Minecraft serait à ce jour le jeu vidéo le plus vendu de l’histoire. Mais pas forcément le plus rentable. Après l’avoir racheté en 2014 pour 2,5 milliards de dollars (avec l’accent), il s’agit maintenant pour Microsoft de rentabiliser ces cubes de pixels. Ils auraient tort de se priver, ceci dit. Mais on ne réinvente pas la roue aussi facilement, surtout quand elle est cubique.
Je suis tendu en ce moment. Tout ça parce que je passe mes soirées à essayer de terminer God of War Ragnarök à 100%. Et alors ce tout dernier boss, après la fin du jeu, me met dans tous mes états. J’y arrive pas, ça me gonfle! Il faudrait une fois que je vous parle de la gestion des émotions dans le jeu vidéo. Parce que là, quand on échoue pour la quarante-sixième fois, alors que tout le reste du jeu n’était pas du tout aussi difficile et quand ça vous monte à la tête, c’est… Ah, non, mais une autre fois, là c’est pas le sujet. J’ai donc besoin de calme, de nature et de petits lapins choupis. Minecraft Legends me semble alors tout indiqué.
Faire rentrer un carré dans un cercle
Et pourtant! Je commence déjà par m’énerver avec le Microsoft store. En principe, si vous achetez le jeu via votre console, votre PC, ou l’application, vous devriez pouvoir jouer sur n’importe lequel de ces supports. Là, en utilisant le code envoyé par Microsoft, le jeu n’apparaissait nulle part. J’ai dû chercher (trop) longtemps comment le retrouver dans ma bibliothèque PC (Microsoft Store), puis l’utiliser l’application pour qu’il l’installe sur la console. Parce que cette dernière n’identifiait pas le jeu comme acquis. Microsoft, pensez à mes nerfs fragiles, merci. Donc faites bien attention, il n’est pas nécessaire d’acheter le jeu sur chaque plateforme.
Une fois cette épreuve mentale passée, me voici maintenant dans le monde merveilleux (et cubique) de l’Overworld (ou Surface, en langue de Maître Gims). Mais attention, bye bye jeu de survie et de construction, avec Minecraft Legends, on fait place à la gestion. Et un peu de construction. Et un peu de survie. Avec des cubes. Mais c’est pas pareil, puisqu’on y incarne un champion, qui connait l’univers de Minecraft sous toute ses coutures. Une métaphore à peine déguisée des joueurs qui ont ripoliné le jeu de Mojang depuis toutes ces années. Bref, Microsoft cherche à vous mettre des paillettes dans la vie et du scénario dans votre Minecraft.
Dans le cochon tout est furibond
De vils Piglins viennent perturber le calme ambiant, en ouvrant des portails depuis le Nether. Ils déversent des créatures maléfiques, mais néanmoins porcines. Celles-ci corrompent la nature, mettent le feu et font des barbecues des petits lapins. Le but du jeu est alors de mener des batailles contre différents campements pour reprendre le contrôle de la carte. Minecraft Legends propose, de manière assez cohérente et efficace, une succession de phases de jeux différentes. On va y retrouver pêle-mêle, du Pikmin, du jeu Lego, du Fortnite, du Tower Defense, de la stratégie en temps réel, de la gestion, de la survie et de l’exploration.
Des villages de pauvres péons sont régulièrement attaqués. Pour les protéger, il faut construire des défenses, des palissades, des bâtiments de réparation, ainsi que des générateurs d’unités (différents types de soldats auxquels on donner des ordres, mais j’y reviendrai). Pour bâtir tout ça, il faut des ressources, identiques à celles du Minecraft d’origine: bois et pierre pour commencer, puis fer, redstone, charbon, etc. Mais on ne mine plus dans Minecraft Legends. Ce sont des ouvriers qui le font pour nous. Il suffit de trouver un endroit disposant des ressources, on donne l’ordre de les récolter et on peut vaquer à d’autres occupations. Comme celle de décorateur d’intérieur de village, par exemple. On pose des clôtures pour gentrifier juste ce qu’il faut, mais pas trop non plus, on veut garder la racaille à l’extérieur. Métaphore à peine déguisée pour… hum, non pas là.
L’armée de terre rechute
Puis, vient le moment de monter une milice. Chaque unité (golem) a un cout en ressources et on est limité en nombre maximal de bouches à nourrir (comme une valeur d’armée dans Starcraft 2, par exemple). Chacune a également des statistiques propres, permettant d’alterner entre du corps à corps, du combat à distance, du soin, des dégâts de zone, etc. Finalement, on peut décider de laisser les troupes sur places pour défendre en cas d’attaque (qui arrivent chaque soir), ou les embarquer, à l’assaut des bases ennemies.
