Dis papa, comment on devient Champion du monde de Fortnite?

Alors que l’Office fédéral du sport (OFSPO) vient de trancher en refusant à l’e-sport la reconnaissance du statut de sport, Epic Games lance pratiquement au même moment sa Coupe du monde de Fortnite. Celle-ci débutera le 13 avril et s’étendra sur dix semaines. Alors, comment guider un jeune dans cette compétition? Et peut-il y participer librement? C’est encore sur les parents que repose une certaine responsabilité en acceptant qu’il se jette dans la mêlée.

Dans le rapport du 28 mars 2019, l’OFSPO fait tomber le couperet : « L’e-sport est une culture du jeu numérique et virtuelle, mais pas un sport. » Rude sentence pour les nombreuses structures qui fleurissent un peu partout en Suisse depuis quelques années. Celles-ci ne sont donc pas éligibles à une quelconque forme de soutien, notamment financier, par la Confédération.

e-sport Macolin

Macolin n’est pas prêt de voir débarquer les joueurs de jeux vidéo compétitifs.

La lecture de ce rapport fera certainement sourire les initiés, par l’emploi de termes ou de formes de phrases pour le moins candides, dénotant une certaine méconnaissance du sujet. Néanmoins, il faut reconnaître que la décision de l’Office fédéral s’appuie sur des constatations fort à propos. Parmi celles-ci, citons entre autres et pêle-mêle l’ingérence des éditeurs de jeux dans l’organisation et le développement des compétitions, la difficulté à garantir l’absence de fraude et de manipulation et les efforts physiques faisant défaut dans la pratique. Bref, il semblait plutôt pertinent de vouloir remettre les bœufs devant la charrue dans le processus, un peu fébrile, d’instigation de l’e-sport helvétique.

En effet, le côté bouillonnant de la scène e-sport actuelle en Suisse n’est pas toujours propice à un développement cohérent. L’appât du gain est parfois trop tentant et les promesses de « jeu responsable » (par opposition conceptuelle à une pratique de jeu dite « problématique ») ne se concrétisent pas toujours ou prennent des formes irréalistes (horaires et rythme des entraînements déraisonnables, contact avec les coachs difficiles, etc.).

 

e-sport OFSPO listes J&S

Sur le site de l’OFSPO, figure la liste des fédérations sportives soutenues par le programme Jeunesse & Sport. On y trouve, entre autre, le tir sportif. Il semble que certaines traditions ne doivent pas être froissées, tandis que le rapport soulève « […] la question de savoir si l’e-sport peut contribuer à atteindre les objectifs d’encouragement du sport de la Confédération définis aujourd’hui, car il ne contribue quasiment pas à augmenter l’activité physique et sportive. Par ailleurs, les jeux vidéo consacrés à la guerre, qui constituent une grande partie du e-sport, ne participent pas vraiment à la promotion des comportements permettant d’ancrer les valeurs positives du sport dans la société et de combattre les effets secondaires indésirables« .

Bien que plusieurs structures suisses de bonne volonté aient déjà tenté de proposer des mesures d’encadrement adéquates, face à des parents souvent désemparés il convient de faire encore plus. Un « jeu responsable » ne se limite pas au respect des normes PEGI, par exemple. Le concept devrait aller bien plus loin dans la démarche en réfléchissant avant tout à adopter le credo « un esprit sain dans un corps sain », plutôt que de viser des résultats ou le soutien de sponsors.

Un cadre cloué au pilori.

Malheureusement, là où l’OFSPO fait fausse route, selon moi, c’est en se contentant de relever que « Les conséquences sur la santé d’un entraînement de 6 à 8 heures quotidiennes devant un écran ou de compétitions se déroulant sur de nombreuses heures ne sont pas suffisamment connues. », sans pour autant proposer quelque autre forme de mesures. Il y avait justement là moyen de créer une structure dont ont indéniablement besoin ces jeunes joueurs. En effet, il s’agissait d’une occasion en or pour établir un code de conduite, une charte ou une forme de label à imposer aux organisations pour pouvoir bénéficier d’un soutien.

Il est tout à fait juste d’affirmer que des sessions d’entraînement de 6 à 8 heures ne peuvent décemment pas être enchaînées sans en remettre en question la pertinence. En revanche, les structures e-sport, actuelles ou à venir, peuvent représenter une plus-value dans le développement des jeunes, pour autant qu’elles soient vraiment en mesure d’offrir un encadrement adapté. Il aurait donc été plus que bénéfique pour les joueurs, équipes, coachs et parents que l’OFSPO (via le programme Jeunesse & Sport, entre autres) puisse imposer un cadre.

e-sport rocky pompes

Pour devenir bon, même Rocky ne fait pas que de la boxe, il diversifie les activités.

 

He’ll be back…

Pointons encore que lorsque le rapport mentionne que « L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déjà introduit le concept de “cyberaddiction”, qui se caractérise par une utilisation problématique d’Internet (lorsqu’il ne reste presque plus de temps pour dormir, manger ou étudier et que la vie tourne autour de l’univers virtuel). », il s’agit d’une erreur. En réalité, l’OMS a statué sur une utilisation problématique des jeux vidéo uniquement et pas d’Internet. Bien entendu, dans le cas présent, cela s’applique tout à fait à l’e-sport. Mais cela dénote tout de même une forme de frilosité des autorités, ainsi que d’une certaine incompréhension du sujet : des jeux vidéo, de leurs cultures, de l’e-sport, mais aussi des addictions.

