Ombre chinoise au tableau [Shenmue 3, PC]

J’ai reçu un appel curieux du Conseil Fédéral. Un délégué parlementaire m’a demandé de me rendre en Chine pour investiguer sur la situation post-COVID et de rapporter des éléments tangibles sur lesquels baser les décisions à venir pour notre nation. Devant ma surprise, il a rétorqué qu’il avait vu que j’étais régulièrement un expert en tout dans les médias et que « covid » est quasiment l’anagramme de « vidéo », donc c’est pareil, donc je dois me mouiller pour mon pays. Donc je suis parti pour la contrée de Jackie Chan.

Mon premier objectif était de retrouver une virologue locale du nom de Shenhua Ling. Nous nous rencontrons dans la banlieue de Wuhan, dans un petit village qui selon des sources sûres serait le foyer d’une troisième souche de virus. La première aurait été détectée en 2000, puis la seconde juste derrière en 2001 sous forme de rechute. Il aura fallu attendre une annonce fracassante lors du grand salon des virus et microparticules de Los Angeles de 2015 pour identifier cette troisième variante. Elle n’aura vu le jour qu’en 2019, suite à la plus massive collecte de fonds humanitaires jamais enregistrée dans l’univers de la santé microbiologique. Shenmue 3

Shenhua m’explique qu’elle travaillait à l’étude du coronavirus avec son père, éminent spécialiste de la question. Malheureusement, elle n’avait plus de nouvelles de lui depuis quelque temps et cela l’inquiétait. Pas trop non plus apparemment, vu son calme olympien. Nous décidons de commencer par interroger les gens du village local, ceux-ci auraient peut-être des informations à nous donner. La nature aux alentours était très jolie, même si on lui accordait volontiers un style visuellement proche de celui d’il y a dix ans. Nous avons beaucoup marché et malgré les longues distances, il fallait veiller à ne pas trop courir, au risque de s’épuiser. De toute manière, j’ai le temps. « Aussi vite que possible. Aussi lentement que nécessaire », me remémorais-je en arrivant au village.

Shenmue III pangolin

Leur élevage de pangolin semble aux normes.

Samurai de Chine

J’ai rapidement été rassuré de voir que les stéréotypes que j’avais intégrés grâce aux films d’action des années 90 allaient pouvoir me permettre de cerner au mieux cette population. En effet, tout individu asiatique se doit naturellement de pratiquer le kung-fu. J’ai d’ailleurs rencontré un professeur autoritaire devant son dojo qui m’a expliqué qu’il fallait que j’améliore ma technique si je voulais pouvoir avancer dans mon enquête. Je l’ai remercié, mais je lui ai rétorqué que je n’étais pas là pour ça. Nous sommes des gens sérieux en Suisse, ai-je répondu en voyant son rictus moqueur. D’ailleurs, j’ai fait mon école de recrue : les roulades de combats ça me connaît. Je devrais pouvoir m’en sortir. Non mais.

Shenmue III Tai chi école

Everybody was kung-fu fighting. L’école à la maison.

Les gens étaient méfiants. Tout le monde me reconnaissait comme étant étranger et il était difficile d’obtenir des réponses. Heureusement, Shenhua m’accompagnait et facilitait toutes les situations sur lesquelles je bloquais. Ainsi, nous apprenions que plusieurs virologues habitent ce village. Le hasard fait quand même bien les choses. L’un d’entre eux occupait la maison qui se trouvait juste derrière nous. Malheureusement, il ne rentrait qu’à 19 heures. Nous avons donc dû l’attendre, mais grâce à un astucieux système de saut temporel, nous avons pu atteindre le bon moment en appuyant sur un simple bouton. Pratique. Bien que nous aurions également pu vaquer à diverses activités dans le village en patientant. J’avais repéré en passant une sorte de casino en plein air, un marché aux légumes (que j’espérais bio, j’ai une réputation lausannoise à maintenir), ainsi qu’un spot de pêche. Mais j’y reviendrai.

Shenmue III dialogues

Je suis là pour rapporter des réponses en Suisse, Monsieur.

Quenouille chinoise

Le soir commençait donc à tomber et le virologue rentrait à la maison. Après quelques échanges verbaux un peu lents à mon goût (ça parle beaucoup un virologue et pour ma part j’avais l’impression que chaque phrase mettait une éternité à se former dans ma tête), nous avons appris que des experts de l’OMS intimideraient actuellement la communauté scientifique de la région par la force. Ce premier expert nous avait ainsi recommandé de contacter ces collègues.

