Plus de deux décennies après sa sortie originale, Silent Hill 2 continue de hanter l’imaginaire des joueurs vintage (comme moi). Ce remake fait honneur à sa mémoire. Un chef-d’œuvre de sobriété et d’atmosphère angoissante…. En attendant le Silent Hill f prévu pour cet automne avec son trailer bien gore et flippant.
Exploration de la mémoire
23 ans après sa sortie (à peu près le temps qu’il m’a fallu pour écrire cette chronique) Silent Hill 2 revient dans un remake parfaitement orchestré. Silent Hill 2 n’est pas un jeu d’horreur classique ou gore. C’est bien plus subtil: une descente horrifique dans les abysses de la psyché humaine, une exploration de la culpabilité, du deuil et de la rédemption. L’antihéros, le protagoniste James Sunderland, reçoit une lettre de sa femme Mary, décédée trois ans plus tôt, le genre de missive sympa… Elle l’invite à la retrouver dans la cité de Silent Hill. Voilà pour le début qui s’ouvre sur une exploration brumeuse d’une ville fantomatique aussi angoissante que la psyché du héros.
Dépasser les limites techniques pour augmenter l’angoisse
Team Silent avait créé avec Silent Hill 2 un langage visuel unique. La brume omniprésente ne cachait pas seulement les limites techniques de l’époque : elle matérialisait l’incertitude, le flou mental d’un homme qui refuse de regarder la vérité en face. Comme s’il se promenait et se perdait dans sa propre tête.
La bande sonore d’Akira Yamaoka mérite à elle seule tous les éloges. Mélange subtil de mélodies mélancoliques et de cacophonies industrielles, elle accompagne parfaitement la descente aux enfers du protagoniste. Le silence devient aussi éloquent que le bruit, chaque note résonne avec l’état d’esprit de James. Et les grésillements de radio bien flippants, qui annoncent la proximité des monstres, sont une idée de génie. Angoissant à souhait cela fonctionne encore mieux avec le mini speaker de la manette.
Ce jeu est une masterclass de sobriété en termes de gameplay et d’atmosphère horrifique.
Un thriller psychologique bien sombre (et des cartons de pizza)
Les monstres de Silent Hill 2 ne sont pas là pour faire sursauter. Ils incarnent les traumatismes, les pulsions refoulées et les remords du héros. Pyramid Head, devenu iconique, n’est pas qu’un simple antagoniste : il représente le besoin de châtiment de James, sa soif inconsciente de punition. On peut d’ailleurs choisir de commencer l’aventure avec une tête identique en carton de pizza pyramidal (lourd indice de ce jeu « miroir » et oui les développeurs vont aussi bien dans leurs têtes).
Cette approche sobre de l’horreur vidéoludique influence encore aujourd’hui de nombreux développeurs. Silent Hill 2 a prouvé que l’horreur psychologique pouvait surpasser l’horreur gore, que la suggestion était plus puissante que l’exhibition d’effets spéciaux.
Qui suis-je? Où vais-je?
La richesse narrative de Silent Hill 2 se révèle progressivement. Les indices disséminés tout au long de l’aventure permettent une relecture constante des événements. Au-delà des puzzles simples, c’est tout une trame psychologique qui se complexifie plus on plonge dans le jeu.
Maria, sosie troublant de Mary, questionne la perception même de la réalité. Qui est vraiment James ? Que cache sa mémoire défaillante ? Et qui suis-je avec ma manette devant cet écran ? Et pourquoi ai-je toujours tellement de retard à livrer mes chroniques ? L’angoisse totale !
Une influence au-delà du jeu vidéo
Vingt-trois ans après sa sortie, Silent Hill 2 reste une référence. Son influence dépasse largement le monde du jeu vidéo : cinéastes, écrivains et artistes continuent de puiser dans son esthétique si particulière. Le remake récent prouve que cette œuvre n’a rien perdu de sa force évocatrice.
Un remake sans polémique woke ne serait pas un véritable remake
Le remake a déclenché sa petite tempête dans un verre de woke. Certains joueurs ont hurlé sur « X », car Maria et Angela ne ressemblent plus à des pin-ups tout droit sorties de leur esprit d’ado. Dans un jeu qui traite de violence conjugale, de traumatismes sexuels et de culpabilité existentielle, le vrai problème était que les personnages féminins ne soient pas assez « sexy ». On a même eu droit au sempiternel cri de « c’est du wokisme ! », cette étiquette magique et multi-usage.
Spoiler :
Ironiquement, ces critiques passent complètement à côté du propos. Angela n’a jamais été conçue comme un objet de désir : c’est une victime d’abus qui lutte contre ses démons. Maria, elle, est littéralement une projection fantasmée – son design original hyper-sexualisé était volontairement caricatural pour servir le propos narratif. Le remake conserve cette intention.
Fin du spoiler
Loin de l’action et de la spectacularisation des AAA du moment, Silent Hill 2 rappelle que les émotions les plus profondes naissent parfois du silence, de la suggestion et de l’introspection. Un chef-d’œuvre intemporel en attendant le Silent Hill f arrive cet automne… avec un trailer bien prometteur!
Note : 9 stratus en plaine sur 10 brumes à Moudon
Testé sur PlayStation 5 également disponible sur PC