L’équilibre dans la Force [Star Wars: Jedi Fallen Order, Xbox One]

Star Wars : Jedi Fallen Order avait une double lourde mission. Amener la paix entre EA et les joueurs et également réconcilier les jeux vidéo avec Star Wars. Voire même une triple, s’il s’agit aussi de faire oublier les derniers films. Mais une chose après l’autre.

Je plaide coupable votre honneur. Oui, je suis fan de Star Wars, dans presque toutes ses formes (c’est même écrit dans ma signature sur ce sith site). Mais j’ai essayé de mettre de côté mon engouement prononcé pour les sabres laser et les gens qui disent « J’ai un mauvais pressentiment ». Depuis les premières annonces concernant Jedi Fallen Order, je me suis dit que j’avais avant tout envie de savoir si ce serait un bon jeu, avant un bon jeu Star Wars. Surtout que les derniers souvenirs laissés par Battlefront 1 et 2 ne permettaient que peu de place à la demi-mesure. EA était clairement attendu au tournant.

Le fait d’apprendre que ce serait Respawn Entertainment, le studio à l’origine des Titanfall avait plutôt de quoi me rassurer (« Le 2, meilleure campagne solo de FPS de ces 10 dernières années, facile, si on oublie Doom », disait Marsouin). Mais je ne voulais jurer de rien avant d’avoir bien pris le temps de tester cette nouvelle incursion dans la galaxie très très lointaine. La paix intérieure j’ai donc cherché et la patience, apprendre j’ai dû.

Star wars jedi fallen order xbox one ATAT

C’est un artwork, mais la séquence reste efficace.

Depuis pas mal de temps, sur des supports plus ou moins éloignés

Bon, parce que, soyons honnêtes, de la bouse estampillée Luke Himmelwanderer and Co. on en a bouffé ces années passées. C’est quand la dernière fois qu’on a eu vraiment un bon jeu Star Wars? Un ami à la toison hirsute proche du wookie m’a dit avoir récemment réinstallé X-Wing Alliance (Totally Games/LucasArts, 1999), dans sa version compatible Windows 10 (disponible sur Steam ou GoG). Il en parle comme un pilote baroudeur de la Royal Air Force. Et de mon côté aussi, j’ai un tableau de chasse qui foisonne de titres galactiques au fil des ans.

Ah ça, j’en ai trucidé du stormtrooper ou du droïde de combat. Au sol dans Dark Forces (LucasArts, 1995), Jedi Power Battles (LucasArts, 2000), les trois Super Star Wars (Sculptured Software/LucasArts, 1993, 1994 et 1995) et leurs séquences en mode 7.

Dans les airs avec Rebel Assault 1 (LucasArts, 1993) & 2 (Factor 5/LucasArts, 1996), la saga des X-wing (Totally Games/LucasArts, 1993) et des Tie Fighter (Totally Games/LucasArts, 1995), ou celle des Rogue Squadron (Factor 5/LucasArts, 1998, 2002 et 2003).

En maniant le sabre laser dans Jedi Knight (LucasArts, 1997) et ses suites (Raven Software, 2002, 2003, et addon comme Mysteries of the Sith, LucasArts, 1998), ou le blaster dans Bounty Hunter (LucasArts, 2002).

Sous forme de RPG dans Knights of the Old Republic (Bioware/LucasArts, 1999), de courses hyperactives dans Racer (LucasArts, 1999), de combat dans Masters of Teräs Käsi (LucasArts, 1998), de stratégie plus ou moins en temps réel avec Rebellion (LucasArts, 1998), ou Force Commander (Ronin Entertainement/LucasArts, 2000). Ou même de générateur de procrastination avec Yoda Stories (LucasArts, 1997).

Il y a eu des moments d’égarement comme La Menace Fantôme (Big Ape Production/LucasArts, 1999), Super Bombad Racer (LucasArts, 2001), ou Clone Wars (Pandemic Studio/LucasArts, 2002). Et des agréables surprises comme Republic Commando (LucasArts, 2005), le premier The Force Unleashed (LucasArts, 2008), ou Shadows of the Empire (LucasArts, 1997).

D’ailleurs, vous vous rappelez de ce dernier? Si au fil des ans LucasArts (et ses successeurs) nous ont gavés de jeux, parmi lesquels autant de purges que de plaisirs indéniables (et que ma liste n’est pas exhaustive, ni synonyme de qualité), Shadows of the Empire est celui qui m’est le plus revenu en tête en jouant à Jedi Fallen Order.

Star wars jedi fallen order xbox one décors

On est bien dans Star Wars et on a droit a plusieurs effets de mise en scène de type époustouflant.

