Papy fait de la résistance afghane (bis) [Metal Gear Solid V: The Phantom Pain, PC]

Il est 1h30 du matin. Je viens de terminer l’ultime mission secondaire de Metal Gear Solid 5. Je pose ma manette, un peu fébrile et hagard. Assis sur le fauteuil derrière moi, un joueur hipster, enroulé dans son écharpe en laine, tire sur sa cigarette électronique. Il a les yeux qui luisent et rougeoient étrangement, il se penche vers moi et me demande: « Alors, t’as aimé?« .

Si vous aviez déjà lu notre article paru dans le « Vivre la Ville » n°27 (16.09.2015), vous aviez pu constater de manière évidente notre avis enjoué. OUI Monsieur, un test fait à la sortie du jeu! Maintenant que j’ai fait le tour complet du propriétaire, je suis nettement moins dithyrambique. « Oh allez, tu l’as quand même bien aimé ce jeu, non? Tu vas pas faire ton rageux et en dire du mal juste pour faire genre sur Internet, si?« , s’interroge le joueur hipster. Oui, j’ai bien aimé le jeu. Ou en tout cas j’ai beaucoup aimé son squelette. Son enrobage en revanche, c’est une autre paire de manche. Mais reprenons depuis le début.

1er paragraphe, by Founet.

Metal Gear Solid 5 chevaux

Toute ressemblance avec un sorcelleur grisonnant, à long cheveux et sur un cheval serait purement fortuite.

Après un premier mini-scandale autour d’un prologue vendu trop cher (Ground Zeros), Hideo Kojima et son équipe sortent enfin  Metal Gear Solid 5: Phantom Pain. Ceci se passe dans un climat de tension et de désaccord avec Konami qui aurait pressé pour que le jeu se termine et qui a ensuite gentiment remercié Kojima en lui montrant la porte. Ce n’est certainement pas étranger aux critiques que je fais au jeu mais nous y reviendront. MGSV est donc un jeu d’infiltration dans la pure tradition de ses prédécesseurs. On y incarne Snake, qui n’est pas Solid Snake, mais Big Boss et non pas The Boss, qui était une femme et le mentor de Snake, le vieux. Ne vous en faites pas, finalement c’est pas trop important, sauf à la fin du jeu. Ce moment venu, je vous recommande chaudement un petit tour sur la page Wikipedia de la série pour vous rafraichir la mémoire. Pour moi c’est un peu le « syndrome Resident Evil« : le scénario tenait bien la route, mais au fil des épisodes ça devient vraiment n’importe quoi. C’est parce que c’est japonais? Çà l’est toujours moins que Metal Gear Rising: Revengeance (spin off de la série). Mais je digresse. Le jeu démarre donc 9 ans après les événements de Ground Zeros. Snake s’éveille dans un hôpital, plus ou moins amnésique (ce qui m’arrange bien vu les lacunes que j’ai dans l’histoire des épisodes précédents) et des commandos qui le cherche, visiblement, mettent l’endroit à feu et à sang. Commence alors une sorte de prologue dans lequel on apprend quelques bases, suivant une narration plutôt soignée, mais qui nous interrompt toutes les deux minutes pour nous coller une cinématique. Mais laissez-moi jouer bon sang! « Non mais c’est normal, c’est pour créer une ambiance, tu dois sentir que tu es faible à travers le personnage et que tu ne contrôle pas tout« , m’explique le joueur hipster.

Metal Gear Solid 5 prologue

Dans le prologue, vous tentez de vous échapper entre deux cut-scene et une paire de fesses.

2e paragraphe, by Founet.

On fini par retrouver ses anciens camarades de guerre et hop, direction l’Afghanistan de 1986 pour jouer de vilains tours aux méchants soldats russes qui y sont stationnés. On touche là aux deux éléments les plus soigné du jeu: la documentation sur la situation géopolitique réelle, à laquelle on accède via les cassettes audio et surtout le gameplay d’une efficacité remarquable. C’est grâce à cela que nos premières impressions étaient excellentes. L’accent est mis sur l’infiltration et des tas de possibilités s’offrent à nous pour mener à bien les missions. Les ennemis vont d’ailleurs se mettre à apprendre certaines techniques si l’on utilise toujours les mêmes. Les événements ne se passent pas toujours de la même façon et il est tout à fait possible que rien ne se passe comme prévu. Il vous faudra alors réfléchir vite et bien pour vous adapter. Pour cela rien à redire, au contraire, puisque les missions principales de la campagne sont variées, dynamiques et prenantes. Elles sont d’ailleurs autant d’occasions de faire travailler nos méninges et de développer des trésors de créativité.

