Un homme à tout fer [Marvel’s Iron Man VR, PSVR]

Et si on jouait à être quelqu’un d’autre? Est-ce que ce n’est pas le propre du jeu vidéo? Qui est partant pour devenir un génie, milliardaire, play-boy, philanthrope, avec une armure qui vole?

On le sait tous, il n’y a même pas matière à débat : le plus fort c’est Batman. Mais tout comme l’homme chauve-souris de DC a eu droit à sa simulation en réalité virtuelle, le nanti de l’écurie Marvel enfile aussi son casque. Heureusement, Iron Man VR dispose de nettement plus de contenu que ce pauvre Bruce Wayne qu’on accompagnait pas plus d’une heure. C’est la malédiction qui se répète comme au cinéma? Ce qui est certain, c’est qu’en étiquetant les jeux avec le nom de leur marque, Marvel pousse l’extension de la fidélisation d’un public. Celui déjà conquis avec les films et le développement de la franchise « Marvel Cinematic Univers ».

Rassemblement !

Ainsi, il y a deux ans, vous n’avez pas joué à un quelconque jeu estampillé Spider-Man, mais au (très bon) Marvel’s Spider-Man. Exactement comme pour le septième art, Marvel regroupe ses moutons et les fait marcher en file bien alignée. Les droits d’adaptation de Spider-Man et des X-men sur grand écran, par exemple, qui avaient été cédés à Sony et 20th Century Fox, reviennent, plus ou moins directement, dans le cheptel de la maison mère. C’est une volonté d’affirmer un gage de qualité (présumé).

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Les sons émanant de l’armure sont très proches (identiques?) à ceux entendus dans les films.

La stratégie se répète et le schéma en est presque surprenant de similitude pour les jeux vidéo. Rappelons que la trilogie Spider-Man de Sam Raimi avait démontré que les films de superhéros pouvaient attirer une large audience. Puis Iron Man a porté à lui seul le lancement de la grosse machine bien huilée de l’univers Marvel, avant que le phénomène Avengers ne devienne un rouleau compresseur. Le chemin est le même dans sur nos écrans de joueurs. D’abord l’homme-araignée en 2018, maintenant l’homme de fer et cet automne débarquent Marvel’s Avengers chez Square Enix. Coïncidence? Je ne crois pas. Bravo, vous avez bien suivi. Enfilons ce casque VR.

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On se dirige principalement en orientant les mains, et le regard aide un peu, mais son impact mériterait d’être augmenté pour plus de fluidité.

Fer l’infini et au-delà.

Comme tous les tests de jeux VR, tout commence par une histoire de câbles à démêler et à rebrancher. Une fois cette tâche fastidieuse accomplie et promesse faite à Madame que ces câbles ne resteront pas trop longtemps au milieu du salon, je suis prêt à me couper du monde extérieur. Dans Iron Man VR, ah pardon : dans Marvel’s Iron Man VR, j’incarne Tony Stark dans son armure de combat. Donc je porte un casque pour jouer un type qui met un casque. Comme mise en abîme, ça se pose là (voir encadré).

L’action se déroule cinq ans après que Tony ait été emprisonné en Afghanistan et ne soit ressorti de sa caverne sous l’identité d’Iron Man. Il est donc temps pour lui de dire adieu au marché des armes. Il s’apprête à mettre sous clé les derniers éléments qui le reliaient à ce commerce, quand son avion est attaqué en plein vol. Commence alors une scène de chute libre plutôt efficace à la poursuite des pièces de l’armure.

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Oh, mais que voilà une armure bien rangée.

L’immersion, c’est ce que visent les jeux en VR. Dans le cas présent, ça fonctionne très bien. On est rapidement dans le feu de l’action et la reproduction des mouvements suit ce qu’on a pu voir dans les films. Les PS Move (obligatoires!) permettent de jouer avec la rotation des poignets et d’orienter les propulseurs de paumes pour donner une direction de vol. Ainsi que pour faire usage de tout un arsenal personnalisable.

En revanche, la maniabilité est un peu bancale. Vous vous souvenez de cette scène dans le premier film, lorsque Tony teste son armure dans son garage et qu’il vacille en l’air péniblement? C’est à ça qu’a ressemblé mon expérience de jeu la plupart du temps. Et quand certains passages demandent d’être un peu plus précis, j’ai maugréé en suant sous mon casque. C’est seulement lors des derniers niveaux que j’ai commencé à avoir un sentiment d’un semblant de maîtrise. Un bon vieux cas de « c’est la faute à la manette ».

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Des fois, il y a un peu beaucoup d’info à l’écran, alors on choisi de les ignorer et de tirer dans le tas.

L’armure ne fait pas le man

L’univers du comics est bien respecté. On retrouve des têtes connues dans une intrigue qui ne casse pas trois pattes à un canard, mais qui se laisse suivre. Les treize niveaux que l’on traverse ainsi proposent des environnements assez peu variés (on revient parfois dans des niveaux déjà visités) et les objectifs se limitent souvent à se débarrasser de vagues d’ennemis (dont le type s’élève au nombre de quatre). Heureusement, quelques mises en situation viennent casser un peu la routine (désamorcer une bombe, par exemple).

