Du point de vue de l’univers, Hyrule Warriors: l’Ère du Fléau est à Breath of the Wild ce que les épisodes 7 à 9 sont à Star Wars ; il est préférable d’ignorer ce qui s’y passe et faire au mieux pour s’amuser. Tout part d’une bonne intention, à savoir relater la guerre qui a opposé le peuple d’Hyrule au retour prophétisé du Mal, cent ans avant Breath of the Wild. Mais dès le début – et également pour justifier plusieurs dei ex machina à venir – l’histoire se base sur un voyage dans le temps, qui doit forcément aboutir sur des paradoxes. J’y reviendrai.
Tout comme le précédent opus, L’Ère du Fléau est fondamentalement un Dynasty Warriors avec un habillage Zelda (BotW, en l’occurrence). Bon, ça va plus loin que ça quand même. Pour commencer, je dirais qu’environ tous les assets ont été réutilisés dans cette mixture. Les amis, ennemis et les armes bien sûr, mais aussi tous les matériaux, les recettes, les effets sonores et les menus. Le principe du jeu est, lui, calqué sur la mouture précédente. On contrôle un héros qui va décimer des hordes de monstres à grands coups de panache.

Dégommer à la pelle ces bokoblins qui demandent facilement une minute pièce dans BotW, c’est thérapeutique.
Dans certaines batailles, il faut parfois capturer des avant-postes ennemis ou escorter des alliés. Mais le mode opératoire est pareil : faucher tout ce qui se dresse sur son chemin. Outre la chair à canon, on croise également le fer avec des capitaines plus coriaces et bien sûr des boss. Chaque héros possède une panoplie d’attaques faibles ou fortes que l’on peut enchaîner, des baguettes pour invoquer les éléments et les pouvoirs de la tablette sheikah, qui peuvent par exemple figer un adversaire.
L’air de rien
Il faut constater qu’un certain effort a été fourni pour créer un monde pré-apocalyptique dans l’esprit du jeu de la légende. Tous les terrains de bataille sont extraits de la géographie de BotW. Si l’on ne peut pas les explorer librement, on reconnaît facilement les emplacements. En outre, des villages et des bourgades sont debout là où des ruines sont présentes dans le jeu de 2019. D’ailleurs, certains chapitres de l’histoire retracent des affrontements dont on ne peut que deviner l’intensité dans BotW, comme à la Forteresse d’Akkala ou au mur d’Elimith.
En définitive, ce sont ces moments-là qui m’ont fait dire « Ah ça, c’est cool. ». Retrouver la géographie d’endroits que j’avais explorés dans le futur du passé (ça me réussit pas ces voyages dans le temps). Découvrir à quoi pouvaient ressembler des lieux familiers avant les ravages de la guerre.
Zelda Connor ?
Comme je l’ai mentionné au début, tout le scénario se base sur un voyage dans le temps d’un objet antique que Zelda gardait dans son étude. Objet ayant marqué son enfance, mais dont elle a oublié l’existence pour des raisons scénaristiques. Objet fragile, mais qui suit inutilement Link dans toutes les batailles. L’équipe de Koei Tecmo aurait simplement pu choisir d’interpréter les évènements menant à la défaite des humains avant BotW. Garder une bonne partie du contenu et du système de jeu, mais terminer par la perte des héros. Impensable. D’où les voyages dans le temps qui mettent à la poubelle toute logique inter- ou intrajeu. Voyages qui permettent de faire apparaître de nouveaux personnages au moment voulu, parce que c’est dans le script. Et tant pis pour le divulgâchage.
Mais ces personnages sont évidemment les descendants des prodiges qu’on a déjà croisés dans l’autre jeu, le bon. Ils se retrouvent donc à côtoyer leurs ancêtres, créant ainsi des situations ubuesques, comme le cas de Sidon le Zora, qui fait équipe avec sa sœur qu’il a vu mourir lorsqu’il était enfant. Personne ne se pose plus de questions que ça et en route pour la baston. D’autant plus que ces gens « repartent dans leur époque » à la fin. Mais on ne sait pas trop où, car leur passé a été modifié et si ça se trouve Marty McFly n’est jamais né.
Zelda Barbara
Au final, la moitié de l’histoire se calque sur les souvenirs de Link, ceux récupérés dans BotW où l’on redécouvre la nature du lien entre Zelda et lui. Si, comme moi, vous avez trouvé la narration de certains de ces passages un peu surjouée, L’Ère du Fléau rallume le sapin. Entre les accents exagérés (en anglais, je ne mets jamais de doublage français) et Zelda qui n’en finit pas de se plaindre « Bouhouhou je suis trop nulle et pis Link il est trop foooort », c’est un véritable festival. Alors que sur le champ de bataille, Zelda est tout aussi capable que les autres (même si elle n’est pas au top). Sans compter les autres Prodiges, dont la personnalité est limitée au panel d’émotions et de comportements qu’on connaît du titre original.
Là où le premier Hyrule Warriors avait su nous surprendre avec un contexte sortant des livres de l’histoire d’Hyrule, L’Ère du Fléau se complait dans une mouise paradoxale. Non pas que j’attende beaucoup du scénario d’un titre de la saga Warriors, mais le champ était ouvert pour un récit plus libre. Quitte à partir sur une dystopie complète où le Mal est vaincu sans voyageurs du temps, ou alors raconter la guerre dix mille ans avant BotW, et pourquoi pas avec Link qui parle !
Taper n’est pas jouer
En considérant que la narration est uniquement un prétexte à bastonner du monstre, qu’est-ce qu’il nous reste ? Honnêtement, les deux premiers tiers du jeu se suivent et se ressemblent. Les objectifs des missions sont peu variés, tout comme les adversaires. Comme on peut envoyer plusieurs héros à la bataille, il est possible de passer de l’un à l’autre ou de donner des instructions, typiquement de se rendre à une destination. Avec un peu de planification, ça évite de devoir traverser la carte à pied et de se concentrer sur les objectifs.
Rapidement, font leur apparition les séquences avec les créatures divines, ces méchas colossaux fabriqués lors de la précédente guerre. À ce moment-là, les victimes se comptent par milliers. Même si c’est graphiquement un peu pauvre, c’est assez marrant de semer la désolation de cette façon, malgré le motion gaming assez approximatif. Ce n’est que vers la fin du jeu que des ennemis dignes de ce nom débarquent, tels que les Gardiens ou les Lynels. Comme ils ne se promènent pas seuls généralement, ils donnent un peu plus de fil à retordre que les capitaines usuels. Le vrai défi est d’utiliser un autre personnage que Link pour en venir à bout, car il aura probablement vingt niveaux de plus que les autres à ce moment-là.
L’Ère du matériau
Ce que je pense être la meilleure mécanique du jeu est le système de contre, qui utilise les pouvoirs spécifiques de la tablette sheikah. Certains ennemis ou boss affichent un symbole un court laps de temps avant leurs attaques puissantes. En invoquant le bon pouvoir au bon moment, il est possible de contrer l’attaque et de laisser l’adversaire sans défense, le temps de lui maraver sa gueule. Les invocations ayant un cooldown, il faut savoir les gérer dans les affrontements massifs.
L’Ère du Fléau regorge de petits machins qui ne sont là que pour rallonger la durée de vie du jeu. Déjà, il y a toutes les missions secondaires qui apparaissent à foison après chaque chapitre. Certaines sont d’ailleurs plus originales que le mode histoire. Il faut parfois amasser des rubis dans un temps limité ou ne subir aucun dégât. Ensuite, il y a les centaines d’aptitudes à débloquer pour augmenter, par exemple, la santé des combattants ou leur nombre de combos.
Ces améliorations s’échangent contre des matériaux, dont certains sont spécifiques au terrain ou aux ennemis. Il n’y a pas forcément besoin de farmer ces matières, car certaines sont disponibles aux marchés ou se trouvent en quantité dans toutes les missions secondaires. Il y a également les dizaines d’armes qui se récoltent partout et qui peuvent être forgées pour les perfectionner. Beaucoup de ces améliorations n’ont qu’un effet limité comparé au progrès des statistiques lors des changements de niveau.