Metal Gear Solid 5 radars

Faire sauter les radars ou les systèmes de communication modifiera les possibilités d’accomplir votre mission.

Par exemple, il m’est demandé de détruire une colonne de tank avant qu’elle n’arrive dans une base ennemies. Je regarde la carte sur mon iDroid (iOS; Android; la blague, lol) et vois que l’itinéraire passe par un petit canyon. Je me rappelle cette fameuse scène du film Danger Immédiat dans laquelle les voitures d’Harison Ford et ses potes sont piégées dans une ruelle, pendant que des terroristes leur tire dessus au lance-roquette. Je place donc mon cheval sur la route, pose du C4 à plusieurs endroits en amont et remonte au sommet du canyon. Je me cache et attend. Le convoi arrive, freine pour éviter le cheval et s’arrête, pile au dessus de mes charges de C4 que je m’empresse de faire sauter. Le premier véhicule disparait dans les flammes, tandis que je me redresse et balance une roquette sur le celui formant la queue du convoi, qui ne tarde pas à se retrouver dans le même état. Le camion du centre tente alors de se frayer un chemin parmi les débris, mais ne peut pas manœuvrer suffisamment et une deuxième roquette vient l’expédier au paradis des utilitaires. Je jubile! C’était génial! J’adore qu’un plan se déroule sans accro et le joueur hispter hoche la tête de satisfaction.

Metal Gear Solid 5 nuit

Attendre que la nuit tombe est souvent une bonne stratégie.

La liste des bonnes idées est longue: repérer et observer les cibles avant d’infiltrer la base, interroger des soldats pour en savoir plus sur la situation, les combats « à l’ancienne » contre un personnage ennemi récurrent dont il faut apprendre les patterns et les points faibles, l’idée d’intégrer des chansons connues à la bande son (aspect encore trop peu exploité dans les jeux selon moi. Big Up Prince of Persia 2, Far Cry 3, Bioshock Infinity, Hotline Miami, entre autres.), ou encore le chien, qui facilite grandement l’identification des ennemis mais qui conduit aussi à se faire repérer plus vite parce qu’il court partout. C’est bien pensé puisqu’un avantage s’accompagne d’un désavantage. En revanche, il n’en va pas de même pour la gestion de la base (un peu comme dans les Assassin’s Creed où l’on gère ses équipiers), passablement confuse, ni en ce qui concerne les quêtes secondaires qui sont d’une indigence, ma pauvre Lucette, tu n’imagines même pas. C’est à ce moment que mes sentiments ont commencé à être mitigés. Comment on peut avoir un point d’accroche si bon et se gauffrer autant sur les détails?

Metal Gear Solid 5 environnements

On évolue principalement dans deux types de décors, l’Afghanistan et l’Angola. Beaux mais n’influençant que très peu le gameplay.

Toutes les missions annexes et non-obligatoires se ressemblent. Elles sont principalement de quatre types: extraire un prisonnier, extraire un soldat, détruire une unité blindée, éliminer l’infanterie lourde. Et c’est tout, pas même un infime travail de rédaction ou de mise en scène, rien. « Mais justement, ça te permet de trouver toi même tes propres techniques, rien n’est imposé, tu peux remplir la mission comme tu le souhaites« , argumente le joueur hipster. Sauf que non, il faut être un peu réalise, même si on peut utiliser divers gadgets pour arriver à ses fins, on fait TOUT LE TEMPS LA MÊME CHOSE! Je me suis d’ailleurs rappelé l’obsession de Vaas, le méchant de Far Cry 3, pour la folie et sa définition consistant à faire encore et encore les mêmes actions. Au début du jeu ces quêtes secondaires servent à débloquer des éléments utiles pour la mission principales, puis cette caractéristique disparaît complètement au profit du seul but d’amasser de l’argent. Ressource financière qui s’avère au final peu nécessaire si on se contente d’investir uniquement dans les armes non-létale (l’infiltration étant l’essence même du jeu, je le rappelle). Progressivement il nous est proposé de refaire plusieurs fois les mêmes missions, avec une difficulté croissante. Les objectifs restant scrupuleusement les mêmes. Cette idée de débloquer une version plus difficile du jeu se retrouve justement aussi dans les Resident Evil. Je n’ai jamais été motivé par ce principe à la base, mais ici il flingue complètement l’immersion. Nous sommes tirés hors de l’histoire pour se ré-ancrer dans un contexte typé « jeu vidéo ». Non seulement refaire ce qu’on a déjà fait est frustrant (nettoyez un avant-poste de fond en comble, tout aura repris sa place initiale à votre prochaine visite) mais en plus  on revoit les mêmes vidéos, ce qui na plus aucun sens. « Mais ça prolonge l’expérience de jeu, tu vois et le jeu vidéo ce n’est pas forcément une narration linéaire« , dit en souriant le joueur hipster.