Shenhua et moi sommes ensuite sortis et au moment je me dirigeais vers la prochaine maison, mon accompagnatrice m’informait brusquement qu’il était 21 heures et que c’était l’heure de rentrer. J’ai bien essayé de balbutier qu’il nous restait beaucoup à investiguer, rien à faire, nous nous sommes retrouvé dans sa maison. Ah oui, car le Département fédéral des Affaires Étrangères avait visiblement oublié de me réserver une chambre dans un hôtel. Après une discussion avec Shenhua résumant les événements de la journée que nous venions pourtant tout juste de découvrir, j’ai pu aller m’allonger et sauvegarder ma progression.

Oui, Shenhua, il y aura obligatoirement un avant et un après.

Le lendemain, j’ai découvert la demeure de mon hôtesse et notamment qu’à chaque fois que je m’approchais de la pièce centrale, je devais enlever mes chaussures au prix d’une longue séquence. En revanche, je pouvais ouvrir et fouiller tous les tiroirs de la maison sans attirer une quelconque foudre de la propriétaire. Je dis bien: tous les meubles pouvaient être ouverts. Mais à nouveau le tout prenait énormément de temps : m’approcher d’un meuble, le regarder attentivement, orienter mon regard vers le compartiment à manipuler, actionner le mécanisme d’ouverture, inspecter le contenu, sélectionner ce que je pouvais ramasser (la plupart du temps rien du tout), puis procéder au même cheminement en sens inverse.

Juste avant de partir Shenhua avait tenu à me rappeler encore une fois qu’il fallait que je me renseigne auprès des autres virologues dans le village. J’avais pourtant bien compris avant. Je me mettais alors en route et constatais que la maison était vraiment éloignée du reste du hameau. Une longue marche m’attendait donc. « Aussi vite que possible. Aussi lentement que nécessaire ».

Shenmue III 01.05.2020 entrainment

Les gestes barrière avant tout.

Confondu chinois

J’étais à nouveau sur la place du village. Je tentais de trouver le second virologue et une habitante m’indiquait qu’il aurait également reçu la visite musclée des deux experts. Selon elle, un homme les avait vus et pourrait m’en dire plus. Elle était seulement en mesure de me dire qu’il avait des longs cheveux et une cicatrice sur le visage. Ah si nous avions eu à disposition une application pour mesurer les déplacements des gens, j’aurais pu savoir immédiatement où il se trouvait (j’avais d’ailleurs noté cette idée pour plus tard, pas bête, ça pourrait servir, tiens…).

J’ai donc erré dans le coin en inspectant de près les gens (qui ne portaient pas de masque de protections), puis j’ai fini par identifier vaguement le témoin. Celui-ci a bien volontiers accepté de me parler de ce qu’il avait vu, à condition que je le batte au kung-fu. J’ai eu beau brandir mon mandat fédéral ou proposer la lutte à la culotte à la place, le bougre ne voulait pas en démordre. J’ai tenté ma chance, me suis pris plusieurs volées et mon adversaire se moquait de moi en me conseillant avec dédain de faire un saut au dojo d’abord. Pas étonnant que cette crise prenne du temps si tout le monde réfléchit comme ça.

Comme nous l’a appris Perceval : toute bonne quête commence par une vieille.

Les chandeliers du zodiaque chinois

Le passage au dojo m’a permis d’affronter les quatre champions du coin (ce n’était pourtant pas Pokémon?). Après chaque victoire, je retournais tenter ma chance auprès du témoin mais rien n’y faisait, Federer avait plus de chance à Roland-Garros face à Nadal. Le problème était que je n’avais pas la moindre idée de comment fonctionnait le kung-fu et que je n’avais pas la moindre information en retour sur ma progression. Est-ce que je n’avais pas le bon niveau ou est-ce que je n’exécutais pas les bons mouvements? À force de longs, très longs tâtonnements frustrants, j’ai fini par mettre au tapis mon adversaire. Ce dernier m’a alors indiqué avoir vu deux hommes, l’un chauve et l’autre portant un chapeau.

Et me revoilà dans la maison de Shenhua! « Mais enfin! Comment voulez-vous qu’on progresse si tout prend autant de temps? » M’étais-je écrié! Le lendemain, je me mettais en quête de nouvelles informations. Re-marche, re-fatigue, re-   « Aussi vite que possible. Aussi lentement que nécessaire ».

