La sortie d’une nouvelle console est toujours le théâtre de la même comédie. Entre ceux et celles qui jouent des coudes pour l’avoir en primeur sans trop se poser de questions sur le bien-fondé de la démarche et les autres qui vont les observer, envieux et envieuses, en rongeant leur frein jusqu’à pouvoir mettre leurs mains sur l’objet de leur convoitise. Alors, la Switch 2, on craque ou pas ?
Je vous fais une réponse rapide et ensuite je développe: la Switch 2 est excellente console, prometteuse, mais pour le moment l’intérêt à l’acheter est quasi inexistants. Soyez patients.
C’est de la bonne ?
Commençons par le positif, car il y en a beaucoup. OK, l’écran LCD est plus grand (7,9 ») et les performances graphiques sont améliorées (HDR, 120 images par secondes et 4K branchée à une TV). Mais dans le marché actuel, c’est un peu le minimum attendu que de flatter nos rétines. Même si les miennes ne sont pas vraiment dérangées par les taux de rafraichissement plus bas et que c’est toujours le gameplay plus que son visuel qui m’intéresse. Mais c’est un autre débat.
C’est bête à dire, mais le plastique de la console, des Joy-Con 2 ou de la nouvelle manette Pro est beaucoup plus confortable au toucher que précédemment. De la même manière, les tailles agrandies font que tout tient bien mieux dans des mains d’adulte. C’est donc très plaisant à manipuler et ça donne également l’impression d’une plus grande résistance et de meilleure facture. C’est agréable d’avoir le sentiment que les améliorations proposées sont « cohérentes » par rapport aux défauts de la grande sœur.
En mode tablette, on peut maintenant brancher le chargeur par le haut, plus besoin de surélever la console pour glisser la fiche en dessous. L’arrivée (enfin, des années après tous les concurrents) d’un port Ethernet directement dans la base (qui chez moi a demandé une manipulation d’activation moyennent intuitive, mais je ne sais pas si c’est courant). La station d’accueil est équipée de ventilateurs pour assurer un meilleur refroidissement. Ma Switch première du nom faisait un bruit de Genève Cointrain quand je jouais à Zelda: Tears of the Kingdom. La fixation magnétique des Joy-Con 2 qui m’avait fait douter lors de son annonce est diablement efficace.
Saluons encore le fait que les manettes Pro précédentes sont, ainsi que la quasi-totalité des jeux sortis sur Switch, directement compatibles avec la Switch 2.
On a donc l’impression que Nintendo a été à l’écoute des retours de ses utilisateurs et utilisatrices (pour une fois, ça sonne vrai et pas uniquement comme un élément de langage marketing). En revanche, la petite touche « gênante » (une tradition) est la sortie de la caméra, pur accessoire qui renvoie dix ans en arrière en termes de résolution. Dispensable. On pourrait lui reprocher de n’être au final qu’une Switch 1.7 (la 1.5 étant la Switch Oled) tant le registre d’amélioration ne représente pas une grosse révolution. On est moins proche de la transition de la Gamecube à la Wii que de la Wii vers la Wii U, avec un avenir qu’on lui souhaite meilleure qu’à cette dernière.
Pourquoi faut attendre alors ??
Tout à l’air au beau fixe, non? Ce qui pêche c’est l’irrationalité de se ruer sur un produit qui ne sert à rien au moment de sa sortie et qui coûte… 510 CHF (voire 470 pour la version sans Mario Kart World, mais alors ça sert encore plus à rien).
Oui, c’est cher. Tout comme les jeux eux-mêmes. L’argument massue de la Switch était son prix qui la rendait particulièrement attractive pour les familles. C’est à cette accessibilité et au fait qu’elle soit sortie en pleine période COVID qu’elle doit son succès. Maintenant, il faut convaincre ces mêmes familles de repasser à la caisse huit ans plus tard… avec aucun autre jeu que Mario Kart World. Ce dernier fait l‘objet d’un article plus détaillé ici, mais disons le simplement ce n’est « qu’un Mario Kart« . Toujours fun, mais pas révolutionnaire non plus et surtout pas assez original pour justifier à lui seul l’achat d’une console.
Bien entendu, d’autres jeux sont disponibles au lancement (dont Fortnite, évidemment…), mais il s’agit de jeux d’éditeurs tiers, déjà accessibles sur l’ensemble des supports de la concurrence. Donc si vous avez n’importe quelle autre console, il y a fort à parier que vous les possédez déjà. Ce n’est pas rare que le catalogue de lancement d’une console soit assez famélique, mais en achetant l’appareil à ce moment-là, les consommateurs et consommatrices envoient deux messages forts: le premier, c’est que le prix élevé ne dérange pas plus que ça et que nous faisons une confiance aveugle dans la suite des opérations et dans les titres à venir.