Principe intéressant, rendant hommage à la tradition de Minecraft voulant qu’on puisse construire où on veut comme on veut, il est tout à fait possible de construire des générateurs d’unité, ou d’autres bâtiments, à proximité des campements adverses. Permettant alors de disposer de piétaille nouvelle si la nôtre se fait décimer. Notre champion prend alors le rôle de général et peut donner des ordres aux troupes (que l’on peut répartir selon leur type). Un peu comme dans Pikmin. Il a fière allure sur son destrier, l’épée à la main, en première ligne. Chose que je n’ai pas comprise tout de suite: notre héros ne peut attaquer que les soldats ennemis, pas les bâtiments. Donc ça ne sert à rien de taper dessus. Ceci, c’est le travail de nos golems.
C’est golem royal
Je dois dire que j’ai été agréablement surpris par le côté novateur de Minecraft Legends, dont je n’attendais pas grand-chose, c’est vrai. L’exploration de la Surface et l’alternance des phases de jeu se fait de manière très agréable, sans trop de stress, avec une musique relaxante. Et les petites scènes narratives qui viennent entrecouper la progression sont plutôt marrantes (tout à fait dans l’esprit cabotin des jeux Lego). Les combats ne sont pas évidents et assez vite répétitifs.
Surtout que l’intelligence des golems est assez catastrophique. Entre ceux qui ne bougent pas quand on leur donne une direction, ou les archers qui ne décochent pas sur des ennemis pourtant à distance de tir, et la nécessité de sélectionner continuellement les unités que l’on veut diriger en plaçant notre champion à côté, tout ça manque de fluidité. Mais le pire, c’est une absence quasi totale de path-finding. Quand on donne un ordre de marche, il est impossible pour les golems de trouver leur chemin par eux-mêmes si on ne se place pas directement à côté d’eux.
Alliance des gauches
A côté de son mode campagne, Minecraft Legends est pensé pour être joué à plusieurs. Si je n’ai pas encore pu essayer la coopération à deux, trois ou quatre joueurs (qui promet d’augmenter l’intérêt en répartissant les tâches), j’ai pu en revanche tester les escarmouches avec d’autres journalistes regroupés sur un serveur Discord. Un plan qui se déroule sans accroc? Pas tout à fait, le jeu ne proposant pas de chat écrit la communication passait mal avec ceux ou celles qui ne souhaitaient pas activer leurs micros.
Tu mets sur pause, maintenant !
Je me suis plutôt bien amusé avec ce Minecraft Legends, pourtant il y a un hic. Pas besoin d’être un grand expert en jeu vidéo pour savoir que Minecraft est un jeu populaire auprès des enfants. Mais également chez les parents, qui voient d’un bon œil le fait que leurs bambins construisent des choses plutôt qu’ils ne se tirent dessus-pan-pan-boum-boum. Alors sortir un jeu estampillé Minecraft semble logiquement s’adresser au même public et à n’en point douter, les parents achèteraient en toute confiance un autre jeu avec le même logo, ou le même nom.
Pourtant, Minecraft Legends n’est pas un jeu pour enfant. Premièrement, le principe du jeu est finalement assez complexe et nettement moins accessible intuitivement que celui de son illustre aïeul. Deuxièmement: on ne peut pas mettre pause. Même en mode solo, le jeu continue lorsque l’on ouvre les menus, qu’on regarde la carte ou qu’on appuie sur Escape. Et troisièmement, mais pas des moindres, le jeu s’ouvre sur une boutique pleine de microtransactions. Dans ce shop, il est possible d’acheter des objets cosmétiques. On y trouve aussi des scénarios supplémentaires à venir, mais ça sent un peu la « quête journalière ». Aucun doute sur le fait que Microsoft regarde d’un œil envieux les ventes de skins ou autres accessoires de Fortnite. Rappelons d’ailleurs que ce dernier est gratuit contrairement à ce Minecraft Legends (40 CHF pour l’édition de base).
Cube de l’été
Pour ces trois raisons, j’ai du mal à recommander Minecraft Legends pour des enfants. Quand on crée un produit de ce type, on s’adapte à son public. On sait que les enfants ont dû mal à lâcher une partie en cours de route, c’est parfaitement normal. Mais ne pas proposer la fonction basique de mettre sur pause, n’a aucun sens! C’est proposer un Zippo tout neuf à un pyromane. Et le coup des microtransactions, quand on sait que le public sera forcément en majorité des enfants, c’est pas très très malin. Ou au contraire, très vicelard. J’ai aussi noté des problèmes de voix qui se chevauchent au moment de l’obtention d’une information importante, ou un dialogue qui se lance sans rapport avec ce que l’on fait. Mais j’imagine que cela pourra être corrigé dans un prochain patch.
Dommage, parce qu’en soit Minecraft Legends n’est pas inintéressant et propose même des idées assez plaisantes. Mais il y a « tromperie » sur la marchandise et j’en suis fort marri. Le jeu ne peut pas s’adresser à des enfants. Pour des adultes, je pense que ça vaut le coup de s’y essayer (surtout si vous êtes abonnés au Game Pass), mais sans trop d’attentes non plus.
Note: 5 néo-cubismes sur 10
Testé sur PC. Également disponible sur Xbox One et Series X|S, Playstation 4, Playstation 5, Switch et tout ça est cross-plateforme.