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Une ville qui nous renvoie à l’animation de celles de G-police (1997).

Entre chaque mission, Tony revient au garage faire une mise à jour de son armure. Ce sera l’occasion de suivre des échanges verbeux un peu trop longs entre les intelligences artificielles. Même s’il est possible de jouer assis, je recommande la position debout pour une plus grande liberté de mouvement. En revanche, assister à ces dialogues durant lesquels on ne peut pas du tout interagir, suivi de temps de chargement excessivement longs, puis un écran noir avant que l’environnement ne se charge rend l’expérience assez pénible.

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Est-ce qu’il y a un module « masque covid »?

 

Déballe masqué

L’année dernière, je testais Blood and Truth et je vantais les mérites de son interactivité. Forcément, vu le peu de jeu PSVR commercialisé, Iron Man VR souffre de la comparaison. À quelques exceptions près, il n’y a rien à triturer. Pourtant on est exactement dans un genre de jeu similaire. On pourrait même le croire lié. Si vous êtes possesseur d’un casque PSVR qu’il vous parait important de rentabiliser? Vous pouvez jeter votre dévolu, un peu par défaut, sur cette divertissante immersion dans l’univers de Tony Stark. Et avec le recul, ça nous fait en tout cas quatre jeux à recommander sur ce support (avec Eagle Flight, Sparc et A fisherman’s tale). On est donc désormais en droit de considérer que c’est un achat qui en la peine? Mieux vaut tard que jamais?

Note : 6 Robert Downey Jr. sur 10

Disponible exclusivement sur PSVR et l’utilisation de deux manettes PS Move est obligatoire.

 

I am… Iron Man.

Je repensais aux problèmes matériels qui rendent l’immersion moins fluide. Et si le bug avait son importance? Et s’il nous servait à garder les pieds dans la réalité? Dans Matrix, un bug, une impression de déjà-vu, permet aux héros de savoir qu’ils sont dans la simulation. Dans Inception, c’est le fait que la toupie s’arrête de tourner qui confirme être sorti du rêve. L’imperfection est alors synonyme de réel. Loin de moi l’idée de vouloir réactiver les vieilles peurs des joueurs qui ne distingueraient plus la réalité du jeu. Mais plutôt de me questionner sur ce que sera vraiment l’avenir du jeu vidéo. Si un jour on parvient à concrétiser ce fantasme du monde virtuel totalement immersif, est-ce qu’intégrer l’imperfection sera une contrainte obligatoire?

Pourquoi rêvons-nous d’avoir des super-pouvoirs? Le concept de superhéros fait lui aussi fantasmer. Iron Man VR met sur le tapis la proposition d’en devenir un. Le fait de devoir bouger la tête et les bras pour jouer renforce le sentiment de camper le personnage. Certainement plus que lorsque c’est la manette qui nous sert à déplacer l’avatar. C’est probablement à ça que Nietzche pensait lorsqu’il parlait de « devenir un surhomme »…

Iron Man Cat

Afin de faciliter la lecture et permettre à votre cerveau de faire une petite pause avant ce qui suit, voici une photo d’un chaton en armure de pas tout à fait Iron Man.

Mais avons-nous envie d’être Tony Stark? Les moments du jeu où l’on incarne le milliardaire, et non son alter ego de métal, sont justement les plus ennuyants. Les actions contextuelles deviennent proches de celles de la réalité (répondre au téléphone, ouvrir le frigo, etc.) et en perdent leur intérêt. Finalement, la force de ces séquences est probablement de nous faire vivre ce que Stark ressent (dans les comics et les films), lorsqu’il est de plus en plus tenté de se glisser dans l’armure, au détriment de sa vie « civile ». Dans la mythologie des comics, il finira d’ailleurs par ne faire plus qu’un avec elle, au travers de nanoparticules « Extremis » dans son sang.

Le personnage d’Iron Man est ainsi intéressant d’un point de vue identitaire, puisque Tony Stark revendique clairement être Iron Man. Il ne s’en cache pas, au contraire de Peter Parker/Spider-man, par exemple. Bien entendu, la métaphore de « sortir de la caverne pour renaître » est déjà passablement explicite. Mais la thématique de la mort du père revient très souvent également.

Si Freud parlait de « tuer le père » pour pouvoir se réaliser, il me paraît plus intéressant d’envisager comment Tony Stark doit s’opposer à son père, Howard, tout en lui restant loyal. Et comme dans toute bonne histoire démarrée dans les années septante, la mère n’est jamais importante. Dans Marvel’s Iron Man VR, cette thématique existe aussi en toile de fond. Howard ayant fait fortune en vendant des armes, Tony lui doit son épargne. Il ne peut donc pas simplement enfermer ces souvenirs dans une boîte (comme nous l’impose une séquence au début du jeu, avant de voir ces mêmes souvenirs émerger à nouveau, plus tard, au travers de l’antagoniste).

L’analyse du personnage est déjà très intéressante en soi, pour qui affectionne l’étude des transmissions générationnelles et de la construction identitaire. Mais elle est maintenant dopée au générateur ARC quand on lui adjoint l’idée d’un joueur incarnant un rôle, qui plus est en VR. C’est un vrai schéma de poupées russes qui s’offre alors à nous.

 

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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