Psychologie d’aéroport, by Founet.

Metal Gear Solid 5 roi lion

C’est l’histooooire de la vie!

Puisque nous sommes dans la narration, parlons un peu du scénario qui se perd complètement dans des divagations militaro-économiques au fil de la progression, notamment dès l’acte deux. Ce qui commençait très bien, avec un suivi géo-politique collant à la réalité tout en l’agrémentant d’une touche de fantastique bienvenue, se transforme en bouillie testostéronée dès la fin de l’acte 1. On se retrouve donc avec des personnages de plus en plus clichés. Ocelot et Miller, les deux aides de camp, incarnant alors de piètres pastiches d’une dualité inconsciente, respectivement les rôles de « ça » et de « surmoi », se disputant l’esprit de Snake. Ils interviennent ainsi de manière désincarnée, via les communications radios, pour donner leur avis sur les situations en cours, ce qui nous place devant des choix moraux, une dispute entre « bien » et « mal » trop grossière, puisque la manière non-létale est toujours plus récompensée. Ça manque un peu de finesse. Dans le même registre, le personnage de Miller voit en Snake une sorte de messie que les soldats suivront aveuglement. Serait-ce un autre pied-de-nez de Kojima? Je suis tenté d’y voir un symbolisme métaphorique adressé à Konami. « C’est lui le chef, il fait ce qu’il veut, de toute façon les joueurs le suivront« , semble acquiescer le joueur hipster. Mais je crois qu’il va chercher un peu loin. Et je ne suis pas comme ces militaires qu’on assomme, qu’on ligote au Fulton (un ballon atmosphérique qui envoie tout ce qu’on veut dans notre base aux Seychelles. Ça reste toujours marrant à faire et ça reste aussi une très bonne idée de gameplay) et qui retournent leur veste pour embrasser la cause de Snake. Non, je suis pas comme ça Monsieur Kojima, ça ne suffit pas de me ligoter à un excellent gameplay pour que je vous suive partout. Il faut plus qu’un gameplay pour faire un jeu aboutit. D’ailleurs, on est dans un jeu vidéo, alors pourquoi abuser des ralentis à outrance dans les cinématiques, des angles de caméra hyperactifs, mais surtout de ces « to be continued », apparaissant après un événement marquant, alors que la suite arrive juste après, contrairement à une série TV? Idem concernant ces génériques pénibles à la fin de chaque missions? Encore un développeur frustré qui aurait tant voulu faire du « vrai art », comme le cinéma ou la TV (ça c’est sérieux), au lieu d’être cantonné à ce parent pauvre qu’est le jeu vidéo? « Non mais là tu vas un peu loin. Cet argument est difficilement défendable aujourd’hui, vu la place que prend le jeu vidéo », ricane le joueur hipster et je dois reconnaître qu’il a probablement raison. Mais alors pourquoi? Pourquoi ces artifices qui n’amènent rien, cassent le rythme et en deviennent pathétiques?

Metal gear solid 5 chien borne

J’ose poser LA question: est-ce que les types sur la base ont rendu le chien volontaire borgne pour le style?

Les femmes, by Hideo Kojima et Hideo Kojima, by Founet.

Une-femme-un-pull-une-pipe

Remplacez la pipe par un cigare et vous avez Metal Gear Solid 5.

