Bricolage et papier remâché [Yoshi’s Crafted World, Switch]

Nous sommes en 2136. Après plus d’un siècle d’esclavagisme sous le joug des frères Mario, à servir qui de monture, qui de marchepied jetable ou de punching ball, voire cruellement sacrifiés, les Yoshis s’insurgent par milliers. Yoshi’s Global Rampage (PEGI 18) sur Switch raconte comment… Hein ? Ah, je dois parler de Yoshi’s Crafted World, un jeu tout mimi avec des Yoshis tout doux qui ramassent des fleurs ?

Nintendo nous assène son dernier jeu feel good, nappé d’un scénario dont seuls les concepteurs peuvent en saisir les circonvolutions. En bref, les Yoshis vivaient bêtement mais heureux autour de leur totem, le Soleil aux rêves, quand, sans autre raison que leur allergie au bonheur, le sorcier Kamek et le jeune Bowser décidèrent de s’emparer du monument, le brisant au passage et en dispersant les fragments alentours. C’est l’apocalypse chez les Yoshis, qui statuent dans un dernier soubresaut de discernement, que l’un d’entre eux irait chercher les morceaux perdus, tandis que les autres resteraient à faire la sieste à l’ombre des débris du Soleil. (Morale de l’histoire ? Toujours envoyer quelqu’un d’autre faire ce qui t’empêche de piquer un roupillon? Ou les pays ensoleillés sont propices à la sieste?)

Bricolosaure

Dès les premiers instants de jeu, mes tympans sont assaillis par une mélopée dissonante, réminiscence de mes débuts à la flûte à bec (NdA : je ne joue pas de flûte à bec). Bref, on est bien dans un jeu Yoshi. C’est parti pour le premier niveau, qui sert de tutoriel, où les ennemis sont pour la plupart… en train de faire la sieste ou de marcher gentiment. Qu’importe, le jeu nous invite à leur pulvériser le crâne à coup de pointure 44, ou à les dévorer pour les transformer en projectiles – ce qui reste la marque de fabrique des Yoshis. (Morale de l’histoire bis ? Ce jeu se passe dans le Sud et c’est toujours la classe basse qui se fait écraser par les dinosaures nantis.)

Yoshi's Crafted World village

Depuis quelques jours, les habitant bienveillants de la bourgade de Tournicoton disparaissent mystérieusement. Seules sont retrouvées quelques traces de salive épaisse sur les lieux du crime…

Visuellement, on s’attend à un jeu pratiquement parfait, compte tenu de la simplicité du cadre, et une fois de plus, la qualité est au rendez-vous. Les nombreux matériaux utilisés pour fabriquer le décor sont clairement reconnaissables dans le thème du brico-loisir – papier, carton, ficelles, cannettes et j’en passe.

Le réalisme est encore poussé plus loin lors des séquences au verso des stages, lorsque la caméra bascule derrière le décor. Le niveau se parcourt alors de la fin vers le début et les éléments de construction du décor plat sont visibles – ruban adhésif ou simplement du carton brut – rajoutant au côté « fait main » du jeu. Cet aspect pourrait d’ailleurs stimuler les plus jeunes à quitter leur écran et tenter de recréer des éléments du jeu avec un carton de céréales (cette idée d’occupation vous est offerte par Kellug’s, les céréales des champions qui en ont dans la caboche).

Jurassic Back

Pour un joueur un minimum expérimenté en jeux de plateforme, Yoshi’s Crafted World est un jeu très facile. Le seul challenge reste de terminer un niveau en trouvant tous les collectibles (fleurs et pièces rouges) au premier essai. Cette aventure est clairement pensée pour les plus jeunes, qui feraient leur premier contact avec un platformer en deux dimensions. Les aides sont omniprésentes, les chutes sont peu pénalisées et chaque niveau s’articule autour d’un leitmotiv introduit progressivement. Les fleurs, objets à dénicher et nécessaires à la progression, sont disponibles en surabondance. Très peu de risque de rester bloqué en chemin, donc. Il est même possible d’utiliser les pièces glanées au fil de l’aventure pour acheter des costumes en matériaux recyclés, mais à l’esthétique discutable, pour améliorer la résistance des Yoshis. Un second joueur peut également participer, offrant la possibilité aux dinosaures choupinets de se porter l’un l’autre pour franchir des obstacles trop épineux, de bénéficier d’une infinité d’œufs à lancer et du pouvoir d’éliminer tous les ennemis au sol en une seule attaque…

Malgré son habile déguisement en carton ondulé, ce Yoshi s’est laissé surprendre par ce puissant pygargue en fer blanc.

