Apprendre de ses horreurs [The Dark Pictures Anthology: House Of Ashes]

Un paquet de chips aromatisés à la truffe. Teiki ne le savait pas encore, mais c’est cela qui allait causer sa perte, de manière violente, sordide, inattendue et frustrante. L’obscurité s’étendait progressivement dans le salon et l’horreur s’apprêtait à resserrer son étreinte glaciale dans cette terrible nuit de novembre.

Sauf qu’en fait pas du tout. C’était un dimanche après-midi et il faisait sombre parce qu’on devait descendre le store pour éviter ces maudits reflets du soleil de mars sur la télévision du salon. Après notre traumatisme conjoint sur Little Nightmares 2, Teiki et moi nous sommes découvert un intérêt partagé pour les jeux qui font peur. Ni une ni deux, ni même trente-six, je lui proposais de venir essayer House of Ashes, le dernier chapitre en date de la Dark Pictures Anthology.

– Salut, ça va? Bienvenue!

– Oui, merci et toi? J’ai amené des bières! Et des chips… à la truffe.

– Ah euh oui, très bien, entre seulement.

Rappelons le principe de cette série : un majordome chelou nous raconte une histoire, dans laquelle cinq personnages cherchent à survivre. Chaque récit est indépendant des autres. Supermassive Games prolonge son concept, entamé avec Man of Medan (2019), puis Little Hope (2020) et qui se poursuivra avec Devil in me (2022). Un peu comme dans les Contes de la Crypte, le narrateur bizarre, prend un certain plaisir à nous ficher la trouille. Dans chacune de ses histoires, tout le monde peut survivre, comme personne. Ceci donne alors lieu à un récit à embranchements, dont les issues dépendront des actions des personnages, incarnés (individuellement ou successivement) par les joueurs.

 

House of Ashes - Narrateur

Vous m’avez l’air tout à fait digne de confiance, mon brave.

Il était un foie…

Jusqu’à cinq personnes peuvent jouer en même temps, chacun ayant la responsabilité de faire survivre son personnage jusqu’au bout. Dans le cas d’un nombre réduit de joueurs, les personnages sont attribués aléatoirement jusqu’à ce que tous aient trouvé preneurs (ce qui peut poser problème, mais on y reviendra). Pas besoin d’être un virtuose du pad, puisque House of Ashes reprend un format plus proche du film interactif que du jeu vidéo.

Ce principe, déjà très bien exploité dans de précédentes productions du studio, comme Until Dawn ou Hidden Agenda, permet alors à toutes et tous de participer à l’aventure horrifique.

 

The Dark Pictures Anthology_ House of Ashes corridors

On passe beaucoup de temps dans l’obscurité à arpenter des couloirs inquiétants. Mais il n’y a que peu de séquences de tir et elle sont scriptées.

 

On assiste alors à de longues scènes cinématiques (jouées en motion capture), entrecoupées de moments interactifs où il faut faire des choix selon un barème émotionnel, ou appuyer sur des boutons affichés à l’écran. Dans les deux cas, un compte à rebours se charge de nous mettre la pression. Mais celui-ci est paramétrable pour plus d’inclusivité, tout comme le fait de remplacer les QTE par des actions contextuelles (en gros, appuyer sur un bouton plutôt que LE bouton). Petite surprise contre-intuitive, il faut parfois échouer son enchainement pour progresser et ne pas tuer son personnage.

 

The Dark Pictures Anthology_ House of Ashes choix

Les choix de réponses influencent la suite du scénario. Il est aussi possible de ne rien répondre. Ou de se tromper par maladresse [NDTeiki : C’était délibéré voyons].

Souper sous terre

C’est donc par un radieux dimanche que Teiki et moi avons entamé notre périple. Je fournis le lieu, lui les bières et les chips (éléments essentiels à toute séance de film d’horreur qui se respecte). Pour compléter ce joli tableau d’adolescence, les fameux stores baissés en plein après-midi. Nos parents doivent être si fiers. Bref, dans le mode choisi, une seule manette peut suffire puisqu’il s’agira de se la passer lorsque notre nom s’affiche. Ceci indiquant que c’est l’un de nos personnages qui entre en jeu. Et ça laisse le temps de manger des chips pendant que l’autre joue, brillant gaming 2.0.

