L’obole des vampires [Vampyr, PS4]

J’ai lu Bram Stoker, j’ai vu le Dracula de Coppola, j’ai lu Anne Rice, j’ai vu Entretien avec un vampire, j’ai joué à Vampire : La Mascarade sur PC, mais aussi au jeu de rôle. J’ai vu tous les épisodes de Buffy aussi. Et j’aime la cuisine à l’ail. Jouer à Vampyr de Dontnod n’était donc pas vraiment une histoire de choix.

Pourtant il va en être question, de choix, dans ce jeu. Depuis quelques jours que je procrastine la rédaction de cet article, c’est aussi une question de prise de décision ! Après la sortie du décevant Remember Me et du très plaisant Life is Strange, le studio parisien Dontnod poursuit sur sa lancée des jeux à ambiance et trame narrative minutieuses et recherchées.

Dans Vampyr, on incarne Jonathan Reid, médecin assidu et soldat malgré lui, qui rentre dans sa Londres natale après avoir servi au front français de 14-18. Manque de bol, à peine les pieds posés sur sol des scones à la confiture, le bon docteur est attaqué par une créature de la nuit et laissé pour mort. En émergeant d’une fosse commune, il tombe sur sa sœur qui deviendra sa première victime et pose ainsi les bases d’un dilemme qui définit le cadre du jeu : être ou ne pas être un vampire.

Vampyr ps4 ambiance

Grosse ambiance à Londres, le spleen, la dépression, les violons.

London City Batport

La ville est divisée en quartiers et chacun contient une population de PNJ essayant de survivre à l’épidémie de grippe espagnole. Celle-ci a réellement fait des ravages à cette époque. L’ambiance est incroyable. La ville est superbement modélisée (comme l’était Paris dans Remember Me), tout est glauque et on ne se sent jamais en sécurité. Ce sentiment d’oppression est soutenu à la perfection par une bande-son signée Olivier Derivière, faisant la part belle aux cordes graves.

La conception labyrinthique de ces quartiers participe aussi à cette constante impression d’être perdu, à l’instar des méandres torturés de l’esprit de Jonathan. Embrasser sa part de noirceur et devenir le prince de la ville a quelque chose de grisant, mais impliquera aussi de sacrifier les habitants et de voir l’état général des quartiers se détériorer (plus de malade, plus de cadavres et de vampires dégénérés). À l’inverse, faire le gentil et tenter de combattre la « maladie vampirique » poussera à respecter le serment d’Hippocrate.

Vampyr PS4 Londres

« Oui, Londres. Vous savez bien ? Fish, chips, tasse de thé, bouffe dégueue, temps de merde, Mary Poppins de mes deux. Londres ! » 

 

Vampyr PS4 compétences

Un arbre de compétence qui lui aussi fait appel à des choix. On débloque ainsi de nombreux pouvoirs (offensifs et défensifs) qui consomment la réserve de sang à chaque utilisation.

ReSANGsement démographique

En parlant à chaque autochtone, on en apprend plus sur sa vie, son parcours et ses relations avec ses voisins. Cette partie d’enquête permet de choisir minutieusement qui sacrifier et qui épargner. Une grosse promesse faite par Dontnod sur les conséquences à assumer. Malheureusement, cette mécanique s’avère un peu bancale. Contrairement à mon habitude, je m’étais préparé à jouer à Vampyr en incarnant un gros connard. Fini le gentil héros, place au connard arrogant, égocentré et prétentieux. On me propose d’incarner un vampire puissant, que diable ! Autant endosser ce rôle jusqu’au bout !

Vampyr PS4 flegme

Le flegme britannique se retrouve bien dans le jeu. Dans les attitudes, les propos, mais aussi probablement dans un rythme qui se veut continuellement très posé.