Jusque-là, je n’ai parlé que du mode classique, car – oui ! – il existe un mode relax qui s’apparente à du pilotage automatique. Les sauriens de velours sont alors munis d’adorables petites ailes en feutrine qui leur permettent de virevolter comme bon leur semble. Les ennemis et autres danger ne font perdre plus qu’un seul point de vie sur les 20 à disposition et ces mêmes adversaires, une fois ingurgités, donnent deux œufs. De plus, un détecteur de fleurs se manifeste à proximité des ces dernières et les pièces rouges sont clairement visibles.

Dévelociraptor durable

Malgré le passage du pur laine au bricolage plus générique, le gameplay de cet opus reste très proche de celui de son prédécesseur, Yoshi’s Woolly World. La principale nouveauté vient de la possibilité d’interagir avec le premier ou l’arrière-plan par le truchement de jet d’œufs. Cela permet d’activer des mécanismes ou d’obtenir des bonus, tout en intégrant la troisième dimension dans le jeu. À noter également la façon originale de recycler les niveaux en les jouant vus par le verso, que j’ai évoquée plus tôt. Cette option est disponible une fois le niveau terminé une première fois et consiste en une course contre la montre pour retrouver trois petits Poochys (le chien à grosse langue) disséminés dans le stage, pour récupérer facilement des fleurs supplémentaires. Et comme je l’ai déjà mentionné dans beaucoup trop de tests, Nintendo adore le recyclage. Donc une fois tous les niveau d’une zone terminés, un autochtone nous invite à les parcourir à nouveau pour y chercher cette fois-ci des éléments particuliers du décor en échange de fleurs. Certes, ça stimule les facultés d’observation, mais ça implique de devoir refaire au moins trois fois chaque monde pour collecter tout ce qui est possible.

Yoshi's Crafted World duo

Yoshiception : avec le bon amiibo, on peut débloquer un costume de Yoshi pour y mettre un autre Yoshi dedans… Et c’est beaucoup trop meugnon.

Sa vie est basée sur le mouvement

Ne nous méprenez pas, j’adore les Yoshis (même si je préfère leur personnalité originale, plutôt que cette béatitude enfantine que l’oncle nippon a décidé de leur coller) et Yoshi’s Crafted World reste un bon jeu dans le style. Mon ton caustique vient plutôt de la facilitation excessive du jeu et du nombre croissant de récompenses obtenues pour un rien. Sans doute parce que j’ai grandi avec des jeux qui avaient un timer, un stock de vie et pas de sauvegarde… Si ce Yoshi plaira assurément aux plus jeunes et aux débutants, il offre tout de même un minimum de défi (et de redondance) pour être fini à 100%, surtout dans les derniers mondes et avec ces stupides nuages invisibles disposés au hasard, contenant bien sûr les pièces rouges manquant au compte.

Yoshi's Crafted World niveau

Non content de recycler les matériaux, Nintendo recycle également les protagonistes depuis 1995.

Même si je croyais dur comme fer que les décor du jeu avaient vraiment été fabriqués et photographiés pour le jeu, Nintendo s’est finalement trahi: l’écran de chargement montre un carton qui s’ouvre du premier coup avec l’ouverture facile. Pure fiction.

7 blancs en neige sur 10 (si tu as moins de 12 ans)

Disponible sur Switch exclusivement

Author: Vertigo

Un jour de départ à la Gamescom, une gastro foudroyante avait terrassé pratiquement l’ensemble de la rédaction de Semper Ludo. C’est donc sur un quai de gare que fût recruté Vertigo, à titre de stagiaire porte-gobelet. Il aurait pu s’appeler Augustin, mais non. Le pérégrin sillonnait la région, à pied nus, bien dans ses baskets, en quête d’une pauvre âme à soulager d’un fardeau, d’un prochain à aider ou d’une veuve à dés-éplorer. Sa 3DS ne quitte jamais sa poche et il est doté d’une connaissance de la culture japonaise éclairée et d’une sagesse mystique lorsqu’il s’agit de refuser les petits fours d’un éditeur véreux (ceux aux anchois). Il boxe dans la catégorie Nintendo depuis la NES, mais ne rechigne pas à tâter du PC et sait lire dans les étoiles les mouvements de ses adversaires sur Towerfall. Vertigo a ainsi embrassé (avec la langue) la cause semperludienne et a su prouver sa valeur en gagnant ses galons de chroniqueur. Certaines rumeurs et Paris Match affirment qu’il est capable de parler aux yoshis les soirs de pleines lunes et qu’il les rejoindra lorsque le moment sera venu. En attendant, on lui demande juste de rendre ses textes.

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