Cette décision peut laisser un goût amer aux nombreux organisateurs de tournois à travers la Suisse et les laisse désormais orphelins d’un cadre qui aurait été salutaire. Le terrain est ainsi libre aux investisseurs privés et leurs objectifs marketing et financiers.  Mais le chapitre n’est pas encore clos, puisque l’OFSPO s’engage tout de même à garder un œil sur l’évolution de ce dossier et n’exclut pas de statuer à nouveau dans le futur.

e-sport lunettes

Prix, Epic et colégram

Illustrant parfaitement ce besoin de cadre que la Confédération a refusé de prendre, et dans un registre plus « mondial », Fortnite aura donc droit a sa coupe du monde tout prochainement. Celle-ci est organisée par Epic Games, le studio à l’origine du jeu phénomène (voilà donc l’ingérence dont se méfie l’OFSPO). Peut-être avez-vous déjà entendu vos enfants vous parler des récompenses annoncées à hauteur de 10 millions de dollars? Avant de se jeter dans la compétition il serait peut-être intéressant de savoir exactement ce qui vous attend, ici en Suisse. Et de voir comment fixer vous-même ce cadre.

A compter du 13 avril, chaque week-end accueillera un tournoi. Tout se passe intégralement en ligne, donc chacun peut jouer depuis chez soi. Le but, chaque samedi, sera de terminer dix parties, dans une plage imposée de 17 h à 20 h, durant lesquelles il faudra tenter d’obtenir le plus de points possible. Le but du jeu reste toujours d’éliminer les autres adversaires afin d’être le dernier restant. Les points seront attribués en fonction du classement en fin de partie, mais aussi au nombre de concurrents liquidés. Les 3000 meilleurs joueurs seront alors qualifiés pour la seconde manche, qui aura lieu le lendemain. Le dimanche, ce sont donc les cloches d’une toute nouvelle Église qui résonneront.

e-sport fortnite calendrier

Le calendrier des tournois se trouvent sur le site d’Epic.

Durant cette phase finale, les compteurs sont remis à zéro et durant la même période (de 18 h à 21 h), il est à nouveau question de marquer le plus de points. Une récompense d’un million de dollars sera distribuée chaque semaine aux meilleurs joueurs à travers le monde. En Europe, le premier recevra 5000 $, puis les prix vont decrescendo jusqu’aux rangs 1501 à 2000e, qui gagneront 100 $ chacun. Et le week-end suivant… on recommence.

Chaque semaine, les huit meilleurs joueurs européens seront qualifiés pour la grande finale qui se tiendra à New York (26-28 juillet) et proposera une récompense supplémentaire de 30 millions de dollars.

Attention, là où ça se corse, c’est que pour pouvoir être sûr d’avoir accès à ces tournois, il faut que les joueurs aient atteint un certain niveau. C’est une nouvelle fonctionnalité du jeu : il y a un maintenant un classement, selon les performances, intégré au jeu, le mode « Arène ». Seuls ceux qui auront atteint le niveau « Champion » verront leur entrée aux tournois autorisée. C’est à ce moment que vos têtes blondes risquent de perdre pied et se bourrer le crâne avec l’obsession de progresser suffisamment. Ils auront incontestablement besoin de vous pour remettre le sens des réalités dans leur projet.

e-sport fortnite arène

Pour atteindre la Ligue Champion, il faut cumuler 300 points. Ceux-ci récompensent différents éléments dans chaque partie, comme le nombre de cible abattues, le rang atteint, etc. Une victoire rapporte 11 points, par exemple.

Je me suis farci pour vous les trente pages de règlement et voilà quelques conseils issus de ma lecture :

  • Il faut avoir 13 ans au minium pour participer!! Les mineurs doivent obtenir une autorisation parentale. Bien entendu, Epic Games ne prendra pas la peine de vérifier et le simple fait de cliquer sur « accepter le règlement » représente une preuve suffisante pour eux. Vous êtes donc, en tant que parents, responsables de la participation de vos enfants. Mais vous êtes donc aussi tout à fait légitime pour REFUSER la participation si le concept ne vous convient pas.
  • Il n’y a rien à débourser pour participer. Aucun achat dans la boutique du jeu ne fournit un quelconque avantage tactique.
  • Tous les joueurs peuvent participer, quelle que soit la plateforme utilisée (PC ou Console).
  • Les annonces de récompense peuvent faire tourner la tête. Prenez un moment pour en discuter avec vos bambins et pensez à remettre un principe de réalité au cœur de la démarche.
  • Un week-end sur deux, les tournois alternent entre compétition solo (chacun pour soi) et duo (par équipe de deux). Vérifiez bien le calendrier et assurez-vous d’un partenaire de confiance.
  • Pour savoir si vos enfants ont une chance, vérifiez avec eux leur niveau sur Fortnite Tracker (le site des classements mondiaux). Le site n’indique pas dans quelle ligue se trouvent les joueurs mais donnent une indication générale du niveau, ce qui représente une bonne mesure pour savoir qui aurait une chance face aux meilleurs.
  • Comprenez bien que la période de 18 h à 21 h n’est pas obligatoire, c’est bien le nombre de parties disputées qui fait foi (10). Si le joueur est éliminé rapidement, il perd une chance de marquer des points.
  • En cas de victoire, assurez-vous de ne pas manquer la prise de contact par Epic Games, sous peine de se faire disqualifier en l’absence de réponse rapide (email).
  • Le règlement stipule qu’un comportement irréprochable sera demandé aux joueurs vis-à-vis des adversaires, mais aussi des administrateurs et des fans. Il n’est donc jamais trop tard pour passer en revue les règles de courtoisie et de fair-play.

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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