Le problème est que, pour autant qu’on aie envie de savoir qui est bon à croquer – comprenez qui donne le plus de points d’expérience quand on le déleste de son hémoglobine – il faut enquêter la moindre. Cet aspect passe par une mécanique proche de celle des Phoenix Wright : certains éléments de dialogue sont inaccessibles tant qu’on n’a pas appris un élément révélateur, par le biais d’un autre interlocuteur, ou via une conversation espionnée. Petit à petit, ces indices permettent d’utiliser l’influence vampirique pour amener les gens à dévoiler leurs secrets. Tout le monde en a, ce qui veut dire que personne n’est tout blanc, ni tout noir. Le jeu a alors tendance à orienter le joueur vers la conclusion que choisir le côté « mauvais » et sacrifier une partie de la population n’est jamais le choix logique.

Vampyr PS4 état de santé

L’instinct vampirique permet de savoir qui est en bonne santé et comment le guérir si ce n’est pas le cas. Un patient en bonne santé est un encas sain.

Dontnod fait encore une fois preuve d’un grand talent d’écriture. L’intrigue est prenante et les personnages sont tous intéressants, avec leurs multiples facettes. Mais les choix dans la catégorie « pas boy scout », conduisent malheureusement trop souvent à la perte d’indices et bloquent donc la progression de l’enquête. Encore une fois, si j’étais un vampire, je voudrais m’assurer de la qualité de mon repas. J’ai ressenti comme une incitation à jouer le rôle du gentil, comme si l’autre face n’était pas valorisée. J’en suis à un peu plus de la moitié du jeu et je n’ai dégusté qu’une seule personne. J’accorde pourtant volontiers au jeu le mérite de m’avoir fait réfléchir sur les conséquences potentielles d’un acte existentiel (une œuvre qui te fait réfléchir, même un minium, aura toujours ça pour elle), mais le game design manque de contraintes selon moi.

Vampyr Ps4 grippe

On parle bien de Kendji Girac là, hein?

Le choix de Sa vie

Tout est une question de rythme dans Vampyr, mais un rythme très lent. Il faut être très patient pour lire beaucoup de dialogues et parfois attendre avant de compléter une mission pour être sûr d’opérer le « bon » choix. On sent alors une volonté de redynamiser le tout par l’ajout des combats. On affronte une milice de chasseurs de vampires, ce qui justifie que Jonathan les tue sans trop de remords. Sans être mauvaises en soi, ces phases là aussi font appel à une notion de rythme, puisqu’on y utilise des pouvoirs, presque comme une danse, rien ne sert de foncer dans le tas, puisqu’il faut tenir compte d’une jauge d’endurance. Mais les deux types de séquences, enquête et combat, m’ont laissé une impression de décalage, un petit goût salé-sucré, que n’aurait sûrement pas boudé Cyril Lignac, mais un sang trop riche en fer, ça passe moins.

Vampyr ps4 ragdoll

C’est bien ça, c’est la troisième lombaire. Je vais vous prescrire un peu de physio et il n’y paraitra plus. Croyez-moi, je suis médecin.

Souffrant encore de quelques bugs, notamment un qui m’a empêché de finir une quête, car j’étais tombé par hasard sur un objet avant que l’on me charge de le récupérer. Vampyr n’est ni complètement mauvais, ni complètement bon, mais sa narration en ferait une excellente source d’inspiration pour une série TV. Oh tiens surprise, FOX en a justement acheté les droits dans ce but. J’ai hâte de voir ce que ça donnera et quant au jeu, intéressez-vous-y lors d’une opération prix réduit (-33% sur Steam jusqu’au 24 septembre reste encore un peu élevé selon moi). En revanche, pas d’inquiétude à avoir pour l’éditeur Focus Home, Vampyr s’étant extrêmement bien vendu par rapport à son budget. On peut espérer que le prochain titre de cette écurie, Call of Cthulhu, puisse profiter d’un soin encore plus particulier.

6 rculation sur 10.

Disponible également sur PC et Xbox One.

Au moment où je tape ces lignes, Dontnod annonce une mise à jour pour le 26.09.

Cette mise à jour semble justement atténuer le décalage ressenti entre combat et enquête. On y apprend que dans un mode « histoire », les affrontements seront moins mis en avant et rapporteront moins d’expérience, ce qui devrait pousser les joueurs à se sustenter davantage sur les citoyens.

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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