L’ail; cet aliment à base de toute alimentation saine, équilibrée et riche en PV.

Cette fois-ci, la personne pouvant m’indiquer la demeure du virologue se trouvait souvent près du pont. Je me rendis vers le pont mais personne en vue. Je retournais vers les habitations et demandais l’avis d’un second résident. Il me confirmait également l’histoire du pont. Je repris la route de l’édifice en veillant toujours à ne pas trop courir. Toujours pas âme qui vive. Je fis alors un tour du côté du casino en plein air. C’est fou ce qu’ils ont comme créativité dans ce coin pour inventer des jeux dans lesquels miser son argent.

Mais je n’étais pas là pour faire du tourisme. Je tentais toutefois ma chance auprès d’un badaud qui me précisait que le contact du pont était bien juste, mais jamais avant 19 heures. Ah. Il y avait donc quelque chose de particulier avec cette heure-ci. J’en déduisais qu’on ne badinait pas avec les horaires de travail ici. Certainement un laboratoire pharmacologique suisse allemand.

Vous me semblez dubitatif à l’idée d’utiliser le remède à l’eau de javel, non?

 

Coup de boulier chinois

On m’envoyait alors vers le marché. Un gang de gamins me tombait dessus. Ils me diraient où se trouvait le second virologue si je les battais à leur jeu de cache-cache. Personne ne surveillait ces gamins. Aucune distance sociale. Vivement que l’école reprenne, m’étais-je dit. C’est ensuite une habitante qui exigeait que je la vainque au kung-fu. Encore?!! On ne pourrait pas faire ça au jass plutôt? Ah, non, Simonetta Somaruga nous avait prévenus que c’était terminé ça. Je commençais gentiment à en avoir marre de ce rythme de travail. Non, je ne voulais pas faire de la pêche! Je ne voulais pas rentrer chez Shenhua à la nuit tombée! Ni n’acheterais tout un assortiment de casseroles!!

Un marché vendant des pandas ?! Je suis sur la bonne piste, indéniablement.

Et puis finalement, nous avons fini par identifier que tous les virologues de la région avaient disparu. Ça semblait pourtant assez évident dès le début, non?! Et c’est alors que nous sommes tombés sur eux : les versions chinoises de messieurs Berset et Koch qui venaient faire pression sur le dernier virologue, probablement pour dissimuler une affreuse vérité. Alors que je m’approchais d’eux d’un pas assuré, ils me défièrent… au kung-fu. Cette fois s’en était trop. J’ai eu beau essayer quand même, pour la forme et pour qu’on ne puisse pas me dire que je n’en ai pas fait assez en temps de crise, mais à deux contre un, le résultat était moins serré qu’un vote du Conseil des États sur la question des dividendes en cas de chômage partiel.

Shenmue 3 brigands

Même les conférences de Guy Parmelin étaient moins fouillis que ces menus.

Acerbe chinois

J’ai donc jeté l’éponge et toutes les gousses d’ail n’y auraient rien changé. « Aussi vite que possible. Aussi lentement… », trop lentement, beaucoup trop lentement. Les réponses à cette crise datent d’il y a dix ans au moins. Aujourd’hui, on ne peut plus travailler de la sorte. J’ai même été lire des analyses poussées sur Internet. Elles évoquent que la conclusion de cette épopée chinoise ne serait pas le dernier chapitre. Une suite serait donc possible. La fameuse deuxième vague dont on parle beaucoup? Heureusement, elle ne semble pas être prévue pour demain.

Certainement que la communauté ayant soutenu cette troisième souche saura trouver ce qu’elle y a cherché par défaut. Mais nul doute que le reste de l’humanité saura s’en passer. Après dix-neuf ans d’élaboration, il aurait fallu s’extraire de cet oreiller de paresse. Les événements relatés ici sont bien entendu purement fictionnels, mais calqués sur les premiers chapitres du jeu. Sans avoir joué aux premiers jeux on débarque un peu (heureusement il y a une vidéo récapitulative à disposition ). Mais le sentiment d’être largué, lui, persiste. Pour ma part, il ne me restait plus qu’à trouver une compagnie aérienne qui accepterait de me ramener en Suisse, sans devoir affronter le pilote de l’avion au kung-fu…

Note : 4 sur 10

Disponible également sur Playstation 4

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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