– Ah oui, donc moi j’ai Rachel, c’est ça ?

– Ouais, elle a l’air tout à fait stable, hein !

– Haha, marrant, c’est moi qui joue son mari aussi. On va l’appeler « Captain America », avec sa tronche de blondinet. [reprend des chips]

 

The Dark Pictures Anthology_ House of Ashes fin de chapitre

Euh non, mais alors trop pas!

 

Le pitch qui nous occupe ici est le suivant : un groupe des forces spéciales américaines parqué en Irak se rend sur une cache présupposée d’armes de destruction massive. Pendant qu’une escouade de soldats irakiens leur tend une embuscade désespérée, dans un conflit qui ne l’est pas moins. Tout ce brave petit monde va se retrouver englouti par le sol qui se dérobe sous leurs pieds. Les voilà coincés dans d’immenses cavernes, qui n’abritent pas que des ruines mésopotamiennes, mais également de sanguinaires créatures vampires.

 

The Dark Pictures Anthology_ House of Ashes_20220130140220

Nanar, oui, mais PEGI 18 quand même.

Tu veux mon Pazuzu? (ou ou ou ou)

Chaque personnage a son caractère, mais aussi ses affinités plus ou moins poussées avec les autres. Tout l’enjeu tournera alors autour de la manière dont va se comporter le groupe de survivants. Tous les choix, ou les non-choix, ont des conséquences, qui sont parfois fatales. Au sens létal et gore du mot. Découvrir toutes les morts possibles représente d’ailleurs l’un des objectifs inavoués du jeu.

 

The Dark Pictures Anthology_ House of Ashes statistiques

Le moral, les émotions dominantes et le type de relations aux autres évoluent au cours de l’histoire. Mais sans que les conséquences soient vraiment perceptibles.

 

– Hum elle a l’air mal en point elle, non ?

– Mouais, mais on pourrait quand même l’aider non ? Tu veux des chips ?

– Non merci. OK fais comme tu veux, on verra bien plus tard.

– Elle a peut-être juste le COVID, non ?

Plus tard, ça ne se passera pas très bien d’ailleurs. Quelle idée d’amener des chips à la truffe aussi. Bon, il savait pas que j’aimais pas ça [NDTeiki : Je ne savais pas que c’était possible de ne pas aimer ça]. Et si je me vengeais en coupant sa corde dans le jeu ? Nan, c’est pas cool…

 

The Dark Pictures Anthology cavernes

Les décors de cavernes et de temple antiques sont oppressants à souhait et très joliment modélisés. Heureusement, pour un jeu dans lequel on « regarde » beaucoup.

 

L’intérêt d’House of Ashes, se déplace alors gentiment de ce qui se passe sur l’écran à ce qui se passe sur le canapé. Même si suivre le scénario nanardesque à souhait reste très plaisant, ce sont les interactions entre joueurs qui donnent sa saveur à l’expérience. Car entre joueurs aussi on peut décider de s’entre-aider ou non. C’est ce qui peut poser problème si on ne joue qu’à deux, par exemple. Puisque les personnages sont répartis aléatoirement, on peut se priver de certaines confrontations. Ou avoir la même personne qui joue pendant un moment et l’autre ne fait que regarder (ce qui est plus pratique pour manger des chips, je vous l’accorde). Ou encore perdre tous ses personnages et être définitivement cantonné au rôle de spectateur (et commentateur).

 

The Dark Pictures Anthology prémonitions

Des pierres de prémonitions sont disséminées un peu partout. En les retrouvant, on peut avoir un (très) court aperçu du destin possible d’un personnage. Malheureusement, on ne comprend que rarement comment influencer nos choix pour éviter ce sort funeste.

La mite de la caverne

Il nous aura fallu cinq heures pour atteindre le générique de fin de House of Ashes. Avec deux personnages sur cinq de vivant, et pas forcément ceux qu’on aurait imaginés. Parfois c’est injuste, on ne comprend pas toujours que quelqu’un risque d’y passer à la prochaine action, mais l’important est d’assumer et de ne pas recharger sa partie. Même si un seul coup de pied manqué a des conséquences dramatiques…

– Oh merde, je l’ai raté ! Il est mort juste avant la fin !