Wookie rira bien le dernier

J’ai donc bien été refroidi par nombre de titre Star Wars, dont le nom était devenu une simple accroche commerciale. Les premières vidéos de Jedi Fallen Order ne m’avaient pas plus rassuré qu’un Jawa vantant les mérites d’un droïde astro-mécano d’occase. Pourtant me voilà trépidant au moment de recevoir le code du jeu avant la sortie officielle. J’use de mes privilèges de rédacteur en chef la Force pour indiquer à mes collègues que ce n’est pas ce jeu-là qu’ils recherchent et je m’y attaque. En me répétant que je ne dois pas succomber à l’appel séduisant et facile d’un test plus rapide et tenter de garder la tête froide pour parler de ce jeu.

Déjà on commence sans « Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine », ni de texte jaune défilant sur le ciel étoilé des notes de John Williams. Intéressant. Serait-ce une manière de dire que Jedi Fallen Order veut s’émanciper et prendre de la distance avec ses aïeux? Attention, parce que la transmission généalogique, c’est un thème plutôt costaud dans Star Wars.

Étonnant également, parce que si on en suit les nouvelles logiques de l’univers depuis le rachat par Disney : les films commençant sans cette double marque de fabrique sont à considérer comme hors du canon principal, comme Solo et Rogue One, par exemple. Sémantique cohérente ou affranchissement?

Star wars jedi fallen order xbox one compter les points

On compte les points?

Je parlais donc de Shadows of the Empire, puisqu’ici aussi, le héros joué à la troisième personne va traverser des événements en marge de la trame principale. La grosse différence vient du fait que le nouveau venu, Cal Kestis, est un Jedi (oui, il y avait un indice dans le titre). Tel le Sarlacc dans son trou, le jeune homme se terre à l’abri des regards depuis que l’Empereur Palpatine a décrété que tous les Jedi étaient persona non grata dans le milieu des vivants. Le fameux Ordre 66 de La revanche des Sith qui les condamne tous à mort.

Il se planque donc parmi un groupe de ferrailleurs et se garde bien d’utiliser ses pouvoirs. Jusqu’au jour où pour sauver son pote, il se voit contraint de faire appel à la Force. Débarque alors, Chicco presto les agentes d’un ordre inquisiteur mystérieux, qui se lance à la poursuite de notre manieur de sabre laser.

Star wars jedi fallen order xbox one effets de lumière

Des effets de lumière de qualité. Mais aussi un sound design sidérant de puissance (mais qui passe moins bien sur la photo).

Han Pas multijoueur

Le sabre, parlons-en justement. Ce sera votre seule arme, car, rappelons-le, il s’agit de l’arme noble d’une époque civilisée. Utile pour se frayer un chemin ou pour s’éclairer dans les recoins sombres, il prend évidemment toute son importance durant les combats. Ceux-ci sont plutôt ardus. J’ai opté pour le mode difficile et je ne l’ai pas regretté. Il y a une influence de Dark Souls dans la manière d’appréhender ces affrontements. Le sabre est hyper puissant, aucun doute là dessus, un simple coup suffit à terrasser le premier stormtrooper venu (faudrait vraiment penser à attaquer en justice le fabricant de ces armures blanches). Par contre, il faut arriver à placer ce coup.

Deux facteurs corsent alors le défi. Premièrement, un système de garde et de parade demande une maîtrise du timing pour savoir quand esquiver, parer ou attaquer. C’est parfois un peu confus, mais l’important c’est que ça empêche de simplement bourriner. Cette technique ne marche jamais et les téméraires perdront trop vite leurs (maigres) points de vie. Et deuxièmement, l’allonge limitée du sabre vient renforcer cette impression de devoir se méfier de toutes les ouvertures mal évaluées.

En effet, dans de nombreux jeux d’action récents, la distance avec l’adversaire se réduit mécaniquement quand on appuie sur la touche de coup. Par exemple, dans la série des Batman Arkham, en indiquant la direction du prochain ennemi et en frappant, Batman se précipite automatiquement à distance de poings de l’assaillant, quelle que soit cette distance au préalable (plus ou moins). Dans Jedi Fallen Order, ce n’est pas le cas et il n’est pas rare de se retrouver à taper dans le vide, hébété comme un Gamorréen.

 

Ce système est assez punitif et il a de quoi être frustrant. Mais il s’en dégage aussi un vrai sentiment de satisfaction quand on arrive à enchaîner deux coups de sabre, une roulade d’esquive, puis une parade qui éventre la défense de l’adversaire. On retrouve des sensations que les amateurs de Jedi Knight sauront apprécier.

 

Si tu me terrasse, je deviendrais bien plus puissant que tu ne pourrais jamais l’imaginer

J’ai mentionné Dark Souls, mais le côté ardu des combats n’est pas le seul élément « emprunté » à FromSoftware. Les checkpoints s’inspirent des feux de camp des Souls. Si vous succombez durant un combat, vous perdez tous les points d’expérience acquis depuis la dernière sauvegarde. Pour les récupérer, le seul moyen est de retrouver l’ennemi qui vous a fait votre fête. Et il se trouve parfois très loin de votre point de départ… Long et difficile est le chemin pour devenir un Jedi. En revanche, quand on tombe dans un trou, le jeu nous replace directement à l’endroit de la chute. Cette différence à première vue incohérente relève au contraire une dimension bien plus épique dans les combats. Rater un saut, c’est un problème de déplacements. Mourir au combat c’est un signe d’impatience.

