Disponible depuis le 2 juin 2021, Sludge Life est un jeu d’aventure et une simulation de vandalisme urbain. Édité par Devolver Digital, le jeu a été développé par Terri Vellmann et le rappeur Doseone, qui signe également la bande originale. Véritable ovni vidéoludique, subversif, transgressif et régressif, un mix entre South Park et Beavis & Butthead, le tout dans un contexte hip-hop intrigant et innovant.
Vis ma vie de voyou
Dans Sludge Life, vous incarnez Ghost, un jeune tagueur jovial et épanoui en quête de reconnaissance artistique. Vous vous baladerez en vue subjective dans un monde ouvert minuscule à la recherche de spots à taguer, de clopes à voler et de fonds de bières tièdes à finir, dans un univers cartoonesque et psychédélique. Vous pourrez également discuter à loisir avec moult PNJ grincheux, tous plus barrés les uns que les autres, jouer au basket et gober nombre de champignons hallucinogènes. Tout cela me rappelle pas mal une partie de mon adolescence. Votre mission, que vous l’acceptiez ou non, sera de marquer de votre empreinte tous les murs scriptés prévus à cet effet. Une ballade résolument sympathique dans les rues anarchiques d’une cité étrange.
À la fois encerclée et couverte de mucus gris, la ville de GUGG City n’en est pas moins pleine de vie. Entre les forces de l’ordre qui violentent les grévistes (et les tagueurs qui s’approchent trop près, le CRS étant une espèce territoriale) et les citoyens laissés à l’abandon, l’aide que vous pourrez attendre sera plus que limitée. Seul le personnel soignant (coïncidence?) est d’une utilité sans faille dans ce monde bizarre. Lors de chaque déconvenue, ils seront là à votre réveil, après vous avoir remis sur pied. Toutefois, écouter les inepties des habitants s’avérera parfois intéressant, tant pour décrypter votre environnement que vos objectifs. Parlez-leur à tous, c’est rarement déterminant, mais toujours amusant.
Jump Around…
Le gameplay m’a immédiatement fait penser à Jumping Flash (Sony Interactive Entertainment, 1995). auquel je n’avais pourtant joué que deux fois dix minutes il y a plus de vingt ans. Toutefois, les similitudes des sensations psychédéliques inhérentes à ce genre de concepts m’ont littéralement sauté à la gueule. Les phases de plate-forme lunaires à la gravité improbable sont étonnement intuitives. Et bien qu’étant moi-même très nul dans ce domaine précis, j’avoue avoir pris du plaisir à escalader des immeubles en construction et des toitures d’usines, tel un justicier sous acide.
Car oui, parlons-en de la drogue, hein ? Le zoom, qu’on pourrait assimiler au psilocybe, vous propulsera dans des voyages chamaniques durant un court laps de temps, vous permettant d’explorer des zones difficiles d’accès. La consommation de slug, sorte de limaces fluorescentes, serait très probablement également prohibée dans un monde comme le nôtre. Enfin, votre avatar fumera quantité de tabac (à moins que ce ne soit des cigarettes qui font rire. je n’ai pas trouvé d’info déterminante sur la question) et ingurgitera autant d’alcool que possible. Rappelons que ces substances sont dangereuses pour la santé et que Sludge Life est déconseillé au moins de 17 ans. Du coup, ça s’annule.
Olé, Uno, Etc…
Toutes les musiques d’ambiance de Sludge Life se justifient dans sa diégèse. Si vous entendez du gros son, c’est qu’un PNJ équipé d’une radio ou d’un ghetto blaster se trouve aux alentours. La bande originale est principalement constituée de beats électro-hip hop à la rythmique lente, propices à l’introspection. Le Sound design est également très immersif et participe à l’ambiance voulue par les développeurs (du moins, j’imagine). Côté graphismes, on est sur du rétro qui peut piquer les yeux quand on découvre, mais qui passe facile quand on est pris dans le jeu. Le tout est cohérent avec la direction artistique choisie. On regrettera toutefois de ne pouvoir personnaliser ses graffitis, même s’il est aisé d’imaginer à quel point ça aurait compliqué le développement.
Concernant les environnements, on se croirait dans les fantasmes d’un pré-ado qui a découvert le rap jeudi dernier. Une barre HLM, des zones industrielles, un fast-food, un terrain de basket, d’immenses panneaux publicitaires qui ne demandent qu’à être repeints, tout y est. C’est à la fois très réducteur et extrêmement fun, transpirant l’amour du genre comme un clip de Cypress Hill. Les figurants de ce monde sont aussi fantasques et stéréotypés que l’ambiance générale et leurs expériences ne dépareilleraient pas dans un épisode de Strip-tease sur France 3 (laisse un commentaire si toi aussi tu es vieux).
The good, the bad & the weird
Sludge Life dispose de trois fins différentes. Toutes sympathiques et toutes atteignables en trois minutes en speed run, preuve à l’appui sur YouTube. C’est le principal reproche que j’ai lu sur le jeu, sa durée de vie. Je ne suis pas fan du théorème selon lequel la valeur d’un jeu se résumerait en une règle de trois, en divisant le prix par le nombre d’heures jouées, dans le but d’obtenir un ratio coût/minute des plus efficients. Comme dirait Monsieur Plouf : l’intensité est au moins aussi importante. Malgré tout, ce jeu est court. Six heures suffiront largement à terminer la trame principale et une ou deux heures de plus pour finir l’opus à cent pour cent. Je vous conseille donc de l’acheter en solde (oui, j’ai tout à fait conscience d’être un genre de génie du capitalisme).
Wildstyle
Sludge Life est un jeu radical, c’est le moins qu’on puisse dire. Son concept, ses thèmes et sa direction artistique laisseront probablement beaucoup de joueurs de marbre, voire les agaceront. Cependant, les amateurs y trouveront exactement ce qu’on leur a promis, le fun en plus. On est très loin du réalisme d’un Marc Ecko’s Getting Up (Akella, Atari et Devolver Digital, encore eux, 2006). Néanmoins, le décalage est assumé, l’aventure intéressante et le plaisir concret. Tout cela me semble soutenir le propos du titre, que je me garderai bien de vous spoiler. Ce qui se passe à Gugg City reste à Gugg City.
Note : 7 Nitro2G/10
Testé sur PC, disponible également sur Switch