de confirmer l’arrivée prochaine d’un DLC, suite à cet accueil dépassant les espérances. Si RE8 n’est pas à mettre entre toutes les mains, je mets la mienne à couper qu’un neuvième volet devrait débouler dans trois ou quatre ans.
Note: 9 Van Helsing sur 10
Testé sur PS5. Disponible également sur PS4, Xbox One et Series X|S, PC et Stadia.