Ce rêve pieux [Dreams – PS4]

Qui n’a jamais pesté contre une caméra aux fraises, une plateforme positionnée trop loin, une difficulté mal dosée ou le manque d’originalité dans la construction d’un niveau? N’est-on vraiment jamais mieux servi que par soi-même? Le concept de Dreams propose de répondre à ces questions en enfilant la casquette de ceux qui créent nos jeux.

Le studio Media Molecule s’était fait plutôt discret ces dernières années. Après le succès indéniable de Little Big Planet et ses deux suites (même si l’ont doit le troisième volet à Sumo Digital en 2011), puis celui moins connu, mais néanmoins très recommandable, de Tearaway en 2013 (et 2014 pour sa version Unfolded), les londoniens n’ont plus fait parler d’eux. Pourtant, c’est en 2015 qu’ils avaient annoncé un étrange projet appelé Dreams. J’en avais d’ailleurs commenté cette annonce en disant: « On ne sait pas trop ce qu’on pourra y faire, mais les psychanalystes se frottent déjà les mains ». Puis le projet a plus ou moins disparu de nos écrans radar, pour nous refaire coucou à la Gamescom 2019, en pleine phase d’early access.

Le rêve, c’est donc de pouvoir faire ce qu’on veut. De laisse libre court à nos créations, dictée par un inconscient qu’on ne musellerait plus. Paye ton sur-moi en roue libre. Mais c’est également une allégorie faisant écho au paradis ultime de travailler dans le monde des jeux vidéo. Car tout le monde a envie de créer des jeux, n’est-ce pas? On va y revenir.

 

La musique sera la clé

Difficile de qualifier Dreams de « jeu ». Car il s’agit plutôt d’un portail, vers des outils de création, ainsi que vers les travaux des autres utilisateurs. Pensé comme un réseau social, on peut s’y balader en tant que créateur ou que joueur-explorateur. Et comme dans toute visite qui se respecte, il faut d’abord un guide. C’est le rôle que joue Le rêve d’Art, un voyage proposé par Media Molécule directement et dans lequel on incarne tour à tour un musicien du nom d’Art, un duo d’animaux en peluche sociopathes, un petit robot, une voiture qui vole, etc. Derrière un message peu subtil, mais efficace de candeur, sur l’importance des arts, se dissimule en fait un catalogue des multiples possibilités qu’offre Dreams.

 

Dreams PS4 Art

Art, ou la quête pour l’art. Et inversement.

En effet, en enchainant des phases de gameplay complètement différentes les unes des autres (plateforme, shooter, point and click, musical, etc.) au fur et à mesure que se déroule le rêve du musicien, on passe de leçon en leçon. Ce n’est pas toujours explicite, mais chaque niveau regorge de « petits trucs » utiles pour qui voudrait se lancer dans la création. Par exemple, comment faire comprendre au joueur qu’il marche dans une flaque d’eau sans devoir animer le liquide? En dessinant des losanges qui grossissent puis disparaissent sous les pas du personnages. Malin!

 

Dreams PS4 collecte de sphères

Jouer permet de débusquer des sphères contenant des éléments à utiliser en suite en création. Une interdépendance bien pensée.

Où la raison s’achève

Une fois qu’Art a atteint le bout de son rêve (au sens propre comme au figuré), il est temps de découvrir ce que les autres utilisateurs ont créé. Au-delà des contenus proposés par Media Molécule eux-mêmes, chacun peut librement créer n’importe quels éléments de décor, de mécanisme, de personnage, de musique et de les mettre ensuite à disposition de tous. Les seules limites sont celles de votre imagination, comme on dit. Et celle de la bienséance, ajouterais-je.

 

Dreams 4 Dreamverse et licences

Le Dreamiverse est peuplé de clones ou d’hommages plus ou moins réussis. D’après le site de Media Molecule, tant que personne ne réclame une violation de droit d’auteur (licence), les productions restent disponibles.

Les outils de création sont hyper complets. Je suis resté stupéfait de voir la palette de possibilités. On peut envisager de construire tout ce qu’on veut, comme par exemple un hôpital chinois. Mais ce n’est pas si évident. Les outils ont beau être bien expliqués, j’ai trouvé que le maniement (à la manette…) demandait une certaine patience. Et il est vite fait de se sentir enseveli sous la masse de moyens proposés. Heureusement, il y a une dose gigantesque de tuto intégrés directement dans Dreams. Exactement comme ceux qu’on trouve sur les pages du support de Microsoft pour appendre à faire de jolies présentations Power Point, ou pour créer une bombe à partir de fromage bleu si vous trainez plutôt du côté du dark web. Ceux de Dreams, donc, sont très bien pensés, avec un lecteur vidéo qui se superpose à l’écran. Le maître-mot reste alors la patience.

 

Dreams PS4 tutoriels

Avec les tutos on apprend en s’amusant!