Star wars jedi fallen order xbox one hyperespace

Pleine puissance, M. Sulu.

La rédac des clones

Jedi Fallen Order emprunte beaucoup. On y retrouve pas seulement du Dark Souls et du Shadows of the Empire, mais aussi du Uncharted, du Metroid, du Tomb Raider, voire même du Titanfall maison pour la gestion des déplacements sur les murs. Mais le tout se marie très bien pour créer quelque chose de cohérent, avec juste ce qu’il faut d’originalité. Par exemple, le loot ne sert à rien. Ou plutôt il est uniquement visuel et permet seulement de modifier les apparences du sabre, du robot qui vous accompagne, du vaisseau ou les fringues de Cal. J’en ai un peu marre de devoir fabriquer des objets dans tous les jeux. Ici, c’est le plaisir de l’exploration qui prend le dessus.

C’est pareil pour les planètes explorées et les personnages rencontrés. On évite heureusement le fan service de bas étage, et si on croise quelques lieux et têtes connues, on en découvre aussi de nouveaux.

Star wars jedi fallen order xbox one bestiaire

Les ennemis manquent un peu de diversité.

Le fait de commencer directement avec le sabre en main et certains pouvoirs, mais de devoir redécouvrir les autres progressivement pousse à ratisser les niveaux pour dénicher les artefacts et les points d’XP qui vont avec. L’exploration est donc au cœur du gameplay, puisque tels Lara Croft ou Nathan Drake, Cal visitera des tombeaux à la recherche de réponses pour rétablir l’ordre Jedi. Cette histoire misant sur des vestiges archéologiques m’a paru bigrement plus intéressante que ce que les films VII et VIII ont proposé. J’y ai retrouvé par plusieurs aspects la touche de Timothy Zahn, l’auteur de la vraie trilogie post Retour du Jedi. La recherche d’holocrons et la visite de diverses planètes donnent vraiment l’impression de s’être lancé dans une chasse au trésor.

Star wars jedi fallen order xbox one pilleur de tombe

Pilleur de tombe. Sa place est dans un musée.

Certains passages ne sont pas accessibles tout de suite et impliquent de revenir plus tard, une fois le pouvoir adéquat débloqué. Le level design se prête plutôt bien à cette prospection. Mais il faudra parfois faire preuve de détermination pour accepter de se retaper quelques traversées pour aller récupérer un coffre auparavant inatteignable.

Côtés sombres

Forcément, il n’y a pas que des aspects positifs. Ma version Xbox One (pas X) a eu de nombreuses fois du mal à afficher des textures, qui en devenaient baveuses. Un peu moche en 2019. En comparant avec des streams sur PC, la différence est indéniable. De même, les temps de chargements étaient affreusement longs. Quand il faut attendre autant pour revenir dans le jeu, se retaper tout un bout de niveau peut devenir assez vite frustrant. Et puis qu’est-ce que c’est que cette motion capture? Arf, les personnages semblent tout droit sortis d’un jeu de 2010.

Star wars jedi fallen order xbox one textures

De la bave de bantha dans mes textures.

Depuis son lancement, Jedi Fallen Order est devenu le titre Star Wars le plus vendu d’EA sur PC. Pourquoi ai-je pris si longtemps pour écrire mon test, me demanderez-vous, tel un R2-D2 bagarreur qu’on aura tôt fait de coller au service sur la barge de Jabba ? Parce que je trouve que Jedi Fallen Order doit se savourer. Il fait la part belle à l’exploration. On y a le droit de s’aventurer dans un corridor par curiosité, avant de constater que la porte est bloquée pour le moment. Il faudra donc revenir plus tard. Ce n’est pas un jeu facile et tant mieux. J’ai alors pris mon temps pour y jouer et pour vous faire part de mes impressions également.

Bien sûr, ce retard n’a rien du tout à voir avec la course de la fin de l’année, pas du tout. Mais toujours est-il que j’ai vraiment eu (et j’ai toujours) du plaisir à y jouer et que je me réjouis de pouvoir le terminer durant les vacances. Jedi Fallen Order est donc un bon jeu Star Wars, mais c’est avant tout un jeu plaisant tout court. Mission accomplie, il y avait encore du bon en EA…. Reste à savoir si on pourra en dire autant de J.J. Abrams dans quelques jours… I’ve a bad feeling about this

Note : 8 Je suis ton père/10

Également disponible sur PC et PS4

 

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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