Gadget aussi vite annoncé qu’oublié? Ou nouvelle fonctionnalité qui fera la différence? La possibilité d’utiliser les Joy-Con 2 comme souris laisse encore un peu pantois.
La première Switch a su montrer que cette confiance pouvait porter ses fruits. Mais la carrière de la Wii U est le parfait exemple de ce qui peut se transformer en débâcle. Pour rappel, le dévoilement de cette console, en plus de n’être pas claire pour la plupart des gens, s’accompagnait en grande pompe d’annonces concernant des éditeurs tiers qui promettaient de développer des titres spécifiques à ce support. Résultats des courses, il y avait des bons jeux sur la Wii U mais moins que prévus et surtout ne faisant quasi pas appel à ses spécificités techniques.
Là, en principe, si vous êtes l’avocat ou l’avocate du diable, vous me répondrez que si plus de Wii U avaient trouvé preneurs, les éditeurs tiers ne se seraient pas retirés. Et vous auriez probablement raison. Reste que je trouve sensible cette idée d’investir les yeux fermés. La prochaine exclusivité à la Switch 2 sera Donkey Kong Bananza qui doit sortir le 17 juillet. Je lui reconnais volontiers une annonce plutôt prometteuse, mais tant qu’on n’aura pas pu mettre nos mains dessus (ou pour vous d’attendre notre test), difficile de savoir si c’est un jeu de qualité.
Si les jeux Switch 1 sont bien compatibles avec la 2, certains proposeront de payer pour le téléchargement de pack de texture HD. J’ai essayé sur Zelda Tears of the Kingdom et c’est vrai que c’est un peu plus beau et plus fluide, mais après quelques minutes on s’y est habitué et on ne voit plus la différence. Sachez néanmoins que si vous avez un abonnement « Famille », ces packs de textures sont gratuits. Pas comme le jeu de présentation/découverte de la console, Nintendo Switch 2 Welcome Tour, vendu 10 CHF, là où Sony avait eu le coup de génie de proposer Astro’s Play Room non seulement gratuitement avec la PS5, mais regorgeant d’idée de gameplay sympa.

Nouveauté également réjouissante, comme sur la 3DS en son temps, il est désormais possible de jouer ensemble, localement ou en ligne, avec un seul exemplaire du jeu grâce à la fonction « Game Share ». Il est même possible de partager un jeu depuis une Switch 2 vers une Switch 1.
Cher Père Noël…
Je déplore cette surenchère sur le « Day One ». Cette mise en scène ne fait que monter l’envie de posséder un objet qui brille par son inutilité au même moment. La Switch 2 semble être une bonne console et je lui prédis un avenir grandiloquent en termes de possibilités. Du côté du porte-monnaie de Nintendo, pas de souci à se faire, puisque déjà plus de 3,5 millions de consoles ont été vendues en quatre jours (y a encore trop de gens qui ne lisent pas Semper Ludo). Le fait que les manettes et les jeux soient rétrocompatibles est clairement un plus et c’est très plaisant de jouer dessus.
Mais une fois qu’on a parcouru de manière un peu frileuse le contenu de Mario Kart World, la Switch 2 s’est mise à prendre la poussière chez la plupart de gens que je connais qui se sont rués dessus à la sortie. Avant la commercialisation de Donkey Kong Bananza et la confirmation de son potentiel, vous pouvez largement attendre. Voire peut-être même d’ici la fin de l’année? N’escomptez cependant pas de diminution de prix, cela fait longtemps que les consoles de Nintendo sortent dès le départ avec un prix minimal. Par contre, l’arrivée de packs promotionnels pourraient commencer à valoir la peine. On pense notamment à Metroid Prime 4 (également prévu sur Switch 1).
Je suis content que les mises à jours techniques de la console soient cohérentes et ne sentent pas l’esbroufe, mais de plus en plus en tant que joueurs et joueuses, nous devrions pouvoir freiner nos ardeurs et notre fièvre acheteuses pour se poser la question du bon moment auquel acheter. Sans encore même aborder des questions d’écologie et de préservation des ressources. Je pense particulièrement lorsque ce sont les enfants qui demandent à recevoir une nouvelle console.
Rappelez-vous qu’on n’a pas plus de fun sur une nouvelle console que sur l’ancienne, mais que l’illusion de la nécessité de posséder pour avoir l’appartenance est plus forte avec la dernière nouveauté en date. Et que peur de manquer crée la demande et joue sur les ruptures de stock. Schopenhauer doit bien se marrer en nous regardant. Si vous voulez creuser plus cette sortie de console, nous en avons fait une vidéo, à consulter ci-dessous. Et en attendant, croisons les doigts des quatre mains pour la sortie de Donkey Kong Bananza.