Car oui, il va en falloir un sacré paquet si vous voulez produire du contenu de qualité. Il y a un cap à passer avant de devenir fluide dans l’utilisation, mais nombreux sont ceux qui ne se sont pas découragés. Je disais ci-dessus que Dreams est pensé comme un réseau social, il est donc possible de s’abonner à des créateurs de talent, ou à ses propres amis PSN. Tous les éléments peuvent donc être réutilisés dans vos propres créations.

 

Dreams PS4 création

« En chantier »

Créer n’est pas jouer

Bien que Dreams soit criant d’exhaustivité, il ne faut pas négliger deux difficultés inhérentes à ce genre de concept. En effet, tout comme dans Mario Maker 2 qui suivait la même idée de création/jeu, la maniabilité à la manette risque de menacer le nombre de cheveux sur votre crâne. Mais le retour à la réalité assez brusque vient surtout du moment où l’on se rend compte que aimer jouer à des jeux vidéo, n’est pas du tout la même activité que de créer du jeu. Ça semble évident dit comme ça, mais régulièrement on peut entendre des parents se plaindre que « mon fils joue beaucoup trop aux jeux vidéo, alors je lui ai proposé d’en faire sa carrière et de s’intéresser à la création, au moins ». Désolé M’sieurs, ‘dames, mais non, ce n’est pas la même chose et même si jouer peut être l’amorce d’un attrait pour le monde des jeux plus élargi, cela ne va pas toujours de pair.

 

Dreams PS4 pirates

Le monde se divise en deux catégorie, ceux qui modélisent un puzzle-game à la première personne dans un bateau pirate et ceux qui jouent. Moi, je joue.

 

Apparemment on peut se servir de Playstation Move pour se donner un petit air Minority Report. Je n’ai pas testé, mais les commentaires semblent dire que c’est une amélioration radicale.

Sans être défaitiste, il faut être réaliste. De la même manière que le concept de serious game entretien l’illusion que le jeu vidéo est un outil magique qui se suffit à lui-même pour amener l’utilisateur à apprendre plus vite, la tâche de créer du jeu vidéo est ardue. Ce n’est pas pour rien que des formations en game design commencent à se développer. Mais heureusement, il existe des gens qui ont cette patience et qui se lancent dans la modélisation. Le catalogue de Dreams peut donc vous occuper de longues heures. Vous pouvez tester un jeu, en sortir quand vous voulez, laisser un commentaire et passer au suivant. Comme dans Mario Maker il faut parfois faire le tri entre de nombreux essais ratés et des clones d’autres jeux existants. Pourtant, même parmi ces derniers on trouve des idées, de la créativité et une forme de bienveillance bienvenue entre les utilisateurs.

 

Dreams PS4 Super Mario

Oui, c’est bien lui. On peut jouer Mario sur PS4. Plus rien n’a de sens. L’Apocalypse est proche.

 

PS4 Lara

Hey, mais on se connait, non?

I had a …

Media Molecule a donc réussi à « gamifier » la création de jeu en développant un outil complet et dont les parties s’assemblent dans une complémentarité parfaite. Les processus sont participatifs, chacun peut s’investir dans un domaine qu’il maîtrise et sera reconnu pour ses compétences. Des objectifs de progression sont proposés sous formes de quêtes. Ce communautarisme très bon enfant est tout à fait d’actualité, n’en déplaise aux bobos-hipsters de mon quartier.

Dans les faits, si un utilisateur est bon à créer des statues, par exemple, il obtiendra un badge « sculpteur » et être identifié pour son expertise. Il pourra ainsi fournir des statues aux autres pour leurs créations.  Et lui-même faire appel à un « spécialiste textures » pour habiller ses propres œuvres. On se croirait revenu à l’âge du troc sans cotations boursières.

 

PS4 Star Wars

On trouve aussi des séquences animées non-interactives.

Avec Dreams j’ai retrouvé cette impression de légèreté passionnée datant d’avant le moment où je me suis rendu compte que le jeu vidéo était une industrie. Ici les utilisateurs créent pour le plaisir, sans se soucier des droits d’auteur, du marketing, du business ou de crunch. On y partage, on emprunte, on conseille, on teste. On joue. A l’image d’Art le musicien, je perçois comment on est plus efficace en groupe, à l’unisson. Ma vision est naïve ? Et si c’était ça le jeu vidéo ? Laissez moi rêver.

Note: ceci n’est pas un jeu sur 10

 

En partenariat avec Sony, nous vous proposons de gagner un exemplaire de Dreams et quelques goodies, dont un t-shirt. Pour participer, il suffit de remplir le formulaire ci-dessous. Merci d’indiquer vos coordonnées et la taille souhaitée pour le t-shirt. Nous tirerons au sort le ou la gagnante. Délai de participation: 22 mars 2020, 23h59. A vos marques, prêts, rêvez!

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Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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