Non content de leur taper sur la gueule, on peut également incarner les grandes fées sur le champ de bataille. Et oui, elles se déplacent dans leur fleur et n’ont pas de jambes. Kids, don’t do drugs.
A Link to the past
On peut se contenter de faire la majeure partie de L’Ère du Fléau avec Link, car rien – à part quelques passages – n’oblige à incarner les autres héros. Et même avec Link, l’épée reste une arme de choix malgré la possibilité d’utiliser une lance ou une arme à deux mains. Dommage, d’autant plus que chaque personnage possède son schéma d’attaques spécifiques et que certains sont vraiment pétés. La Gerudo Urbosa, par exemple, dispose d’une jauge qui peut être remplie pour rajouter des attaques électriques à la fin des combos. Cette jauge peut se recharger en achevant des adversaires de la bonne façon. Avec un peu de pratique, il est possible de toujours garder assez d’énergie pour trancher les méchants comme du petit bois.

Pour traverser la trentaine d’heures nécessaires au mode histoire (le seul mode en fait), j’ai compté sur une sorte de curiosité morbide qui me pousse à terminer les chapitres pour y relever le nombre de faiblesses narratives.
Hyrule de demain
Comme dans notre test précédent, on perçoit le grand potentiel du mélange hack’n’slash à la sauce Zelda, mais le soufflé retombe vite. Ou à l’inverse, on remarque des ingrédients dont la franchise mère pourrait s’inspirer, comme des variantes d’ennemis élémentaires ou des coups de grâce épiques (bonjour Skyward Sword). Tout n’est pas à jeter dans L’Ère du Fléau, mais ce qui se garde n’est pas forcément des plus savoureux.
A l’image du dernier Nintendo Direct, L’Ère du Fléau est très convenu et ne prend pas de risques. La faiblesse de ce jeu est surtout de vouloir trop coller à BotW, sans développer sa personnalité. D’ailleurs, vous l’aurez compris, on ne peut pas parler de ce titre sans évoquer son prédécesseur. Ah oui, mention spéciale pour le mode co-op en split screen ! La qualité en prend un coup, mais qu’importe si c’est le prix du vintage !
4 chapeaux pointus sur 10