Si vous trainez un peu vos basques dans cet endroit formidable qu’est Internet, le sujet vous aura sûrement sauté aux yeux, difficile de la rater en même temps. Il n’y a qu’un seul personnage féminin dans tout le jeu et quoi de plus normal que de l’envoyer au combat vêtu uniquement d’un soutien-gorge et d’un string? Parce que Snake il a un pantalon et un gilet pare-balle, lui. Quelle idée, pour aller gambader en zone de conflit, il est pas swag, ton look ça va pas du tout ma chérie. Pour moi c’est la goutte d’eau. Ce choix esthétique est vaguement expliqué par un argument bidon du scénario, qui aurait encore pu passé, mais qui est complètement décrédibilisé par les poses lascives du personnages et les zooms éclairs sur ses seins et ses fesses. Pffff vraiment? On est 2015 zut. [SPOILER] Et forcément elle tombe amoureuse de Snake et on a droit à une cinématique dans laquelle elle se roule sous la pluie, candidement. Puis soudain [Re SPOILER], vers la fin du jeu, Snake doit aller la sauver et nous la voyons défoncer très violemment ses geôliers et notamment leurs bijoux de famille. Alors je te vois venir, joueur hipster, tu vas me dire que ces soldats qui prennent cher représentent les joueurs qui se sont rincé l’œil pendant tout le jeu mais qu’en fait elle est bad ass? « Hehe non en fait… Ah ben si c’était ça. Tu comprends vite« . Je n’ai rien contre le fait d’aller sauver une demoiselle en détresse de temps en temps, mais là je m’offusque. Qu’Hideo Kojima mette son nom partout toutes les deux secondes c’est pénible (comme illustré subtilement dans les titres de chapitres de cet article, ou dans cette vidéo), mais je comprends, éventuellement, que c’est sa façon de faire un baroud d’honneur vis-à-vis de Konami, que c’est son oeuvre et qu’il la revendique comme telle. Soit, le message que Kojima veut passer en livrant un tel jeu, j’imagine, c’est que les joueurs ont aussi droit à leurs « oeuvres », qu’ils sont capables d’apprécier un produit complet, capables d’analyser un contexte politique et de critiquer les dérives des conflits modernes, d’avoir une opinion sur la course à l’armement nucléaire, puis on a… des boobs. C’est complétement contre productif et limite insultant, puisque ça renvoie, encore une fois, au cliché du joueur adolescent lourdeau sous l’emprise de ses hormones. Comme si nous étions aussi cons que les soldats du jeu attirés par une fille peinte sur une boite en carton… Ce dernier élément, que nous avions vu à la Gamescom, semble d’ailleurs avoir été retiré du jeu final…

Metal Gear Solid 5 Quiet

Metal Gear pas si solide.

Metal Gear Solid 5 voiture

La jeep: votre meilleure amie pour éviter de trop longues errances sur la carte. Par contre Snake est un piètre conducteur…

« Donc tu te donnes un genre en critiquant le jeu sur Internet. Tu cherches les clics en donnant un avis négatif en surfant sur le créneau des haters« , m’assène le joueur hipster, appuyé par son regard rougeoyant. Probablement que chacune des critiques que j’ai émise aurait pu être tolérée sans leur combinaison, mais dans la perspective d’une vue globale, ça coince. D’où l’intérêt d’avoir pu explorer suffisamment un jeu avant d’en parler. Navré pour le premier article qui était donc un peu trop enjoué. Promis, on le fera plus. Je suis à la fois énervé et fier d’avoir pris autant de temps pour finir entièrement le jeu. Peu de temps avant, Zyvon m’annonçait qu’il avait terminé Witcher 3 avec ce commentaire: « Lopette MGSV. Trop court ce jeu« . Je suis surtout en position de mesurer un trop grand décalage entre des idées géniales et du travail bâclé. Franchement, nous faire récupérer de temps en temps un plan, un dossier ou un microfilm au lieu d’un soldat ou simplement écrire « personnel médical », avec un brin de contexte, au lieu de « prisonnier », ça leur aurait couté un bras? On peut prétexter que Konami a pressé Kojima pour qu’il sorte le jeu, mais au final on s’en fout un peu, non? Ce qui compte c’est que c’est « incomplet ». Rappelons qu’une douleur fantôme décrit une blessure inexistante, ressenti par une personne amputée, sur son membre manquant. C’est peut être ça mon impression: un mal-être dans une expérience de jeu gâchée, dans ce qu’elle aurait pu être mais qui a disparu. Je crois surtout qu’il est l’heure que j’aille me coucher, j’ai des hallucinations de hipster.

Note: 5 boites en carton sur 10

Également disponible sur PS3, PS4, Xbox 360 et Xbox One

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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