Voilà un jeu qui a alimenté bien des fantasmes. Les fantasmes d’un ancien adolescent ayant grandi dans les années 1990, s’entend. Biberonné à Doom, Duke Nukem 3D et aux wargames consistant à peindre puis se faire s’affronter des armées de plomb, un rétro FPS dans l’univers de Warhammer 40K représentait forcément pour moi une épiphanie. Sitôt sorti, voilà Warhammer 40’000: Boltgun installé. Je me rue illico sur mon sacrosaint combo « clavier+souris », règle le son de mon casque sur 11 et m’apprête à goûter à la madeleine de Proust la plus régressive qui soit, forcément la plus jouissive. Un an plus tard, le test de ce qui devait être mon jeu de l’année 2023 n’est toujours pas publié. Le problème avec les fantasmes, c’est qu’ils n’engagent que ceux qui les nourrissent.
Le bon filon
Les développeurs de Warhammer 40’000: Boltgun l’ont bien compris, la génération des enfants ayant grandi dans les années 1980-90 possède désormais un vrai pouvoir d’achat. Des milliers d’anciens enfants frustrés avec les moyens de s’offrir tout ce que leurs parents leur refusaient il y a trente ans, ça s’exploite ! Il n’y a donc pas que sur Netflix qu’on trouve des produits qui tirent la corde de la nostalgie de la fin du dernier millénaire.
Depuis quelques années, le pixel art est devenu un genre en soi. Un genre qui gagne depuis peu le FPS, donnant lieu à un nouveau courant: le « rétro FPS », également surnommé le « boomer shooter ». Du bon vieux « Doom-like » quoi ! Dusk, Amid Evil, Iron Fury, Cultic, etc. On ne compte plus les titres qui tentent avec plus ou moins de succès de renouer avec l’ADN des premiers FPS. Ce contexte offrait donc l’opportunité rêvée de corriger une erreur de l’histoire ; nous servir le Doom-like dans l’univers de Warhammer 40K que nous n’avons jamais eu. Warhammer 40’000: Boltgun s’imposait alors comme une évidence.
Nettoyage au Boltgun
L’éditeur français Focus Entertainment et les développeurs britanniques d’Auroch Digital nous proposent donc d’incarner Malum Caedo, un Ultramarine vétéran. Marchant dans les pas d’un certain Capitaine Titus (le protagoniste de Warhammer 40’000: Space Marine), notre Ultramar’ est envoyé par l’Inquisition pour purger le monde forge de Graia. Il semblerait que les expérimentations locales de techno-prêtres aient ouvert des failles dans le Warp, de quoi déverser sur nous des avalanches d’abominations du Chaos. Ça tombe bien, on a justement le Boltgun qui démange.
Du sang et des pixels
N’abordons pas tout de suite les sujets qui fâchent. Les développeurs de Boltgun ont parfaitement compris ce qui fait le sel de l’univers de Warhammer 40K. Univers gothico-industriel grimdark, ultraviolence continue, arsenal bien fourni, bestiaire composé de suffisamment d’abominations de Nurgle et de Tzenntch ; rien ne manque. Surtout, le tout est visuellement parfaitement pixelisé. Parmi les titres évoqués plus haut, nous avons affaire à l’un des rétro FPS les plus fins (visuellement parlant, s’il fallait encore préciser).
Gloire à l’Empereur !
Petit plus qui ajoute au moins trois points à la note, les développeurs ont pensé à une touche à punchlines impériales fanatisées. À volonté, le joueur peut presser « T » pour activer l’une des innombrables louanges martiales adressées à l’Empereur. Pour certains, cela représente un argument suffisant de considérer Boltgun comme étant supérieur à Darktide, et ils ont raison !
Pardonnez-moi Empereur, je vais pécher
Si Boltgun s’avère généreux en quantité (comptez une dizaine d’heures pour en voir le bout), c’est en termes de qualité qu’il laisse à désirer. Mécaniquement, le titre se contente de répéter la recette de base qu’a su redynamiser Doom 2016. Le titre se résume à peu près à une succession d’arènes que viennent inonder des vagues d’ennemis.
Mon Bolter n’est pas assez lourd
On jongle alors entre les différentes armes à distance pour en venir à bout, on active une ruée pour se précipiter vers le menu fretin qu’on souhaite abattre d’un coup d’épée tronçonneuse. Des cadavres jaillissent des munitions, de la vie et de l’armure (appelée « mépris ») en abondance. C’est classique, efficace, mais ça manque un peu d’originalité. Surtout, les sensations procurées par les armes manquent de percutant. J’aurais aimé davantage sentir le recul du Bolter Lourd, sentir le Plasma Gun me cramer les mains et voir l’épée tronçonneuse me procurer des sensations plus rugueuses au contact des os des ennemis.
Le tout manque cruellement de pesanteur, et j’en viens à me dire que Warhammer 40’000: Boltgun se veut un peu trop fast-FPS, au point d’en oublier de nous faire ressentir le poids de notre armure énergétique. Malheureusement, la déception ne vient pas uniquement des sensations procurées par le jeu.
Le labyrinthe qui s’oublie
La principale faiblesse de Boltgun repose dans son level design, pas loin d’être raté. L’exploration rend l’expérience assez pénible. Il est par exemple très difficile de se repérer dans les niveaux. Les couloirs se ressemblent tous, au point de ne plus savoir si on a déjà emprunté tel ou tel ascenseur. Le problème ne vient pas de l’absence de map, mais de talent dans le design des niveaux pour rendre leur exploration instantanément naturelle. Il ne suffit pas d’organiser le tout avec des portes et des clés colorées pour reproduire le miracle de Doom, il s’agit de donner au joueur des repères à la fois discrets, mais évidents pour que l’orientation lui paraisse naturelle. Ce qui est très loin d’être le cas ici.
Les développeurs se sont apparemment rendu compte du problème, puisqu’ils viennent de déployer une mise à jour nous permettant d’activer un marqueur d’objectif accompagné d’un tracé au sol d’une simple touche. Alors oui, ça aide, mais ça ne rend pas les niveaux plus organiques.
La guerre sans symphonie
Dernier point noir au tableau, et pas des moindres, l’absence totale de musique marquante. C’était pourtant devenu une évidence : même les jeux les plus mauvais dérivés de la franchise Warhammer 40K nous gratifiaient au moins d’une musique épique. Rien de tout ça dans Boltgun, dont l’OST nous livre du rock à papa, pas déplaisant certes, mais loin du lyrisme symphonico-martial qui aurait pu nous hypnotiser lors de nos sessions de jeu.
Du Space Marine viendra le salut ?
Il m’aura fallu du temps pour livrer ce test, parce qu’il a fallu que je me rende à l’évidence : Boltgun n’est pas le rétro FPS de mes fantasmes. Croyez-le, cela me coûte de le dire et je crains toujours la sanction de l’Empereur pour oser formuler une telle hérésie. Et ne me demandez pas ce que vaut le DLC, je n’ai pas eu envie de prolonger l’expérience. Allez Focus, maintenant vous nous livrez un Warhammer 40’000: Space Marine 2 d’anthologie et tout sera pardonné.
Note : 5 hérétiques / 10
Testé sur PC. Également disponible sur PS4 & PS5 et Xbox One & Xbox Series X/S, Nintendo Switch