Lors de sa sortie initiale sur Nintendo 3DS en 2012, Bravely Default allait à contre-courant de ce qui se faisait alors dans le monde du JRPG. Là où les grosses productions de l’époque (sur PS3 et Xbox 360) tentaient à tout prix de moderniser le genre, en incorporant des systèmes de jeu toujours plus compliqués les uns que les autres, Bravely Default proposait une aventure beaucoup plus classique, qui revendiquait ouvertement son héritage des premiers Final Fantasy. Son prédécesseur, Final Fantasy: The 4 Heroes of Light (du même producteur, mais pas du même studio) était d’ailleurs une sorte de jeu-hommage à la légendaire série de Square Enix. Bravely Default avait réussi à séduire la critique (sauf Founet) par son classicisme assumé, mais aussi par quelques trouvailles de gameplay qui lui donnaient une identité propre. Treize ans plus tard, le voilà qui revient en HD pour garnir le lancement de la Switch 2.
Fight On! (and on, and on, and on)
L’accroche principale de Bravely Default, et ce qui le démarque de ses inspirations, c’est son système de combat. Il repose sur une idée simple, mais intéressante : l’alternance entre « Brave » et « Default ». Utiliser « Default » permet de se mettre en défense et d’accumuler des points d’action, que l’on dépense ensuite via « Brave » pour enchaîner plusieurs tours d’un coup, jusqu’à un maximum de quatre. Il est aussi possible de dépenser des tours via « Brave » sans les avoir économisés avant, au risque qu’un personnage se retrouve en déficit, et doive passer plusieurs tours sans rien faire.

Les combats se déroulent de façon classique, au tour par tour. Les options « Brave » et « Default » ajoutent un peu de stratégie, mais n’empêchent pas la routine de s’installer.
Sur le papier, ce système invite à planifier ses offensives, à prendre des risques calculés et à anticiper les tours de l’adversaire. En pratique, une routine s’installe rapidement : la grande majorité des combats aléatoires se gagnent en lançant d’emblée quatre attaques avec chacun de ses personnages, ce qui expédie les affrontements en un seul tour. Efficace, certes, mais répétitif à la longue. Seuls les boss demandent une certaine maitrise du système, car se retrouver en déficit de tours peut se révéler fatal. Il convient alors de prendre un peu plus son temps, et de surveiller les points de vie restants des ennemis afin de déterminer quand il devient sûr de lancer une offensive totale.
Comme l’impression d’aller au job
L’autre pilier du gameplay de Bravely Default, c’est le système de jobs. Ce dernier reprend une mécanique bien connue des amateurs de JRPG : chaque personnage peut changer librement de classe et acquérir des compétences à mesure qu’il progresse. On peut ainsi avoir dans son équipe un mage noir disposant des sorts utilitaires d’un mage blanc, ou un combattant à mains nues doublé d’un invocateur. Une liberté qui rappelle directement Final Fantasy V, dont Bravely Default se veut l’héritier spirituel à cet égard. Mais là encore, si la variété des classes amuse au début, et promet tout un tas de possibilités, on retombe assez vite dans une certaine routine.
Tout d’abord, car chaque nouveau job débloqué démarre au niveau 1, ce qui demande d’investir du temps pour monter de niveau (le niveau global des personnages, lui, n’est heureusement pas réinitialisé). Mais aussi, car il semble que certaines stratégies soient clairement plus efficaces que d’autres – de l’expérience que j’en ai eue, en tout cas. J’ai par exemple trouvé que les jobs « physiques » étaient capables de fournir bien plus de dégâts avec leurs attaques régulières que certaines de leurs compétences, ce qui poussait à taper bêtement dans le tas, en gardant quelques sorts de côté au cas où. Le système reste cependant solide, et nul doute que les bidouilleurs passeront du temps à expérimenter les différentes combinaisons pendant des heures.
Faire du neuf avec du vieux (ou l’inverse)
Côté direction artistique, Bravely Default HD Remaster met en valeur les décors aux allures d’aquarelles, qui conservent un charme indéniable en haute définition. Les personnages, eux, accusent un peu plus le poids des années, avec des modèles 3D simplistes qui rappellent immédiatement leur origine portable. La musique, signée Revo, reste en revanche un pur régal : les thèmes sont entrainants, épiques, et soutiennent aussi bien l’exploration que les combats. On pourra regretter que les morceaux ne se renouvellent pas assez, mais j’ai peut-être déjà assez chipoté… non ?

Ce remaster HD apporte quelques mini-jeux complètement anecdotiques, utilisant les fonctionnalités des Joy-Con 2.
Bravely Default HD Remaster ajoute quelques ajustements bienvenus, comme la possibilité d’accélérer la vitesse des combats ; ce qui n’est pas du luxe, vu leur rythme ! Le jeu original disposait déjà d’options de « qualité de vie », novatrices pour l’époque, que l’on retrouve ici. Une des options très appréciables est la possibilité de moduler la fréquence des combats aléatoires, à la baisse comme à la hausse. Que ce soit pour fouiller un donjon à la recherche du dernier coffre manquant sans se faire attaquer tous les trois pas, ou pour monter des nouveaux jobs, cette option se révèle vite indispensable.
Mention honorable également pour l’automatisation des combats, via un menu dans lequel on sélectionne des presets d’actions pour nos personnages. Si l’on ne peut que saluer la présence de toutes ces options de confort, on se rend malheureusement vite compte qu’elles servent surtout à atténuer une structure de jeu qui peut vite sembler fastidieuse.
Un JRPG qui parle beaucoup… trop
C’est peut-être là le plus gros reproche que j’aurais à faire à Bravely Default HD Remaster : sa lenteur, qui se ressent à tous les niveaux, notamment dans la narration. L’histoire en elle-même n’est pas nécessairement à blâmer. Elle coche toutes les cases du JRPG traditionnel : des cristaux à purifier, des héros stéréotypés, une grande menace tapie dans l’ombre. Rien de bien original, mais le tout se laisse suivre avec un certain plaisir nostalgique. Le problème, c’est que le jeu s’encombre de dialogues interminables, rarement captivants, qui alourdissent considérablement le rythme (le personnage de Ringabel est insupportable).
Le scénario n’est pas assez proéminent pour justifier autant de bavardages ; et je ne parle même pas de ceux qui garnissent les quêtes annexes et toutes les discussions optionnelles ! Pour moi, Bravely Default a le cul entre deux chaises : celle de la simplicité scénaristique de ses ancêtres, et celle de la surabondance des dialogues, plus symptomatique des JRPG récents. J’eus préféré qu’il reste assis sur la première.
J’aurais bien aimé être plus positif vis-à-vis de ce Bravely Default HD Remaster. Le squelette est intéressant. La boucle de gameplay plutôt bien rodée. Le jeu est agréable à regarder et à écouter. Mais il y a malheureusement un peu trop de gras pour mes goûts ; j’aurais nettement préféré qu’il assume encore plus sa simplicité, pour que l’aventure soit plus fluide et plus vive. Difficile aussi de vraiment cerner à qui ce remaster s’adresse. Il a le mérite de profiter du lancement de la Switch 2, et séduira certainement quelques nouveaux acheteurs. Mais quand je vois Fantasy Life i en face, et tout le catalogue des JRPG sortis sur la première Switch (dont Bravely Default II, apparemment mieux rythmé), j’ai du mal à me dire que Bravely Default saura convaincre.
Note : 6 jobs débloqués / 10
Disponible exclusivement sur Nintendo Switch 2