– Aaaah, mais non ! Tu y étais presque, c’est nul ! On recharge la partie ?

– [Mâchoire serrée] Non, on continue, on assume. [Reprend des chips à la truffe]

S’il y a plusieurs twists dans le scénario, selon les objets récoltés au long du périple, je dois dire que le retournement final est assez génial parce qu’on ne le voit pas venir. Je questionne néanmoins la rejouabilité. Car même s’il est possible de choisir quelle scène rejouer, celles-ci sont parfois longues avant d’atteindre l’embranchement. Et puisque le gameplay n’est pas d’un dynamisme exalté (marcher, ramasser un objet, regarder une vidéo), devoir les exécuter à plusieurs reprises devient vite barbant. Pour ma part, je me suis vite rabattu sur YouTube pendant des heures pour découvrir le reste. Je pense que House of Ashes, tout comme les autres épisodes, doit vraiment être envisagé comme un « one shot » qui permet aux joueurs d’écrire leur propre scénario de film (ou presque).

 

The Dark Pictures Anthology chapitre 3

Gniark gniark gniark!

Règle de base : rester en groupe.

Il existe trois manières de jouer aux chapitres de la Dark Pictures Anthology:

  1. Tout seul : pas besoin de vous faire un dessin, l’intérêt est très limité.
  2. La soirée cinéma : clairement le plus intéressant, on se sert sur le canapé pour frissonner les uns contre les autres, chacun avec son propre personnage (de 1 à 5 joueurs, une seule manette suffit – pour autant qu’on y mette pas du gras de chips dessus).
  3. L’histoire partagée : le mode en ligne : un coopératif à deux où toute l’histoire se joue chacun de son côté, faisant des choix qui affectent les deux joueurs. Prestation assez sympa, un seul exemplaire du jeu est nécessaire. Il suffit ensuite d’inviter la seconde personne ne ligne. Celle-ci aura accès à tout le jeu gratuitement. Nous avons également testé ce mode avec le Marines Truffe Teiki et l’expérience est radicalement différente. On perd un peu en convivialité, puisqu’on joue en parallèle, mais on se sent également plus libre de ses choix. Ni mieux, ni moins bien, juste différent.

 

Vampire contre-attaque

Prévenez des potes, demandez-leur de bloquer une soirée de cinq heures, d’amener des boissons et des chips (en leur stipulant vos préférences en termes de goût, on sait jamais) et lâchez-vous dans House of Ashes. Seul, l’expérience perd 93% de son intérêt (selon les derniers sondages IFOP très précis). En ce qui nous concerne, les éclats de rire face aux situations ubuesques nous ont ramenés en adolescence, quand on aimait se faire peur en groupe et qu’on criait « NON, NE VA PAS SEUL A LA CAVE !! » aux personnages du film qui finissaient quand même toujours par y aller, seul.

C’est donc l’ambiance sociale du salon, plus que le jeu lui-même, qu’on évalue. Ce qui nous a totalement convaincus d’essayer les autres chapitres de la Dark Pictures Anthology et de motiver le reste de la rédaction de nous rejoindre (comme en témoigne cet épisode du podcast). Je crois que Plissken, aime les petits bretzels [NDTeiki : à la truffe ? ]…

Note: 8 derrière-toi c’est affreux sur 10

Testé sur PS5, également disponible sur PS4, Xbox One, Xbox Series X|S et PC.

 

Author: Founet

A ne pas confondre avec le village vaudois, est à peine plus jeune qu’une Famicom. Vouant un culte à George, il découvrit son amour du jeu vidéo et de la techno allemande pendant les grandes années de Lucas Arts. De ses nombreuses heures passées à cliquer lui vient son humour absurde et sa cleptomanie. Frappé d’une mystérieuse malédiction, les machines semblent se rebeller lorsqu’il les manipule ou fait mine de les regarder. Founet ne roule jamais en-dessous de 88 miles à l’heure et rêve de maîtriser la télékinésie grâce à la Force. En attendant de passer maître Jedi, il joue à la Wii U. Accessoirement rédacteur en chef, quand il arrive à se faire entendre des autres, qui mettent le son trop fort, les farceurs.

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